mercredi 1 avril 2015

La dictature du temps court.


Des élections viennent de se terminer.

De quelques couleurs politiques qu'elles proviennent, les professions de foi sont révélatrices de la pauvreté des programmes des candidats et cette observation est constante à toutes les élections. Ensuite, arrivés au pouvoir, ils gèrent le présent sans prendre en compte l'avenir.

Alors que la politique doit s'entendre dans le temps long, coincés par la durée de leur mandat, par la perspective de leur réélection et par le fonctionnement médiatique et sociétal, tous les hommes politiques font de la gestion de court terme.

En 2012, la Cour des Comptes les a tancés en affirmant dans un rapport « (qu'il fallait) mettre le politique au défi de se placer sur le temps long, pas sur celui des promesses électorales ».
« Assez de pilotage à vue » a écrit la Cour, ajoutant : « de se débarrasser des réflexes d'une société de consommation obnubilée par le temps … court »

Mais, comme tous leurs contemporains, ils se laissent prendre au piège de l'accélération du temps où l'on va toujours plus vite, où Internet permet d'être informé dans l'instant, où l’obsolescence programmée limite la durée de vie de tous les biens de consommation, où le retour sur investissement, non content d'être à deux chiffres, doit être immédiat, où les transactions boursières se font à la nanoseconde …
Le temps court permet de renouveler les produits plus souvent au bénéfice (importants) de quelques individus qui ont compris comment s'approprier les marges à leur profit.
Le temps court permet d'augmenter le rendement des capitaux qui tournent à la vitesse de la lumière et décuple la cupidité du système et des oligarques.
Le temps court est concomitant à la société de consommation dont le credo est de consommer toujours plus et toujours plus vite. L'accélération du temps est inhérent au système capitaliste et assure son succès.

Le monde a perdu de vue le temps long et ne s'intéresse qu'aux symptômes et plus aux causes.

« Nous empruntons la terre à nos enfants »

Oublier ce proverbe africain si chargé de bon sens, c'est oublier que nous devons toujours considérer nos actions en pensant aux générations futures, c'est oublier que le temps long est celui des visions politiques de long terme porteuses de progrès social et humain.

L'omission du temps long donne le confort d'ignorer les conséquences de nos actes et de nos décisions sur les générations à venir et obère jusqu'à l'avenir de l'humanité.

Malgré l'oxymore que certains dénoncent, le concept de « développement durable » est un rappel à l'ordre à notre modèle économique et à l'adulation du « dieu croissance ». Le modèle que nous montre l'évolution du monde depuis sa création est celui du temps long.
C'est l'arrogance et la prétention de l'homme « moderne » qui le met en contradiction avec la terre qui le porte.

La petitesse de notre passage sur la terre sur la terre en comparaison avec les temps géologiques devraient nous ramener à la plus grande modestie.

Tout dans la nature est là pour nous rappeler le temps long :

  • Le jardinier qui plante aujourd’hui un chêne sous l'ombre de laquelle se détendront ses petits enfants,
  • les énergies fossiles qui, œuvre des temps anciens, seront consommés en moins de deux siècles,
  • des pans entiers des forêts d'Amérique du Sud, d'Asie et d'Afrique détruites en quelques minutes par des machines géantes,
  • les ressources halieutiques en voie d'extinction détruites par l'avidité du monstre humain,
  • sans oublier la désagrégation lente des déchets nucléaires et la dégradation des nappes phréatiques, de la couche d'ozone, du climat, etc

Quelle prétention de se croire ainsi supérieur à la nature qui a mis des centaines de milliers d'années à élaborer ce que nous aurons dilapidé en l'espace de deux siècles.

Aujourd'hui, on constate que la Cour des Comptes n'a pas été entendue et que ses exhortations sont restées lettres mortes, pourtant, il faut absolument que la raison revienne à tous les décideurs, aux industriels, aux femmes et aux hommes politiques, mais aussi à nous tous car la prise en compte du temps long n'a de sens que collectivement.

Il est primordial que les conséquences de nos décisions comme de nos actes soient prises en compte sur la durée.


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

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