mercredi 29 octobre 2014

Rémi Fraisse, mort pour un barrage !


Rémi Fraisse n'aura pas la légion d'honneur à titre posthume. Il est vrai qu'il n'avait pas, comme un chef d'entreprise récemment disparu, le libéralisme pour religion et qu'il ne pratiquait pas, journellement, le néocolonialisme capitaliste. 
 
Il avait vingt et un ans et il est mort parce qu'il voulait empêcher un barrage de se construire et condamner la vision délirante d'une agriculture productiviste. Il a été tué lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens, touché par une grenade offensive lancée par les forces de gendarmerie. Des traces de « TNT », un explosif utilisé dans les grenades des gendarmes, ont été retrouvées sur ses vêtements.

Plusieurs alertes, qui n’ont pas été prises en compte, avaient été déclenchées. L'ex-ministre Cécile Duflot, avait, en vain, la semaine dernière, alerté le préfet du Tarn sur les dérapages des gendarmes. Déjà, le 7 octobre, une militante de 25 ans avait été grièvement blessée à la main, sur la zone du Barrage, après avoir été touchée par une grenade jetée par un gendarme dans la caravane où elle s’était réfugiée avec trois autres militants.

Le colonel, chargé de la communication de la gendarmerie nationale a, cyniquement, qualifié la mort du jeune homme d'« accident » ajoutant « Ça fait cinquante ans que les grenades offensives sont couramment utilisées en maintien de l’ordre … Il y a déjà eu des blessés lors de manifestations violentes, avec des mutilations aux doigts de personnes qui avaient essayé de les relancer, mais jamais aucun cas létal ».

Le projet de barrage se situe, le long de la forêt de Sivens, dans le Nord-Ouest du Tarn sur la partie sauvage et préservée de la rivière Tescou.

Les contestataires du projet affirment que le processus d’élaboration du projet est un déni de démocratie : pas de concertation avec les associations de protection de l’environnement et des milieux aquatiques, avis défavorables cachés durant l’enquête publique, refus du Conseil Général du Tarn et de la Préfecture de débattre en public, de répondre aux questions et de suivre les avis des scientifiques, des experts nationaux, de la Commission d’enquêtes publiques, de la Fédération de Pêche et des milieux aquatiques, des services de l’État chargés de l’eau (ONEMA)… En dernier lieu, des experts mandatés par le ministère de l'écologie estiment que le projet est surdimensionné et ne répond pas aux besoins réels du territoire.

C'est un gouffre financier de 8 400 000 € ouvert uniquement sur les fonds publics, avec un coût de fonctionnement de l’ordre de 360 000 €/an, pendant 20 ans. 
 
Cela pour, seulement, une vingtaine d'exploitations irriguées, laissant 95 % du coût de fonctionnement à la charge des contribuables. Il serait peut-être intéressant de connaître l'identité des propriétaires des terrains en contact avec la retenue d'eau.

Les dirigeants dits de gauche comme ceux de droite partagent, à l'heure de la transition énergétique, la même vision archaïque de l’aménagement du territoire par grands projets : du stade de Lille à celui de Bordeaux, en passant par celui de Lyon, de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes au tunnel ferroviaire du Lyon-Turin.

Le 6 septembre, dans un discours lors d'une manifestation à Saint-Jean-d'Illac (Gironde), face à un parterre d'agriculteurs, Manuel Valls, avait annoncé la couleur, affirmant, avec le ton autoritaire qui lui est coutumier, qu'il ne céderait pas aux opposants : « Nous avons tenu bon à Sivens », dévoilant, par ces propos, que le gouvernement s'était vendu aux lobbies agricoles les plus productivistes de la FNSEA et du syndicat des Jeunes Agriculteurs.

Nombre de parlementaires pensent que les zadistes1 sont des casseurs. Cela démontre, une nouvelle fois, le fossé qui se creuse entre les citoyens et leurs représentants au Parlement. À Notre-Dame-des-Landes, comme au barrage de Sivens, les zadistes se contentent pas, seulement, de contester les grands projets d’équipement.

Ils représentent aussi des mouvements alternatifs, des expériences de propriété collective, de démocratie directe, d’autogestion..., ils veulent faire éclore un autre monde, des rapports sociaux plus égalitaires … Et, même si des militants extrémistes très minoritaires, pratiquant parfois des techniques de combats de rue, s'y retrouvent, leur culture commune est celle de la désobéissance civile et de l’action directe, la critique du matérialisme dominant, et de l’individualisme. 
 
1  ... de ZAD (acronyme de "Zone à Défendre", détournement de " Zone d'Aménagement Différé")

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

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