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mercredi 3 avril 2013

Cahuzac ou le révélateur de l'impasse politique social-libérale

"La crise de la représentation politique est entrée dans sa phase terminale. C’est l’état d’alerte pour les démocraties". Ainsi peut-on lire, sous la plume de Christian Salmon (1), cette dernière phrase de son article intitulé : "Démocratie état d'alerte" et paru dans Médiapart, le 31 mars 2013.

Il n'y a pas lieu de se réjouir de voir anéantis les forts-en-gueule, les bravaches et les surdoués du discours mensonger. Jérôme Cahuzac nous a fait choir, avec lui, dans le gouffre d'une politique sans nom, sans principe et sans objectif, et nous n'en sortirons pas indemnes, si nous en sortons.

Car de quoi s'agit-il ? 

Rappelons-nous la sortie de l'ex-ministre du budget, sur Antenne 2, face à Jean-Luc Mélenchon : « La lutte des classes, ça résume notre réelle divergence. Vous y croyez toujours, je n’y ai jamais cru"... "Jamais ?" avait relancé Mélenchon. "Jamais" avait rétorqué Cahuzac... Tout était dit : Porte-parole du gouvernement, ce jour-là, il reconnaissait que son socialisme n'avait rien à voir avec celui que l'histoire avait mis en valeur : la solidarité indéfectible avec les petits, les sans grades, les sacrifiés du système capitaliste. Il reniait Jaurès, Blum et même Jospin. Il faisait passer le PS à droite.

Considérons l'état de ce compte en Suisse ayant échappé à tout contrôle fiscal ! Jérôme Cahuzac n'a accumulé et mis à l'abri "que" 600 000 euros. Là n'est pas son pire délit. Il est des PDG ou de simples joueurs de foot-ball qui s'offrent, aujourd'hui, des rémunérations bien plus importantes encore. Non, ce qui hallucine c'est que, pour la première fois dans l'histoire de France, le ministre en charge du budget de la nation avoue qu'il a fraudé le fisc. Toute confiance s'en trouve abolie. Tout se passe comme si mon banquier était le cambrioleur qui vient de se faire prendre dans ma maison.


Pensons à tout ce qui s'abat aujourd'hui sur les citoyens modestes. Celui qui influençait la politique financière du gouvernement est le même qui lâche, à la face des chômeurs, des petits retraités, des sans abris, des sans revenus et des sans espoirs, sur son blog (!), quelque chose comme : "oui, c'est bien moi qui ai menti à tout le monde, je m'enrichissais dans l'ombre et j'en demande pardon au chef de l'État ainsi qu'à tous ceux qui m'ont mandaté". Trop facile! Jérôme Cahuzac a plus que menti : il a trahi après s'être montré méprisant, cynique, fort de sa supériorité, voulant trainer ses contradicteurs devant les tribunaux. C'est un désastre absolu qui n'a qu'un équivalent : celui qui emporta DSK dont Cahuzac fut proche. Mais que voient et que disent, au sein du PS, ceux qui, depuis des années ont constaté des dérives multiples et n'ont pas osé les condamner ? 

Reste à tirer des enseignements de cette série de manifestations de malhonnêteté au sein de la classe politique. Certains sont déjà condamnés, d'autres mis en examen, et quelques-uns "blanchis" faute de preuves. La justice, qui n'est pas elle-même toujours exempte d'impartialité, compte, en son sein, des magistrats courageux et, de même, dans la presse, quand des journalistes d'investigation font leur métier non sans risques, la vérité sort du puits, choquante dans sa nudité et pourtant révélatrice de l'état réel de notre société.

Il est temps que cesse le scandale du cumul des mandats qui incite à thésauriser argent et pouvoirs.
Que l'on sache pourquoi plus il est de richesses produites moins il est de fonds disponibles.
Que l'on sache pourquoi l'austérité est promise aux modestes et le luxe aux nantis.
Que l'on sache pourquoi il n'est plus ni droite ni gauche si tous les élus font la même politique.
Que l'on sache comment accèdent au pouvoir d'État des prédateurs sans scrupule.
Que l'on sache pourquoi est blessée à mort la démocratie quand aucune élection ne change rien?
Que l'on sache pourquoi on en revient à faire le lit des démagogues totalitaires ?

De même qu'il faut s'indigner pour mieux se révolter contre l'injustice, il faut, à présent, se scandaliser pour contraindre les décideurs à décider non ce que commandent "les marchés" mais ce qu'exigent les peuples : vivre en paix dans le partage et l'équilibre sans s'en remettre à ceux qui n'ont d'autre intérêt que le leur.

(1)  Chercheur au CNRS, auteur, notamment, de Storytelling : La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits (2007, La Découverte).

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran





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