lundi 7 septembre 2009

Battisti et la parole donnée

Le 9 septembre prochain, le Tribunal Suprême du Brésil doit rendre son jugement sur l'asile politique de Cesare Battisti.


En 2008, le ministre de la Justice brésilien le lui avait accordée mais le président du Tribunal a voulu s'opposer au gouvernement Lulla et l'a maintenu en détention en attendant sa propre décision.

Cet ancien membre des Prolétaires Armés pour le Communisme, condamné en Italie par contumace, en 1993, à la perpétuité pour quatre homicides commis en 1978 et 1979 - les années de plomb -, homicides qu'il a toujours niés, s'était évadé d'une prison italienne, en 1981, et avait gagné le Mexique avant de se réfugier à Paris, en 1990, jusqu’au 21 août 2004, pour éviter l'extradition vers son pays.

Cesare Battisti avait, comme l'y obligeait la " doctrine Mitterrand " de 1985, rompu avec l'activisme armé et, comme beaucoup d'anciens militants de l'extrême gauche italienne des années de plomb - dont Marina Petrella, ex-membre des Brigades rouges, autorisée, en octobre 2008 à rester en France pour "raisons de santé" -, il avait refait sa vie et entamé une carrière d'écrivain de romans policiers. Onze de ses livres ont été publiés chez Gallimard au cours des années 1990 et 2000. Il était aussi le concierge de son immeuble parisien, pour arrondir les fins de mois et subvenir aux besoins de ses deux filles.

Mais, en août 2002, le gouvernement Chirac, le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, et le garde des sceaux, Dominique Perben, ont d'un coup renié la "doctrine Mitterrand" (politique d'asile de tous les gouvernements français, depuis la fin des années 70) et la "parole donnée" par l'État français, et accepté d'extrader les anciens militants ; ils livrent ainsi Persichetti à Berlusconi, en se déclarant solidaire de Roberto Castelli, haut responsable de la très xénophobe Ligue du Nord et alors ministre de la Justice transalpin.

En mars 2004, l'Italie réclame Battisti, que la justice française avait déclaré par deux fois inexpulsable, depuis son arrivée sur le territoire. Sur la base de " nouveaux éléments " transmis par le parquet italien, la justice française change finalement d'avis et déclare l'Italien extradable.
Ses défenseurs saisissent alors la Cour européenne des droits de l'homme, réputée très peu favorable à Berlusconi. La Cour n'aura pas le temps de donner son avis, car Battisti sait qu’il n’aura pas le droit à un nouveau procès, et finira ses jours en détention et en août 2004 il se soustrait à son contrôle judiciaire, entre à nouveau dans la clandestinité et se réfugie au Brésil.

Cesare Battisti a été arrêté le 18 mars 2007 près de la plage de Copacabana à Rio de Janeiro après 30 mois de cavale. L'opération a été coordonnée par les services d'Interpol, son contact, une jeune française, ayant été filé par des policiers français de l'Office Central de Lutte contre la Criminalité qui ont transmis leurs renseignements à la police brésilienne.

Cesare s'est retrouvé pris, une fois de plus, dans un enjeu de pouvoirs qui le dépasse. Si le tribunal suprême lui refuse le statut, Lulla peut toujours en dernier recours refuser d'exécuter l'extradition.

Nicolas Sarkozy est justement en visite au Brésil pour vendre des avions " Rafale " aux Brésiliens. Espérons, sans trop y croire, qu’entre deux séances de négociations financières, il reviendra sur sa décision de 2002 et saura rétablir l'honneur de la patrie des Droits de l'Homme, donnant foi à la parole donnée par la France en convainquant les autorités brésiliennes de laisser Battisti en liberté.


Voir le livre de Fred Vargas : La Vérité sur Cesare Battisti, Editions Poche.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux


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