Derniers
jours avant le deuxième tour des présidentielles
Le
point au 5 mai 2017. Note 57. À J-2.
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
continuerons d'analyser l'évolution de la situation politique. Aux
notes antérieures, datées, numérotées et modifiables,
s'ajouteront les suivantes jusqu'au 6 mai et sans doute au-delà car
la lecture complète des présidentielles ne s'effectuera qu'après
les législatives. Fin juin 2017, nous regrouperons, en un seul et
même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour
effectuer cette activité politique chronologique.
Nous
suspendons jusque lundi prochain, la rédaction de ces notes, car il
faut faire la pause avant de se replonger dans une réalité
politique très bousculée et plus que jamais incertaine. Il nous
reste, aujourd'hui, à rappeler notre position, minoritaire et
pourtant bien fondée.
Ceux
qui ne se résolvent pas à voter Macron pour contribuer à ce qu'à
coup sûr soient battue Le Pen subissent maintes pressions ! La
pire étant la culpabilisation : « de facto vous
ne vous opposez pas au néo-fascisme ! ». Cette injonction
nécessite réponse.
1
- Ne pas pouvoir voter selon ses convictions met à mal la démocratie
elle-même.
Le
choix du moindre mal reste le choix du mal comme le rappelait Hannah
Arendt, que nous avons citée le 3 mai : « Politiquement,
la faiblesse de l’argument du moindre mal a toujours été que ceux
qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu’ils ont
choisi le mal ». Ce
n'est pas seulement un argument éthique. C'est un argument
politique. Tout vote contraint est un vote négatif. Le citoyen à
qui l'on enlève les raisons de son choix subit une exclusion du
champ politique.
2
- On ne peut à la fois s'opposer au fascisme et laisser passer ce
qui l'engendre
La
formule ici employée peut sembler brutale, j'en conviens, mais qui
ne voit que la montée des nationalismes et des populismes d'extrême
droite, partout, s'explique par l'explosion des inégalités et la
révolte des victimes de l'économie libérale qui subissent la loi
du profit maximal ? En ce jour anniversaire de la naissance de
Karl Marx, le 5 mai 1818, voici bientôt 200 ans, on oublie un peu
vite son apport qui n'a rien à voir avec les récupérations des
soviétiques et des pseudo-communistes criminels tels Lénine ou
Staline ! Ce que Marx a révélé au monde entier, (alors qu'il
ne savait même pas que la Terre pouvait nourrir tous ses enfants) et
ce qui reste avéré aujourd'hui encore, c'est que l'exploitation de
l'homme par l'homme, qu'il nomme le capitalisme, engendre la misère
et la guerre. Macron et son soutien, Obama, ne sont pas en cause en
tant que personnes mais comme porteurs d'une idéologie économique
qui crée ce qu'elle combat : l'absence de liberté. On ne peut
vouloir une chose et son contraire. La confusion entre liberté et
libéralisme est à l'origine des malheurs de l'espèce humaine au
cours de ces derniers siècles.
3
- Ce n'est pas l'absence de risque de voir Le Pen élue qui nous
autorise à voter blanc.
Voter
blanc ou s'abstenir politiquement sont deux mais résultent d'une
même certitude : la loi électorale actuelle a rendu possible
une alternative impossible : opposer des candidats qui nous
conduisent, l'un et l'autre, vers un nouvel échec historique et vers
la domination des peuples (et pas seulement en France) par la
violence ou par l'argent.
Ce
n'est pas parce que la candidate du FN va échouer que nous allons
« prendre la liberté » de ne pas voter pour son
adversaire. Non ! Mais on n'éteint pas le feu en noyant le
pays. Il faut savoir se retirer du jeu, quand il est tricheur. Cela
ne nous met pas à jamais sur la touche et nous gardons toutes nos
forces ! À ceux qui, en toute bonne foi, nous disent : si l'on
ne veut pas de Le Pen, on ne peut faire autrement que de voter
Macron, nous répondons calmement : si !
Que
dire encore sinon que le plus mauvais service à rendre à la France
c'est de se résigner. Quel engagement prendront les votants
pro-Macron qui se disent ses adversaires, lundi matin, le 8 mai,
anniversaire de la victoire contre le nazisme ? Vont-ils, après
le gros Ouf de soulagement, « continuer comme avant » ou
se dresser contre les causes mêmes de la montée du Front national
depuis... 30 ans !
Et
si Marine Le Pen, par impossible, était élue, aurait-elle le
pouvoir si nous ne le voulons pas, si elle n'a pas de majorité au
Parlement, si le peuple se dresse et emplit les rues ? Bref,
quand le boulet passe trop près, on ne remercie pas le ciel, on
détruit le canon.
4
– Qui n'explore pas les mots se fait duper
Au
cours de l'émission « Les
mots ont un sens »,
de la grande Librairie, hier, sur France 5, Patrick
Boucheron, Boris Cyrulnik, Philippe Claudel, Marie Darrieusecq,
Aurélien Bélanger et Mariette Darrigrand ont apporté leur
éclairage sur l'usage et le mésusage des mots en ce temps de vive
actualité politique. Nous recommandons de revoir ce moment de
réflexion qui aura duré 1h.35 (référence ci-dessous). On n'y
trouvera pas la réponse à la question « pour qui voter »,
mais, bien mieux, on y trouvera cet essentiel : les mots n'ont
pas un sens figé, ils sont parfois sciemment détournés et c'est à
nous de les faire vivre, en les cultivant, comme on cultive son
jardin.
François
Busnel nous interroge avec l'aide de ses invités : quelle
signification, au-delà de la communication, attribuer aux mots
«identité», «fracture», «populisme», «système», ou encore
«sécurité» (et il en et d'autres) ? Quelle est leur
origine, leur évolution, leur charge émotionnelle ? Pour ne pas se
laisser abuser, il faut lire entre les lignes et aussi entre les
discours. Il n'est de culture que politique.
J'en
ai retenu, notamment, que l'invocation du peuple peut vouloir dire
une chose et son contraire. Gagner la bataille des mots est au fond
de l'action politique. L'emploi suspect du néologisme « populisme »
peut aboutir à une contradiction s'exprimant, en réalité,
indirectement ainsi : « méfions-nous du peuple ».
Inutile de le consulter s'il n'est que partiellement convié à dire
sa volonté. C'est ce que l'on retrouvait au cœur de la proposition
de Hamon et Mélenchon de sortir de la Ve République afin
de rendre au peuple la parole. C'est la seule voie où s'engager,
selon nous, et c'est celle que nous sommes bien décidés à
emprunter dès que nous l'aurons rendu possible en l'exigeant pendant
et après les prochaines législatives.
***
Et
que, Dimanche, tout le peuple s'exprime, par tous les moyens selon
nous licites : abstention politique, bulletin blanc ou vote
Macron. Nous en lirons et interpréterons le sens aussitôt et ici
dès le 8 mai prochain. À bientôt, pour entrer, ensemble, dans une
nouvelle séquence politique.
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