Les
législatives, inséparables des présidentielles
Le
point au 18 mai 2017. Note 65 À J-32.
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
continuerons d'analyser l'évolution de la situation politique. Aux
notes antérieures, datées, numérotées et modifiables,
s'ajouteront les suivantes jusqu'au 18 juin. La lecture complète du
résultat des présidentielles ne s'effectuera qu'après les
législatives. Fin juin 2017, nous regrouperons, en un seul et même
document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer
cette activité politique chronologique.
1
- Il y a mieux à faire que de considérer des adversaires comme des
mauvais et des méchants !
Le
gouvernement Macron « tente » (le verbe est du premier
Ministre, ce jour, sur France Inter) d'innover en politique. Ce qui
est essayé constitue, en effet, une première. Inutile de le nier.
Raison de plus pour dire et redire les motivations profondes de notre
opposition non pas à des hommes mais à une politique clairement
affichée comme « libérale » au double sens du terme :
libertés civiles et liberté économique. À nos yeux, la liberté
économique garantit la toute puissance des possédants sur les
salariés et autres citoyens ne disposant pas du pouvoir de l'argent.
Et les libertés tout court finissent toujours par en pâtir
gravement. Le symbole représenté par Bruno Lemaire, nouveau
ministre de l'économie le révèle sans ambiguïté. Ce gouvernement
habilement constitué échouera, comme un beau bateau sur les
écueils, parce que, tel quel, il ne peut affronter le réel, la
situation planétaire que les hymnes au « progrès et à la
croissance » ne vont pas rendre meilleure.
Nos
adversaires n'ont pas à être regardés comme des mauvais ou des
méchants, seulement comme d'irréductibles adversaires qui ne voient
pas le monde comme nous, pire, qui ne voient pas le monde comme il
est !
2
– Nicolas Hulot n'est pas « un vendu » mais il s'est
vendu.
Hulot
est la « grosse prise » de Macron. Il est la caution
écologiste d'un gouvernement qui ne peut l'être. Il s'est engagé à
entrer au gouvernement en échange de garanties dont nous ne
connaitrons pas tout de suite le contenu. On peut raisonnablement
penser que l'aéroport de ND des Landes est en tête de liste et
devrait ne pas se réaliser, que l'accord de Paris, dit de la COP21,
sera âprement défendu, que la transition énergétique passera en
partie des textes à la réalité et que l'énergie nucléaire
reculera (un peu !). Mais cela tient-il à un Ministère d'État ou à
une évolution inéluctable, déjà engagée, et dont Macron a pris
acte qu'on perdrait son temps à s'y opposer. Son réalisme, à
l'allemande, (encore qu'Angela Merkel ait encore beaucoup d'avance),
fait le reste. À court terme, il faut faire entrer la dynamique
écologique dans le giron d'En Marche et ce avant même les
législatives pour absorber ce qui reste d'EELV, comme a été
siphonné le PS et, moins efficacement, « Les Républicains ».
Qu'Hulot
soit devenu l'un de nos adversaires est douloureux, mais c'est
ainsi...
3
- Jamais il n'a été aussi important d'employer à bon escient les
mots gauche et droite.
Heure
après heure, il nous est vendu, sur les ondes, qu'au sein du
gouvernement se côtoient des ministres de gauche, de droite et de
nulle part. Supercherie ! Collomb
est autant à gauche que le pape est athée. Soyons clairs :
quiconque fait partie du gouvernement Macron est passé au centre
droit, c'est-à-dire au sein d'une droite apparemment moins agressive
mais qui, in fine, est tout aussi nocive. Selon nous, ne sont
encore « de gauche » (le temps qu'on la rebaptise d'un
vocable moins ambigu et moins obsolète) que ceux des citoyens qui
prennent, par conviction ou par obligation toutes les distances
possibles avec la logique capitaliste de marché, y compris dans les
isoloirs mais pas seulement.
Nous
en faisons le constat, qu'il nous convienne ou non, en tout ou
partie : il n'est plus actuellement, en France, de force de
« gauche » pouvant encore peser, qu'au sein de la
France insoumise. Les individualités et les partis marginalisés
qui demeurent dans une opposition réelle, par volonté de contribuer
à l'émancipation populaire, sont réduits à accompagner ceux qui,
avec Jean-Luc Mélanchon vont tenter l'impossible en juin prochain.
Il ne sert à rien de regretter cette contrainte. Nous l'avons, sinon
voulu, provoqué. Repenser, réunir, reconfigurer une gauche malade
et qui a perdu des repères permettant de l'identifier va se faire
mais sur des bases sociales et écologiques à jamais indissociables
que Hamon et Mélenchon auront été les seuls à tenter de proposer
au pays. Cela suppose, comme disait Mitterrand à Épinay, « une
rupture » (qu'il n'a pas faite), c'est-à-dire une prise de
distance définitive avec le libéralisme économique qui asservit
des populations entières.
4
- À défaut de pouvoir régler des comptes, faisons les :
A
– Marine Le Pen n'a jamais été en capacité d'être Présidente
de la République.
•
On a dupé et désinformé l'opinion :
Il
n'y a pas que les instituts de sondage qui savaient, dès avant le
premier tour, que la barre des 50% des suffrages exprimés était
trop haute pour que le FN puisse l'atteindre dans un scrutin à deux
tours.
•
Les trois candidats qui étaient en compétition avec elle l'auraient
tous vaincue : François Fillon, Jean-Luc Mélenchon et, bien
entendu, comme on l'a vu, Emmanuel Macron. Le rapport final (66% /
34%) plus net encore que ce qu'annonçaient tous les sondages
(60% / 40%) est éloquent : la menace fasciste n'existait pas.
•
On n'a pas dit aux Français : « ne votez pas Marine Le Pen
parce que...etc », on leur a dit : « votez Macron
pour n'avoir pas Le Pen ». On a cultivé, ainsi, une peur. On a
développé un chantage : si vous ne votez pas Macron, vous
votez pour le fascisme qu'incarne la candidate du FN !
•
Il y a donc eu manipulation de l'opinion et cette malhonnêteté
politique se paiera.
B
– Benoît Hamon n'a su ou pu riposter au sabotage de sa
candidature.
•
Quand il lui est apparu qu'il était trahi, le large vainqueur de la
primaire ouverte ( de « la Belle alliance populaire » -
sic -) est resté dans une logique de parti où il s'est retrouvé
enfermé. Son message original et fort s'en est trouvé dévalué. Il
est tombé dans un silence fâcheux et son apport s'est perdu. Cela a
pesé lourd. Impossible de ne pas lui reprocher. Mais que peut-il
faire à présent ?
•
À ne pas s'être dégagé de l'emprise du PS, n'a-t-il pas fait
perdre la gauche ? La question, hélas, vaut d'être posée !
Il avait fallu à Emmanuel Macron l'apport de François Bayrou pour
passer en tête. Tous les candidats se sont retrouvés, in fine,
dans la fourchette 19% / 24%. Avec ses 6%, Hamon pouvait, en se
retirant, tenter d'envoyer Mélenchon au second tour avec Le Pen ou
Macron. Il ne l'a pas fait. Nous saurons un jour ce qui l'en a
empêché. Avec Le Pen, Mélenchon l'emportait et il serait à
l'Élysée. Avec Macron, cela aurait été un débat d'une toute
autre dimension. L'effet produit, en tout cas, par ce maintien
inutile aura été désastreux et pas seulement pour l'issue du
scrutin. Nous avions besoin de ce qui l'avait fait triompher lors de
la primaire. Il risque de n'en rester rien.
C
– l'antipathie vis à vis de Jean-Luc Mélenchon a-t-elle des
causes politiques ?
•
Indiscutablement Mélenchon fait peur. On craint son caractère
autoritaire et autocentré. Cela vaut-il la méfiance dont
l'entourent les médias ? Bien des leaders politiques sont mieux
acceptés alors qu'ils présentent les mêmes défauts ou pire !
L'argument psychologique ne suffit pas à expliquer ce rejet.
•
Mélenchon est rejeté à la fois parce que ses talents sont jalousés
et parce que son positionnement politique inquiète les
sociaux-libéraux. Il est, comme Bernie Sanders, comme Jeremy Corbyn,
« trop à gauche » et donc dangereux. L'argument
politicien est patent.
•
Mélenchon est le seul porte-parole d'une force politique en mesure
de contrarier le plan Macron, celui du rassemblement de tous les
libéraux. Plus grave encore à leurs yeux : si La France
Insoumise parvenait à empêcher ou à réduire sensiblement la
majorité à laquelle Macron aspire, Mélenchon deviendrait un
empêcheur de gouverner en rond. Il faut donc l'abattre en le
déconsidérant avant qu'il ne nuise. L'argument politique, fut-il
violent, l'emporte. Et c'est bien, selon nous, pourquoi il faut,
pendant la période que nous traversons, apporter notre appui à
celui qui peut aider les citoyens modestes à s'exprimer
efficacement. Sinon, ce rôle sera dévolu au Front national !
D
– Faut-il se réjouir de l'affaissement des partis de la gauche
déconfite ?
Un
parti vit et meurt. Inutile de pleurer ou de rire !
•
Le PS, tel qu'il est, ne peut plus fonctionner sinon pour remplir
trois fonctions :
- rendre libéraux ceux qui ne l'étaient pas encore.
- Briser les reins de ceux qui s'acharnent à vouloir rester socialistes.
- Gérer les biens et les sièges qu'il possède toujours.
S'il
devait être sévèrement puni par les électeurs en juin prochain,
ce ne serait que justice, et peut-être, contradictoirement, sa
dernière chance car il lui faudrait, avec les rescapés, tout
rebâtir, si possible .
•
Le PCF, sans référence internationale, après la chute de l'empire
soviétique, n'est plus que l'ombre de lui-même. Ne demeurent que
quelques bons acteurs de mandats locaux qui gèrent habilement le
passé mais qui n'ont plus la capacité d'offrir un projet global au
pays. Seul il n'est donc rien. La fin du PS actuel l'entraine dans la
chute de la fausse gauche privée d'avenir.
•
EELV s'est suicidé. Nul ne sait ce qui pourrait lui redonner vie !
Il faut dire que ce parti joue de malchance. Le choix de Benoît
Hamon ne lui a rien apporté sinon de n'avoir pu, fait sans précédent
depuis 1974, se présenter devant les électeurs pour ces
présidentielles. L'effondrement
du PS en plus du débauchage de Hulot n'augurent rien de bon
pour les prochaines législatives en terme de sièges. On a aussi
besoin d'une autre écologie. On ne la trouvera plus dans ce parti en
pleine déconfiture.
•
Le PRG est quasi inconnu ? De quel parti radical parle-t-on ?
Ce grand parti de la troisième République, né en 1901, ne pèse
plus que ce que le PS voulait bien lui reconnaître comme poids. Les
ex-ministres de Hollande sont out. Jean-Michel Baylet ne sera plus
qu'un patron de presse ; Sylvia Pinel, la présidente du PRG est
sans influence comme on l'a vu au cours des primaires socialistes.
Cette excroissance du PS n'a plus sa raison d'être.
Le
tableau, (du reste incomplet si l'on veut y joindre les petites
chapelles qui s'étiolent l'une après l'autre) n'est pas attractif
et surtout, il n'est considéré que par des minorités d'électeurs.
C'est ce constat qui n'est pas réjouissant. Une fois encore, ne
subsiste que La France insoumise (qui a écrasé sous elle, à
tort ou à raison, des composantes qui, du Front de Gauche au PCF lui
rendaient difficile une autonomie et un développement véritables).
Que va-t-il advenir de cette force montante ? Comment
s'épanouira-t-elle encore quand Mélenchon se retirera ? Que
d'inconnues !
Mieux
vaut être au milieu du gué plutôt que d'être emporté par le
courant, mais ce n'est pas confortable. Il va bien falloir regagner
la rive, et bien sûr la rive gauche, celle où l'on retrouve nos
semblables et pas ces maîtres qui pensent, décident et agissent
pour nous. Nous préparer à ce qui va suivre est de la
responsabilité de chacun. Nous entendons bien continuer à y
apporter notre contribution modeste, ici même, jour après jour.
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