Les
législatives, inséparables des présidentielles
Le
point au 20 mai 2017. Note 67 À J-30.
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
continuerons d'analyser l'évolution de la situation politique. Aux
notes antérieures, datées, numérotées et modifiables,
s'ajouteront les suivantes jusqu'au 18 juin. La lecture complète du
résultat des présidentielles ne s'effectuera qu'après les
législatives. Fin juin 2017, nous regrouperons, en un seul et même
document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer
cette activité politique chronologique.
Dans
12 jours s'effacera ce mois de mai durant lequel nous avons vécu
l'élection du 8e Président de La République française,
depuis 1965. Dans 23 jours, s'ouvrira le 1er tour des
élections législatives dont tout peut dépendre encore. Deux
questions vont se poser, dès à présent : le renouvellement
(considérable) du personnel, au sein de l'Assemblée nationale
va-t-il, ou non, permettre au président de la République de
réussir, dans 30 jours, le 18 juin au soir, son audacieux pari :
tout changer pour ne rien changer sur l'essentiel, afin d'obtenir une
majorité de gouvernement aux ordres, d'une part, ou bien, si
changement il y a, s'effectuera-t-il non au profit du gouvernement
mais à celui d'une opposition, (et laquelle ?), d'autre part.
Il
est temps d'explorer cette double hypothèse.
1
– Emmanuel Macron a bousculé la structuration politique de la
France. Est-ce positif ?
S'agit-il
vraiment d'un heureux bouleversement à mettre à l'actif du seul
candidat Macron ? Indiscutablement, Emmanuel Macron a
compris que le rapport gauche-droite, tel qu'il était compris et
pratiqué, nuisait à l'union des libéraux. Une fois candidat, il a
joué la carte du dépassement du clivage droite gauche. Mais pas
n'importe quelle gauche ni n'importe quelle droite ! Il s'agit
de la gauche convertie au libéralisme économique incarnée par
Hollande, Valls, Collomb, Le Foll et d'autres, d'une part ; et
il s'agit de la droite cultivée, capable de surmonter ses
sectarismes et pouvant comprendre qu'elle est à tous les coups
gagnante si elle contribue à l'alliance des centres droit et gauche,
d'autre part.
François
Bayrou l'a vite compris et s'est engouffré dans l'espace politique
ainsi ouvert. Il a pu, alors, apporter le petit complément
électoral qui suffisait au candidat Macron pour l'emporter au
premier tour, fut-ce sur le fil. Derrière François Fillon, la
droite traditionnelle et parlementaire s'est
faite hara-kiri. De son côté, le PS, s'est chargé lui-même
de l'élimination du représentant dûment validé des socialistes
méritant ce nom. Dans ces conditions, pour Marine le Pen, face à
Emmanuel Macron, soutenu par toutes les droites composant la droite
libérale reconstituée, la lutte était inégale. Fin de la première
partie.
C'est
le président Macron qui a pris le relais en engageant tout de
suite son projet : le chef du gouvernement « désigné »,
Édouard Philippe, maire LR du Havre, un proche de Jupé , a reçu la
mission, sous le contrôle du Chef unique de l'État, de mettre en
place une équipe de libéraux, compatibles entre eux, d'où qu'ils
viennent, en respectant des équilibres numériques et non
idéologiques. Ce faisant, il a tué ce qui restait de la gauche au
sein d'un PS écartelé entre les ralliés à Emmanuel Macron et les
fidèles à la candidature légitime de Benoît Hamon. Il a, « en
même temps », jeté la droite dite « républicaine »
dans des contradictions et des doutes qui vont l'affaiblir
durablement. L'objectif était bien de constituer une majorité
libérale, une grande coalition à la Merkel, capable d'écarter les
indociles de l'ex-droite parlementaire et chargée de couper « les
deux bouts » de la représentation parlementaire, qualifiés
d'extrémistes et de populistes, à savoir le FN et les Insoumis.
Mais tout calcul savant a sa faille : la défaite cinglante de
Marine Le Pen n'a pas supprimé les causes de la montée de
l'électorat frontiste, autarcique, nationaliste et désespéré.
Même si les législatives ne peuvent qu'être défavorables au FN, à
la peine, rien ne garantit que le Sphinx brun ne renaîtra pas de ses
cendres puisque ce qui a généré son succès subsiste ! Quant
aux Insoumis, ils incarnent, désormais, presque à eux seuls, une
gauche véritable, encore plus difficile à résorber et à maîtriser
que les « Frontistes ».
En
clair, pour des raisons qui tiennent à elles-mêmes autant qu'à la
percée de Macron, la droite PS et le droite « républicaine »
se disloquent. Nous n'allons pas pleurer sur leur sort. Emmanuel
Macron n'est pas à l'origine de cette déstructuration politique
mais il en aura été l'occasion attendue impatiemment par les plus
intelligents des oligarques.
2
– Quelles majorités peuvent émerger de cet océan de
contradictions tumultueuses ? Il y en a quatre au moins :
la majorité absolue pour La France en marche, la majorité
absolue pour « Les Républicains », la majorité
absolue pour La France insoumise et un certain nombre
d'alliés, et plus probablement, une majorité composite aux
formes variables mais bien axée à droite.
Précisons :
La
majorité absolue pour La France en marche serait
la majorité présidentielle, stricto sensu.
La
majorité absolue pour « Les Républicains » serait
une majorité d'opposition et de compromis.
La
majorité absolue pour La France insoumise et des alliés
serait une majorité de
cohabitation.
La
ou les majorités composites, en
réalité de coalition,
seraient à géométrie variable mais axée(s) à droite.
Sans
oublier l'hypothèse supplémentaire d'une majorité
ingérable conduisant à une
dissolution.
Jusqu'alors,
la logique présidentielle menait vers des majorités de consensus,
sauf accident de parcours durant le mandat présidentiel, ce qui
arriva. La
cohabitation
politique
désigne la situation de coexistence du Chef de l'État (le
Président de la république)
et
d'un chef de gouvernement (le
Premier ministre) pouvant
s'appuyer sur une majorité parlementaire politiquement opposée au
Président en exercice.
Trois
périodes de cohabitation ont eu lieu sous la Ve République :
- 1986-1988 : François Mitterrand, Président, et Jacques Chirac, Premier ministre ;
- 1993-1995 : François Mitterrand, Président, et Édouard Balladur, Premier ministre ;
- 1997-2002 : Jacques Chirac, Président, et Lionel Jospin, Premier ministre.
Depuis 2002, le passage de 7 ans à 5 ans de la durée du mandat du Président de la République et l'organisation des élections présidentielles et législatives à quelques semaines d'intervalle ont été conçus pour réduire la probabilité de survenue d'une cohabitation, mais elle n'est pas impossible.
Dans le contexte politique actuel, l'examen des rapports de forces envisageables, compte tenu des résultats de l'élection présidentielle et du mode de scrutin majoritaire, conduit à retenir les hypothèses suivantes :
• Hypothèse 1 - Le Président Macron est maître à bord et les
minorités parlementaires seront privées de pouvoir réels. ( Les «
Républicains » ayant le choix entre le soutien ou la
marginalisation ; le PS étant réduit à la portion congrue
ou/et devant, lui aussi, s'aligner ; le Front national subissant
le même sort qu'aux élections régionales et n'ayant qu'un faible
groupe parlementaire à sa disposition ; enfin la
France Insoumise, seule
opposition organisée, qui en sera réduite à préparer activement
l'avenir).
• Hypothèse 2 - Le Président Macron est sans majorité
suffisante et se trouve amené à rechercher des « majorité
d'idées » où les différentes constituantes libérales (En
Marche,
« républicaines » et ex-socialistes) joueront un rôle
non négligeable. La gauche nouvelle devra alors, autour du pôle de
la France insoumise,
travailler à proposer une politique inédite ayant un caractère
écologique et social très affirmé.
•
Hypothèse 3 – Le gouvernement est mis en minorité et s'ouvre,
alors, une période conflictuelle dont on ne peut prédire l'issue
(cohabitation « à la Jospin » ou dissolution avec
nouvelles élections.)
L'incertitude
demeure donc. Les surprises restent probables. Le mécontentement
populaire ne s'est pas éteint. Le désir d'un changement véritable
(des institutions, des rapports entre États européens, dans le
traitement prioritaire des risques climatiques et environnementaux,
dans la lutte contre les inégalités toujours plus choquantes) ne
cesse de croître. Quel effet va produire ce refus de continuer à
vivre dans une insécurité sociale générale qui s'ajoute à la
peur du terrorisme lui-même et parfois la dépasse ? À
la vérité, les plus informés l'ignorent et, notamment dans la
jeunesse, le manque de perspectives d'avenir engendre une rancœur
sourde et tenace.
Il
ne suffira pas de tenter d'apaiser et d'agiter le miroir aux
illusions. Le peuple (c'est-à dire ceux qui ne gèrent pas le
quotidien mais le font) a besoin d'espérances fondées sur mieux que
des mots.
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