Les
législatives, inséparables des présidentielles
Le
point au 26 mai 2017. Note 70 à J-16 et J-23.
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
continuons d'analyser l'évolution de la situation politique. Aux
notes antérieures, datées, numérotées et modifiables,
s'ajouteront les suivantes jusqu'au 18 juin. La lecture complète du
résultat des présidentielles ne s'effectuera qu'après les
législatives. Fin juin 2017, nous regrouperons, en un seul et même
document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer
cette activité politique chronologique.
1
- Remarque préalable au sujet des premier et second tours des
législatives :
Du
premier tour dépend le second, bien entendu. Pourtant, il y a deux
enjeux liés à cette élection et non pas un seul. C'est pourquoi,
nous modifions notre compte à rebours, ci-dessus. L'enseignement à
retirer du premier tour sera : quelle a été la résistance des
partis traditionnels à la vague de fond qui a bouleversé le paysage
politique de la France ? L'enseignement du second tour sera,
bien sûr : le président Macron dispose-t-il d'une majorité
pour gouverner ? Autrement dit : en dépit des limites
imposées par le mode de scrutin, le lessivage continue-t-il et au
profit de quelles forces politiques ? Tout n'est pas encore
écrit, tant s'en faut.
2
- De quel phénomène politique le terrorisme est-il le nom ?
Après
l'attentat de Manchester, le gouvernement annonce une nouvelle
prolongation de l'état d'urgence ! Est-ce la bonne réponse à
la menace terroriste ? La campagne des législatives esquive le
sujet même si certains s'y vautrent. Nous voulions y réfléchir.
C'est l'objet principal de cette nouvelle note.
•
On connaît le refrain de l'extrême droite et d'une partie des
« Républicains » : le terrorisme a son origine dans
la radicalisation de jeunes musulmans tombés sous la coupe des
fanatiques de Daesch. On imagine, à la veille du Ramadan, l'angoisse
que fait monter, dans la communauté musulmane, une analyse aussi
incomplète. Est-ce que les « fous de Dieu » ne se
recrutent qu'en terre d'Islam ? Il suffit d'observer les
événements qui se produisent sur toute l'étendue de la planète
pour comprendre que les intégristes religieux qui usent de la
violence ne sont pas que des musulmans. Des Chrétiens catholiques,
orthodoxes ou protestants, des Juifs, des Musulmans sunnites ou
chiites, des Hindous, des Sikhs, des Boudhistes, etc..., s'opposent
les uns aux autres ou se dressent contre le « incroyants »
depuis des siècles. Les religions, quelles qu'elles soient,
secrètent des violences et les athées ne sont pas en reste, comme
on l'a vu au temps de l'empire soviétique. Est-ce la volonté de
convertir ou la lutte entre des chapelles hostiles qui enragent les
prosélytes au point d'en faire des tueurs ? Qui le sait ?
Mais de toute façon, cela
n'explique pas tout. D'ailleurs, en ce siècle, les victimes
les plus nombreuses du fanatisme religieux sont musulmanes et il
importe de le rappeler sans cesse.
•
Derrière les motivations prétendument religieuses se dissimulent
(mal !) des projets politiques et des volontés de pouvoir qui
exploitent les rancœurs et les désespoirs de peuples entiers qui
n'ont pas la maîtrise de leurs existences et qui, trop souvent, ne
peuvent que survivre. C'est là qu'il faut chercher le terrain et le
terreau où se nourrit la haine et où se recrutent des assassins que
rien n'arrête, pas même la peur de la mort.
Nos
analyses sont courtes car nous ne voulons voir que le mal qui nous
est fait par les attentats à l'aveugle que nous subissons, en
occident. Les policiers et les soldats ne peuvent assurer notre
protection absolue et, à force de vivre dans l'exception (et cela a
commencé en 1955 pendant la guerre d'Algérie, de 1954 à 1962, ne
l'oublions jamais), nous ne vivons plus totalement en paix, mais dans
un état d'exception quasi permanent.
•
Rappelons-nous, en effet que, plusieurs
fois mis en oeuvre durant la guerre d'Algérie, l'état d'urgence
n'avait été décrété que deux fois depuis : en 1985, en
Nouvelle-Calédonie, lors des affrontements qui avaient alors touché
l'archipel, et en 2005, face aux émeutes dans les banlieues, à
l'initiative du gouvernement de Dominique de Villepin. Institué par
la loi du 3 avril 1955, l’état d’urgence peut être
mis en œuvre « soit
en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre
public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et
leur gravité, le caractère de calamité publique ». Il
est déclaré par décret en conseil des ministres et ne peut être
prolongé au-delà de douze jours que par la loi. C'est ainsi que la
proclamation de l’état d’urgence par François Hollande, le 14
novembre 2015, a réactivé le dispositif adopté en avril 1955 afin
de répondre, alors, à l’offensive des « terroristes »
dans les départements d’Algérie sans avoir à pleinement
reconnaître la situation de guerre.
Une
étude de 1996, organisée par l'Association de consultants
internationaux en droits de l'homme relevait que « dans
de nombreux pays, pour faire face aux situations exceptionnelles, les
Gouvernements ont recours à l'état d'exception et suspendent
l'application de lois qui protègent les libertés ».
Autrement dit, nous vivons dans un état d'urgence qui est un état
d'exception qui, lui-même, réduit l'état de droit. Nous
restreignons les libertés pour mieux les protéger ! C'est
contradictoire et insupportable dans la durée, car il y va de la
démocratie elle-même. Le débat est difficile mais nous ne pouvons
en faire l'économie. La passion risquant de s'en emparer, les
candidats se gardent prudemment de s'y lancer. Ils le rencontreront
pourtant, au Parlement, s'ils sont élus. Ce silence sur le sujet est
aussi imprudent que lâche.
Le
lien entre notre passé colonial et l'actualité redevient visible et
l'usage du vocable terroriste ou terrorisme est de plus en plus
ambivalent. La Terreur fit partie de l'histoire de France, durant la
Révolution, au cours des années 1792 et 1793. Les terroristes
étaient, à la fin du XIXe siècle, les anarchistes qui furent
durement réprimés et, pour certains, tel Ravachol, conduits à la
guillotine, cet instrument même de la Terreur. Les résistants, au
cours de l'occupation nazie et sous le régime de Vichy étaient
désignés comme terroristes. Enfin, la rébellion algérienne fut
aussi considérée tout entière comme terroriste.
•
Le terrorisme contemporain est de nature différente. C'est une
utilisation de l'épouvante pour rendre la vie impossible à toute
une population et pas seulement aux victimes, d'ailleurs frappées au
hasard. C'est le recours à la violence extrême, impitoyable, pour
« punir » toute une civilisation jugée impie
non seulement parce que non religieuse mais surtout parce que
dominatrice et par l'argent et par les armes et par ses conquêtes.
Là commence la confusion : les grandes erreurs sont pétries de
réelles vérités. La haine de l'occident remonte à un lointain
passé où les colonisateurs et les États coloniaux ont fait régner
des terreurs dont on commence seulement
à
connaître l'ampleur (comme au Congo ex-belge, par exemple, où les
massacres de masse on été perpétrés dans l'indifférence générale
!). Au nombre de victimes innocentes massacrées, Daesch n'a pas
encore atteint la palme de l'horreur. On a fait encore pire sur tous
le continents.
Ce
regard historique n'excuse personne mais relativise, les uns par
rapport aux autres, les crimes innommables commis par tous les
terroristes, d'où qu'ils viennent et quels qu'ils soient, partout où
l'on tue autrui simplement parce qu'il est coupable d'être ce qu'il
est !
•
Penser ces horreurs et ces drames ne peut être évacué du débat
législatif. « Terroriser les terroristes » comme disait
Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur, entre 1986 et 1988, n'a
qu'une efficacité temporaire, s'il en a une, car on ne peut s'en
tenir à combattre les effets sans éradiquer les causes. Et elle est
bien maigre la contribution à la quête des causes. Aurions-nous
encore trop peur de nous y brûler les doigts ? Bref, si j'ose
dire, nous ne restons pas « blancs » quand il s'agit
d'aller fouiller aux sources du terrorisme.
•
Quand Jean-Claude Vitran observe, dans l'un de ses derniers blogs,
non plus le passé qui fournit les sources mais le présent qui en
révèle les effets ravageurs, il nous invite à une lucidité plus
grande. « Comme
pour les perpétrateurs des drames de Charly Hebdo et du Bataclan,
écrit-il,
la
personnalité et le parcours du « kamikaze » de
Manchester devrait poser question. Dans l'état actuel des
investigations, le jeune homme de 22 ans, né en Grande Bretagne, de
parents d'origine libyenne, avait commencé, puis abandonné, des
études de management à l'université, et semblait bien tranquille
selon ses voisins ». Quand
les études qu'on peut faire dans l'une des universités du pays où
l'on vit, donne accès à des informations terrifiantes sur le sort
infligé à ses propres ancêtres, par les colons italiens, sous
Mussolini, de 1922 à 1928, on peut se trouver submergé par des
sentiments et des ressentiments qui fragilisent autant qu'ils
radicalisent. L'agent recruteur qui vient, alors, donner une réponse
(fausse mais crédible) à la question légitime qui se pose :
« pourquoi a-t-on fait çà », prend pouvoir sur le
psychisme d'un jeune traumatisé qui va vouloir venger les siens et
ne réussira rien si ce n'est devenir un mauvais ange exterminateur.
Comprendre ces parcours de mort mais aussi dire la vérité et
l'éclairer avant que ne s'en servent les propagandistes extrémistes
fait partie de l'action nécessaire pour éradiquer le terrorisme.
•
Si l'on veut créer l'unanimité on proclame l'union sacrée contre
le terrorisme. Il en aura été ainsi, à Taormina, en Sicile, au
pied de l'Etna, ce jour même, au cours d'un G7 – les États les
plus riches, dit-on –, (le G8, moins la Russie, mais plus l'Union
européenne), distinct du G10 (les mêmes plus la Chine, l'Inde et le
Brésil). Emmanuel Macron y faisait son entrée dans la cour des
Grands. Pendant ce temps débarquaient, en Italie des milliers de
réfugiés.
Et
voilà l'une des causes du terrorisme : quand devant tous les peuples
du monde, au travers des médias, on juxtapose, sans broncher,
l'immense richesse et la plus grande détresse, on donne des
arguments aux fauteurs de guerres intestines.
Entendons-nous
bien : expliquer n'est pas justifier et la mort d'un enfant, à
Manchester, au fond de la Méditerranée, gazé en Syrie... n'aura
jamais d'excuse. Ce qui importe, c'est de combattre non un mot (« le
terrorisme ») mais ce qui engendre la monstruosité. Au reste,
toutes les peines de mort sont abominables.
Par
exemple, et restons en là de nos répugnances, quand le président
des USA, depuis l'Arabie saoudite, puis en Israël, dénonce l'Iran
comme seul financeur du terrorisme, en plein affrontement
sunnites-chiites, il devient un fauteur de guerre, un propagateur de
la violence internationale, bref un authentique terroriste.
***
Ne
pas s'en tenir à la France pour comprendre la France ; ne
négliger aucune des violences si l'on veut éradiquer l'une d'elles,
parmi les pires, le terrorisme ; cesser de ne compter que sur la
force pour écarter le crime ; reconnaître que la tyrannie de
l'argent est une forme de terrorisme : voilà ce que les
électeurs ont à entendre et à méditer, dans les jours à venir
avant d'entrer dans leurs isoloirs. Quiconque est candidat et n'est
pas conscient de ces évidences ne mérite pas d'être élu.
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