lundi 31 décembre 2012

Dans le Kivu, on meurt en silence


 

Au cœur de l'Afrique, à l'est de la République démocratique du Congo (RDC), se trouve l'une des plus belles régions du monde. Tout ici inspire la paix. Mais cet éden, ravagé par dix ans de guerre qui ont fait près de 6 millions de morts, est un enfer pour ses habitants.


Pourquoi cette région déchaîne-t-elle tant de passions, de convoitises, et de haines ?

Simplement parce que son sous-sol regorge de matières premières. La cassitérite, dont on tire l'étain, mais aussi le cuivre, le cobalt, les diamants, l'or, ainsi que tous les minéraux précieux indispensables à l’industrie électronique mondiale, en particulier le coltan, minerai conducteur électrique très demandé qui entre dans la composition des téléphones portables, des ordinateurs et des consoles de jeu vidéo. Et bientôt... le pétrole, qui vient d'y être découvert !

 


Les populations sont ainsi victimes de la richesse du sous-sol de la région qui aiguise les appétits des pays voisins et des milices qui contrôlent l’exploitation des mines. Ce drame est aussi la conséquence de l’abominable génocide de 1994 qui a conduit des centaines de milliers de Rwandais à se réfugier dans les Kivus avec la ferme intention de déstabiliser le régime rwandais et surtout de prendre le contrôle des mines.

Dans un rapport de l'ONU, un groupe d’experts décrit un pays contrôlé par des mafias de rebelles à la solde de dirigeants politiques et militaires d’Afrique centrale et australe, d’hommes d’affaires africains et occidentaux.

Au cœur de ce mécanisme, se trouve le Rwanda, par lequel transitent les minerais extraits au Kivu, sans qu’aucune taxe ne soit jamais payée. Ce petit État, peuplé de 8 millions d’habitants considère cette région comme une zone naturelle d’expansion économique et souhaite l’intégrer à sa zone d’influence.

Notre responsabilité est immense car rien ne serait possible s’il n’y avait pas de clients. Le coltan, qui passe par le Rwanda est envoyé vers les raffineurs d’Europe et d’Asie. Le Rwanda n’est qu’un sous-traitant au profit d’autres acteurs internationaux. Le FMI finance près de la moitié du budget annuel de cet État et les États-Unis en ont fait la plaque tournante économique de la pénétration des entreprises américaines dans la région des Grands Lacs.
Les rebelles pratiquent le viol comme arme de guerre, une méthode de terreur efficace qui abolit toute résistance et permet d’occuper le territoire. Ils ravagent le pays, ils tuent, ils violent par centaines de milliers les femmes et ils enrôlent de force les enfants qu'ils n'ont pas massacrés.

Pour donner bonne conscience aux occidentaux, les Nations-Unies ont envoyé une force de maintien de la paix, importante avec 17 000 hommes, mais inefficace sur le terrain puisqu'elle a l'ordre de ne pas intervenir. Pourtant sa mission est de garantir la paix et la dignité des personnes.


Au sein de l'Afrique devenue son terrain de jeu favori, le monstre libéral révèle son appétit sans limite et son absence de respect de l'être humain.

Car, n'oublions pas, aussi, les mines d'uranium du Niger exploitées, sans précaution, à ciel ouvert par Areva, les mines de diamants et d'argent d'Afrique du Sud, les combats pour le contrôle du pétrole lybien, les essais médicaux effectués sur les populations africaines sans règle éthique, etc ...

Mais, on mesure au Kivu, plus qu'ailleurs, le désastre humain qu'engendre la folie capitaliste.

Pourtant, comme les entreprises occidentales cultivent le flou sur leurs achats de coltan, les consommateurs pourraient exiger la transparence totale sur son origine afin de savoir d’où provient le minerai utilisé dans les téléphones et les ordinateurs portables.

Finalement, la paix dépend de nous, mais le Kivu, c’est loin, et on continuera à y mourir en silence.

Jean-Claude VITRAN et Jean-Pierre DACHEUX

dimanche 30 décembre 2012

La fin du Minotaure



Zeus (le pouvoir) dissimulé en taureau blanc  (la puissance) 
séduisit Europe (le territoire) pour féconder en elle Minos (la richesse). 

 Minos, osa tromper Poséidon (la mer)
et il lui fut imposé un monstre fabuleux (Le Minotaure) 
mais enfermé dans le Labyrinthe (la complexité)
 construit par Dédale (l'architecte de génie).

Impossible de sortir de cette construction trop complexe 
sans le fil d'Ariane et sans avoir tué le Minotaure !

 

Thésée y parvint.

°°°

Le mythe est de retour en Grèce.
Le Minotaure, c'est le capitalisme.
Le Labyrinthe, c'est l'univers des marchés. 


Dédale, c'est l'inventeur de produits mathématiques d'une effarante complexité.
Le fil d'Ariane, c'est l'intelligence qui permet de sortir de ce monde clos.

Thésée, c'est chacun de nous qui doit chercher le fil d'Ariane
afin de tuer, en lui et hors de lui, le monstre.

vendredi 28 décembre 2012

La police et le citoyen.



L'actuel ministre de l'intérieur, que 24 % des français considère comme la personnalité politique de l'année 2012, a une approche très personnelle des relations entre la police et les citoyens français.

Lors d'une récente visite au centre d'affaires de la Défense près de Paris, il a déclaré vouloir développer « une relation forte entre les forces de l'ordre et la population » en munissant les policiers de mini-caméras boutonnières épinglées sur leurs uniformes. Ces équipements sont déjà en expérimentation dans certains départements et devraient équiper les équipes patrouillant dans les zones de sécurité prioritaires.

Le ministre nous expliquera-t-il quel rôle vont jouer ces équipements pour renforcer l'harmonie sociale et en quoi ils vont civiliser les relations avec les citoyens ?

Même les responsables des syndicats de police sont réservés quant à l'emploi du système en contradiction avec les propos du ministre qui assure que les policiers sont favorables à sa généralisation. « Attention à la politique gadget » prévient le patron du syndicat Synergie-Officiers, pourtant classé à droite.

En dehors de leur coût dispendieux (plus de 1000 € l'unité) on peut douter que ces équipements de vidéosurveillance soient du goût de l'ensemble de la population qui recherche plutôt un apaisement dans ses relations avec « sa » police.

Avec leurs équipements et leurs uniformes actuels, nos policiers ressemblent plus à des personnages de bandes dessinées futuristes qu'à des êtres humains. Il ne leur manquait plus, avant la prochaine élucubration technologique, qu'une caméra individuelle de vidéosurveillance. Ils devraient se méfier que, demain, on les remplace par des robots guidés depuis des salles de contrôle fortifiées.

Prenez garde, hommes politiques, il est des réveils qui donnent la gueule de bois. Arrêtez de pensez les relations humaines en termes de technologie ; il est vrai que le mot rime avec profit, comme science avec croissance.


Au fait, M. le ministre où en est le projet, soutenu par les défenseurs des droits de l'Homme, de la fourniture par les forces de l'ordre d'un reçu lors des contrôles d'identité ? Surtout ne nous répondez pas que l'idée est irréalisable puisque des pays de l'Europe du Nord la pratiquent depuis longtemps et que beaucoup de militants de votre parti la trouvent judicieuse.

Voilà, pourtant, une idée simple qui participerait au rapprochement entre le citoyen et la police !

Jean-Claude VITRAN et Jean-Pierre DACHEUX

mercredi 19 décembre 2012

La tuerie de Newton, révélatrice des dérives de nos sociétés.




La dramatique tuerie de Newton aux États-Unis relance le débat récurrent sur la possession d'armes à feu par les citoyens américains. Cette facile explication, sujet de toutes les conversations, n'occulte-t-il pas les problèmes de fond : la maladie mentale et ses causes.

Aux USA, la possession d'une arme à feu est un droit inscrit dans le second amendement du Bill of Rigth, ratifié en 1791, et il y a, actuellement, en circulation plus de 320 millions de ces engins de mort pour une population d'un peu plus de 300 millions d'habitants. 
Les larmes de Barak Obama n'y feront rien, car derrière la question des armes à feu se cachent un marché particulièrement rentable et le slogan du très puissant lobby1 des armes à feu « les armes ne tuent pas, ce sont les gens qui tuent » empêche de penser en terme de remise en cause de cet amendement qui a été relégitimé en 2008 par la Cour Suprême en donnant à tous le droit de porter une arme.


"Le Père Noël est une ordure".

Les États-Unis sont coutumiers de ces tueries - 80 personnes sont tuées chaque jour - mais, les Européens, surtout en Norvège, depuis 2011, savent que ces folies meurtrières peuvent s'exercer chez eux.1
Aux États-Unis, il est possible d'acheter un fusil d'assaut au comptoir de la chaîne de supermarchés Walmart et, après chaque massacre, les ventes d'armes augmentent
Si la suppression de la vente libre ne réduirait pas le risque, pourtant, elle limiterait sûrement la gravité des conséquences.

Au nom d'une logique folle, quelques voix se font même entendre pour affirmer que si les armes étaient autorisées dans les écoles, elles auraient permis de se défendre à Newton.

Il faut répondre à cette folie en en comprenant les causes afin de les extirper de notre quotidien.

Car, il s'agit bien de folie et le slogan du lobby des armes, bien que fallacieux, n'est pas totalement faux : c'est, avant tout2 un homme qui appuie sur la gâchette ou qui amorce la bombe.
Effectivement, il faut insister sur la folie des meurtriers, hommes souvent jeunes et instables, schizophrènes, paranoïaques, dépressifs ou mégalomanes, souffrant de carences narcissiques.
Le crime de masse leur permet d'exister, au moins une fois avant leur suicide dans la plupart des cas.
Le manque d'existence, quand il devient insupportable, déclenche une compensation criminelle majeure, voire "héroïque". En France, Mohamed Merah a trouvé des justifications dans la religion et l'idéologie, mais d'autres crimes, comme celui de Newton, semble-t-il, sont de simples passages à l'acte sans justification.
Pour que de tels actes aient lieu, il faut la rencontre entre un psychisme fragile et un contexte social et politique, et la société actuelle est le creuset de cette rencontre.
Les États-Unis, mais aussi d'autres pays occidentaux vivent dans une culture de violence, la télévision, branchée en permanence, dégurgite des milliers de meurtres dans les films, les séries créant une insensibilisation à la violence détachée du réel. Comme dans les jeux vidéo : " tuer n'est qu'un jeu".
En insistant sur la défense des valeurs nationales, en banalisant la mort en dehors des frontières du monde occidental, les informations, débitées en boucle, légitiment la violence d'État.
Dans notre société libérale, qui fait son crédo de la valorisation du « meilleur », on n'existe que par l'élection, par le statut de champion, par le poids de son compte en banque, par sa situation de victime, ou par la notoriété de criminel, aussi, tôt ou tard, pour certains, dans un contexte psychique particulier, la rage de l'inexistence contenue brise l'étau qui l'emprisonne et explose dans un passage à l'acte dramatique en choisissant, bien entendu, un symbole des plus sacrés, tel l'école de Newton.
Il est urgent de réfléchir à ces problèmes de désordres psychiques conduisant à la maladie mentale et au passage à l'acte dans nos sociétés.


 La folie + arme = obéissance parfois criminelle + irresponsabilité + victimes innocentes


Selon Human Right Watch, aux États-Unis, entre 2000 et 2006, le nombre de malades mentaux a quadruplé dans les prisons et, aujourd'hui, les désordres psychiques touchent 56 % des prisonniers.

En France aussi, la précarité, le chômage, la désocialisation, créés par une société inégalitaire où la solidarité est absente, le nombre de malades psychiques - le mot folie a été supprimé de notre langage ! - augmente sensiblement. 
En France aussi, où l'État, dans sa variante sociale-libérale, ne prend pas en compte la maladie mentale, et pire, se désengage financièrement des secteurs psychiatriques, on retrouve de très nombreux malades psychiques dans les prisons - plus de 35 % - où on ne les soigne pas.

Il est impératif que nos dirigeants prennent conscience de la relation directe entre la multiplication des désordres psychiques et les dysfonctionnements de notre collectivité humaine et qu'il lance un débat national sur la manière de traiter la maladie mentale et ses causes. 

L'amoureux des armes est un fou dangereux

1 - C'est le lobby le plus puissant - 43 millions de membres - et le plus riche - 200 millions de dollars de dons – il distribue, à chaque campagne électorale, des soutiens financiers considérables et se vante de faire élire 4 sur 5 des candidats à la Chambre des représentants.
2 - En France, il faut se souvenir de l'affaire Merah et de la tuerie de l'école juive de Toulouse.

3 - Sur 61 meurtres en série commis aux USA, 43 l'ont été par des hommes blancs, et un seul par une femme.


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

jeudi 13 décembre 2012

La misère nous déshumanise tous


De la pauvreté à la misère ?

Il en est encore pour déplorer qu'on gâche les crédits de l'État pour améliorer le sort des plus pauvres de nos concitoyens ! Ces monstres froids, qu'on retrouve à l'UMP et au Front National, sont d'un autre monde, ou plutôt, et contradictoirement, il font partie du "monde-bien-réel-qui-se-veut-à-côté-des-réalités" !


La Conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale des 10 et 11 décembre 2012 n'a guère amélioré le sort des plus pauvres (« la crise, la crise, la crise »... limiterait nos possibilités d'agir). Cependant un constat a bien été fait :



« En 2010, le nombre des situations de pauvreté a augmenté et s’est diversifié. La pauvreté a changé de visage : le pauvre est plus souvent une mère élevant seule ses enfants, un couple quinquagénaire sans travail, un étranger qui attend la normalisation de sa situation de résidence, ou un habitant d’une zone urbaine sensible. En 2010, les inégalités se sont creusées, éloignant davantage encore dans l’échelle des revenus disponibles, les 10% des Français les plus modestes, des 10% des Français les plus aisés. Pour la première fois depuis 2004, en effet, le niveau de vie médian a diminué. En 2010, les Français les plus modestes ne recourent pas suffisamment aux dispositifs auxquels ils ont droit. Ce phénomène du non recours se traduit par une intensification des situations d’exclusion. Les personnes pouvant théoriquement être rattrapées par la solidarité sortent du ciblage de dispositifs nationaux trop souvent désincarnés pour assurer une prévention, une prise en charge et un accompagnement vers l’autonomie efficaces ».



« Selon l’enquête Revenus fiscaux et sociaux (Insee), la moitié de la population française- dispose d’un niveau de vie inférieur à 19 270 euros annuels (1), soit une diminution en euros constants de 0,5 % par rapport à 2009. Le seuil de pauvreté, qui correspond à 60 % du niveau de vie médian de la population, s’établit à 964 euros mensuels en 2010. La pauvreté monétaire relative continue d’augmenter en 2010 et retrouve son niveau de 1997. Elle concerne 8,6 millions de personnes, soit 14,1 % de la population contre 13,5 % en 2009 ». (2)


Cruelle partout, la pauvreté est relative selon le pays où l'on vit. Tel est riche, ici, avec 500 euros par mois, mais ne paierait même pas son loyer, ailleurs, avec la même somme ! Au moment où, en France, les pouvoirs publics se préoccupent de la lutte contre la pauvreté, il convient de rappeler, peut-être, que la pauvreté n'est pas une tare et encore moins une fatalité. Elle est le produit des inégalités et la conséquence du refus du partage. On sait cela depuis des siècles !


La pauvreté déshumanise quand elle devient misère. "Misérable" a longtemps été une injure adressée à quelqu'un qui se comporte de façon indigne. Hugo n'y voyait que ceux qui subissent la misère. La distance entre la pauvreté (l'insuffisance de moyens) et la misère (l'absence de moyens) a la profondeur d'un abîme. On peut réussir sa vie dans la pauvreté ; c'est impossible dans la misère.



Vivre sobrement est-ce vivre pauvrement ? Oui et non ! La sobriété n'est pas une insuffisance de moyens mais une limitation volontaire des moyens  par souci de mieux vivre. Étonnante affirmation que celle de celui qui choisit la sobriété pour mieux vivre; mais il s'agit d'un mieux vivre individuel et collectif. Vivre de peu, si l'on est nombreux, rend la vie possible à tous. Vivre tous simplement pour que simplement tous les hommes vivent est un choix de société que préconisait Gandhi et qui n'a rien d'impossible sauf si les nantis ont le pouvoir de l'interdire.


(1) À très peu près 1600 euros par mois .
(2) - http://www.onpes.gouv.fr/ (rapport-pauvrete_gouvernement-decembre2012.pdf )


Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

lundi 3 décembre 2012

« Ah ! vous revenez de Pontoise ! » Soyez Vigilants !



L'expression prend aujourd'hui toute sa saveur car il n'est pas sûr que l'étranger, le Rom, le bronzé, en un mot « le différent » puisse revenir de Pontoise sans avoir l'air hébété, comme le dit la chanson.

En effet, le maître des lieux, maire de Pontoise, et sa majorité bleue, ont décidé de constituer une milice. Non pardon ! De promouvoir une opération de « voisins vigilants », c'est-à-dire de demander à des quidams ordinaires de surveiller les allées et venues, dans les rues de Pontoise, où, chacun le sait, le danger rode à tout instant.

« Fernande, je vois un étranger, appelle la Komandantur ! - Tu veux dire le commissariat, Robert... »

Voilà ce que l'on va entendre, derrière les rideaux des chaumières de Pontoise, parce que les quidams ordinaires, candidats à la surveillance, ne seront pas si ordinaires que cela.

Voyeurs, pervers, psychopathes autodésignés, les professionnels de la délation vont s'en donner à cœur joie, ils n'auront plus à se cacher, plus à téléphoner anonymement pour dénoncer les agissements qu'ils croient suspects de leurs contemporains.
Ils pourront, enfin, calomnier au grand jour, dire tout le mal qu'ils pensent des voisins qu'ils n'ont jamais supportés.

Cette idée de « Voisins vigilants » a été imaginée par l'avant-dernier ministre de l'Intérieur et l'on aurait pu penser que le nouveau ministre, que l'on croyait de gauche, prendrait des dispositions pour arrêter ces dérives droitières.

Non, naïfs que nous sommes, ses gendarmes font la promotion de ce concept qu'ils qualifient de novateur. (voir lettre ci-dessous - pour la lire cliquer dessus)

Et enfin, cerise sur le gâteau, pour aider les délateurs, le shériff de Pontoise, et sa majorité de plus en plus bleue veulent installer la vidéo-surveillance, renommée vidéoprotection, alors qu'elle ne protège personne et que son installation et sa maintenance sont ruineuses.

Enfin, ruineux, pas pour tout le monde...

Mais les Pontoisiens ne vont pas en revenir lorsqu'ils regarderons incrédules le coût de ces caprices sans efficacité en recevant leurs feuilles d'impôts.

Alors, revenir de Pontoise posera quelques difficultés, mais y rester aussi.

Jean-Claude VITRAN et Jean-Pierre DACHEUX

samedi 24 novembre 2012

La France, pays des droits de l’homme mais pas des Roms


Le 21 novembre dans Médiapart on pouvait lire :

Après Aurore, Bianca ?
 

Par philippe alain
 
Le 15 novembre 2012, une jeune femme est arrêtée avec son bébé. Après vérification de son identité, la police s’aperçoit qu’elle est sous le coup d’un mandat d’arrêt européen (MAE).

Le MAE a été conçu, après les attentats du 11 septembre, pour faciliter l’extradition entre les pays de l’Union Européenne. Ce mandat permet à un pays d’extrader jusqu’à ses propres ressortissants pour des faits qui ne sont pas pénalement répréhensibles chez lui, mais qui le sont dans le pays émetteur du mandat. La liste des faits pour lesquels un MAE peut être émis est longue. Elle comprend en particulier le terrorisme, le détournement d’avions, la traite des êtres humains, le trafic d’armes, le viol…

C’est sur la base d’un tel mandat qu’Aurore Martin, militante basque, a été extradée, le jeudi 1er novembre, vers l’Espagne où elle risque 12 ans de prison pour avoir participé à des réunions publiques d’un mouvement autorisé en France mais interdit en Espagne.

Bianca est donc arrêtée avec sa fille Maria. La police appelle la mère de Bianca pour qu’elle vienne récupérer le bébé car elle va passer la nuit en prison en attendant sa présentation devant la justice. Le lendemain, le Procureur Général réclame l’incarcération immédiate de la jeune fille. L’avocat commis d’office fait valoir qu’elle possède des garanties de représentation suffisantes et obtient son assignation à résidence en attendant que la justice se prononce. Bianca aura donc pointé donc, tous les jours, au commissariat de son quartier, jusqu’au jeudi 22 novembre, date à laquelle la chambre d’instruction devait statuer sur la demande d’extradition.

Bianca est Rom, originaire de Roumanie. Elle à 17 ans et demi et son bébé à 13 mois. Elle a été condamnée à 3 ans et 6 mois de prison ferme pour un vol commis dans un magasin en Roumanie à l’âge de 15 ans. Si Bianca est extradée, elle sortira de prison à 21 ans, si elle en sort. Sa fille, elle, aura presque 5 ans.

Condamner une jeune fille à 3 ans et demi de prison ferme pour un vol commis à l’âge de 15 ans est totalement inconcevable en France. C’est pourtant une pratique courante à l’encontre des enfants roms en Roumanie, pays qui possède une réputation internationale pour la façon exemplaire dont elle traite les Roms. C’est probablement pour cette raison que tant de familles fuient ce pays. /.../

Ignorant probablement la situation des Roms en Roumanie et plus particulièrement celle des enfants, le Procureur Général, lui, a d’ores et déjà demandé l’extradition de Bianca.

Si la France, pays des droits de l’homme, traite Bianca comme elle a traité Aurore, elle détruira la vie d’un bébé de 13 mois et d’une jeune fille de 17 ans dont le principal crime est d’être nés Roms.

Elle montrera également une fois de plus un dysfonctionnement majeur dans les institutions européennes permettant de renvoyer des enfants d’un pays où ils sont protégés, vers un pays où ils sont pourchassés, discriminés et condamnés à des peines totalement disproportionnées.

http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-alain/211112/linjustice-europeenne-apres-aurore-bianca


La dégradation quotidienne de la vie citoyenne dans notre pays nous bouleverse.  Si l'Europe, au lieu de protéger les enfants, les enferme et les détruit, et si la France contribue à cette chasse aux Roms, il y aura rupture et nous nous mettrons hors des lois injustes.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran



lundi 5 novembre 2012

Le cas Aurore Martin.

 

Aurore Martin, militante française du mouvement basque Batasuna1, sous le coup d'un Mandat d'Arrêt Européen (MAE), a été arrêtée et extradée vers l'Espagne dans des conditions qui nous semblent bien douteuses, voire entachées d'illégalité.

La procédure du MAE est la suivante :

Lors d’un contrôle d'identité, un passage de frontière, où que l’on se trouve en Europe, on peut donc être repéré et arrêté lorsqu’un MAE est signalé sur les fichiers policiers et judiciaires européens.
Une fois arrêtée, la personne menacée d’extradition a le droit d’être informée du contenu du mandat, de voir un avocat et d’être assistée d’un interprète.
Elle peut être placée en détention.
L’avocat n’a pas accès au dossier constitué par le pays demandant l’extradition. Il n’est donc pas en mesure de défendre sur autre chose que sur la forme. Sa présence peut donc s'avérer symbolique.
De toutes façons, la chambre d’instruction ne juge que la forme : elle vérifie le remplissage en bonne et due forme du formulaire de demande d’extradition et vérifie que rien ne s’oppose à son exécution.
La personne à extrader doit être présentée au procureur dans les 48 heures.
Celui-ci, après avoir vérifié son identité, doit lui notifier le contenu du MAE et l’aviser de son droit à être assistée d’un conseil.
Elle doit ensuite comparaître devant la chambre de l’instruction dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de sa présentation au procureur (l’audience peut être publique).
La chambre statue alors dans délai de sept jours si la personne a exprimé son consentement à être extradée, et dans un délai de vingt jours si elle n’a pas consenti. Le non-respect de ce délai doit théoriquement entraîner la mise en liberté de la personne réclamée.
Si la chambre d’instruction a autorisé l’extradition, il est possible de se pourvoir en cassation dans un délai de trois jours francs (article 568-1 du code de procédure pénale). La Cour de cassation dispose alors d’un délai maximum de quarante jours pour prendre sa décision.
Enfin, l’article 695-37 prévoit que la personne est remise à l’autorité requérante dans un délai de dix jours à compter de la date à laquelle la décision est devenue définitive, ce délai étant prolongé de dix jours en cas de force majeure. Le détenu doit théoriquement être libéré en cas de dépassement de ces délais.

D'après les sources officielles, Aurore Martin a été arrêtée vers 16 h 00 et remise aux autorités espagnoles, le même jour, vers 20 h 00, soit environ 4 heures plus tard.

L'extradition d'Aurore Martin, citoyenne française pose, au premier chef, des questions sur la légitimité d'une décision au regard de sa légalité, ce n'est pas là le sujet principal de notre billet. Mais, en plus, les conditions de son extradition ne semblent pas avoir respecté les procédures et le droit.

Fallait-il, quitte à ne pas respecter la procédure, aller vite pour éviter les réactions de l'opinion publique française et complaire à nos « amis » espagnols ? Si tel est le cas, cette décision n'a pas pu être prise au simple niveau local, ainsi qu'on le laisse entendre, mais au plus haut niveau national.


Comme nous aspirons à ne pas vivre dans une république bananière, où les décisions sont prises par le monarque et ses courtisans, nous demandons, comme simples citoyens qui entendent que l'État de droit s'applique à tous sans distinction, que toute la lumière soit faite sur cette obscure affaire.

1  Le mouvement Batasuna considéré comme terroriste est interdit en Espagne, il est autorisé en France.


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

jeudi 1 novembre 2012

L'Islande, une leçon de démocratie ?

 


Avez vous entendu commenter ce fait : samedi 20 octobre 2012 près d'un Islandais sur deux est allé voter. Pratiquement aucun commentaire... Même "à gauche".

Il faut dire que, ce jour-là, les Islandais, décidément mauvais garnements du libéralisme, ont pu nous donner de mauvaises idées et des leçons de démocratie.

À une large majorité des votants, les Islandais ont voté, en effet, en faveur du projet d'une nouvelle constitution, rédigé par un groupe de 25 simples citoyens élus, aidés par un large débat sur internet auquel pouvaient participer tous les Islandais. Une révolution capitale car, si la nouvelle constitution est définitivement adoptée par le Parlement, elle marquera la prise en main de leur destin par les citoyens.

Pour comprendre, revenons sur l'histoire récente de l'Islande :



A partir d'octobre 2008, l'Islande entre dans des turbulences économiques et financières très importantes entrainant un effondrement du système bancaire et la nationalisation des trois principales banques du pays. Pourtant un an avant, en octobre 2007, le Figaro décrit en ces termes « le miracle islandais » : « le chômage est inexistant, la dette minime et les dix dernières années l'économie s'est accrue de 4,5 % par an en moyenne. » Dans le même temps, le FMI, très optimiste, écrit : « les perspectives à moyen terme de l'Islande restent enviables, les marchés ouverts et très souples et les institutions très saines... »

Grisées, les banques islandaises pratiquent des stratégies risquées qui les conduisent à l'effondrement ; la couronne islandaise perd près de 50 % entre janvier et octobre 2008 et la hausse des prix est de plus de 14 %. En août 2009, le Parlement islandais accepte de rembourser, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, plus de 5 milliards de dollars.  (Chaque Islandais devrait alors verser l'équivalent de 100 euros par mois pour rembourser la dette des banques). Sous la pression populaire, le Président islandais décide de soumettre l'adoption de l'accord financier à un référendum et le 6 mars 2010, le « non » est largement majoritaire. 

L'année suivante, le Parlement islandais approuve un nouvel accord permettant d'étaler les remboursements entre 2016 et 2046, à un taux d'intérêt de 3 %, ce nouvel accord soumis au vote populaire en  avril 2011 est, encore une fois, rejeté.

Dans le même temps et principalement à partir de janvier 2009, beaucoup d'Islandais sont dans la rue à taper sur des casseroles pour exiger le départ du gouvernement et la rédaction d'une nouvelle constitution. 


Birgitta Jonsdottir, députée, résume ainsi la situation : il s'agissait de demander « une vraie séparation des pouvoirs, d'empêcher les élus d'agir dans leur propre intérêt et de protéger les ressources naturelles ». Les « révolutionnaires » qui se mobilisent après la faillite financière de leur pays ont gain de cause : le gouvernement démissionne et un nouveau projet de constitution est mis sur les rails selon un processus participatif.
N'est ce pas la première fois qu'un peuple s'approprie ainsi la rédaction de sa propre constitution ?

Début novembre 2010, 1 000 personnes sont tirées au sort, elles réfléchissent pendant une journée en listant les grandes valeurs de l'Islande, et le 27 novembre 2010 un groupe de 25 Islandais « ordinaires » (525 personnes se sont présentées) est élu par les Islandais.

Dès le départ, le travail des 25 a été rendu public sur internet. La transparence est totale et 4 000 contributions et commentaires sont consignés. Le texte est remis 29 juillet 2011 au Parlement. 114 articles, en 9 chapitres, qui modifient sensiblement l'équilibre des pouvoirs, instaurent des mécanismes démocratiques nouveaux comme le référendum d'initiative populaire et intègrent des garanties importantes quant aux libertés.

Au départ, tous les partis étaient favorables à la réforme. Mais la droite a rapidement compris que le processus risquait de la conduire à une catastrophe car derrière les grands principes se cachent de lourds enjeux politiques. Pour les partis de droite, cette nouvelle constitution est considérée comme une bombe qu'il s'agit de désamorcer au plus vite. Ils contestent la légitimité du processus et font tout pour l'enterrer. La révolution constitutionnelle islandaise, magnifique aventure démocratique, risque de sombrer dans les oubliettes de l'histoire.

Birgitta Jonsdottir, optimiste, constate : «  en Islande, nous avons un avantage : la bureaucratie est très légère et nous avons la possibilité de changer rapidement les lois. L'Islande peut être le laboratoire de la démocratie ... »


Nul ne sera surpris que les droites soient hostiles à ce processus et qu'elles prennent tous les prétextes pour enterrer le projet si elles redeviennent majoritaires au Parlement en avril 2013.

Il est tout de même consternant que des mouvements politiques qui se disent attachés aux principes démocratiques soient contre le principe de cette démocratie directe inédite qui a fait des propositions dont tout le monde politique, toutes couleurs confondues, dit qu'elles sont intéressantes et réalisables.

Est ce que cela ne serait pas la preuve :
- Que les droites ne sont pas aussi démocrates et républicaines qu'elles veulent le faire croire ?
- Qu'elles sont plutôt pour le principe d'une démocratie oligarchique, c'est-à-dire au service d'une minorité assurant sa domination par le pouvoir et l'argent.
- Qu'elles pratiquent un jeu politique basé sur l'hypocrisie, la manipulation et le mensonge.

Les partis politiques, de toutes couleurs, savent confisquer aux citoyens leur pouvoir, et ce n'est pas le droit de vote, tel qu'il se pratique, qui n'est qu'un marché de dupes, une illusion de démocratie, un alibi utile aux leaders politiques qui peut changer l'ordre des choses ou plutôt leur désordre !

« Il faut regagner le contrôle de nos vies ! » comme le dit encore la députée islandaise Birgitta Jonsdottir, en donnant du pouvoir à la société civile.

Cela reviendrait, en France, à abolir la constitution de 1958, creuset d'un système monarchique, qui ne dit pas son nom, pour établir une vraie République démocratique, fondée sur les grands principes de liberté, d'égalité et de fraternité enfin pris en compte.

Il faut faire fonctionner notre société dans le bon sens : qu'elle soit au service de l'homme et pas l'homme au service de la société.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux