samedi 23 septembre 2023

Harcèlement judiciaire contre la journaliste Ariane Lavrilleux, une atteinte intolérable à la liberté de la presse

Ariane Lavrilleux, journaliste du média d’investigation Disclose, a été placée pendant 39 heures en garde à vue par les services secrets français. Le but ? Identifier ses sources dans l’affaire des « Mémos de la terreur ». Ce placement en garde à vue, ordonné en représailles de son travail légitime de journaliste, est indigne d’un État de droit. Comme tou·tes les journalistes d’investigation, Ariane Lavrilleux joue un rôle indispensable dans la garantie de la liberté d’information et dans la divulgation d’informations d’intérêt public : toutes les intimidations à son encontre doivent cesser !


Paris-Genève, 22 septembre 2023. Arrêter une journaliste pour n’avoir fait que son travail est une pratique qui va à l’encontre du respect de la liberté de la presse, ainsi que de la liberté d’information dans une société démocratique. Pourtant, le 19 septembre 2023, le domicile de la journaliste d’investigation Ariane Lavrilleux a été perquisitionné par des agents de la Direction générale de la sécurité intérieure française (DGSI). La journaliste a ensuite été placée en garde à vue dans le cadre d’une enquête pour « compromission du secret de la défense nationale » et « révélation d’informations pouvant conduire à identifier un agent protégé », ouverte en juillet 2022, sur la base d’une plainte déposée par le Ministère des Armées. Cette plainte fait suite à la publication par le média d’investigation indépendant français Disclose, en novembre 2021, de la série d’enquêtes « Les mémos de la terreur », co-signée par Ariane Lavrilleux, et révélant la complicité de la France dans une série d’exécutions arbitraires orchestrée par le gouvernement égyptien entre 2016 et 2018. Ariane Lavrilleux a été libérée le 20 septembre 2023, après 39 heures en garde à vue, et l’enquête se poursuit.


« Le travail des journalistes révélant des violations des droits humains est indispensable au fonctionnement d’une démocratie saine, la liberté d’information ne se négocie pas. Nous sommes effarés par l’arrestation d’Anne Lavrilleux. C’est un véritable scandale d’État. Nous exigeons que ce harcèlement judiciaire cesse et attendons des excuses de la part de l’exécutif, » a réagi Gerald Staberock, Secrétaire général de l’OMCT.

Parmi les révélations des « Mémos de la terreur », les journalistes ont mis au jour l’existence de l’Opération Sirli, opération « antiterroriste » des renseignements français, utilisée et détournée par les autorités égyptiennes, qui ont exécuté en dehors de tout cadre juridique ce qui semble être des trafiquants d’armes, de drogue ou de migrants à la frontière libyenne. Des journalistes ont prouvé que les autorités françaises avaient connaissance que leurs informations servaient à commettre ces crimes extra-judiciaires. Aucune mesure n’a pourtant été prise, notamment pour ne pas compromettre les accords de vente d’armes conclus avec l’Égypte.


« Le travail de journaliste lanceur d’alerte doit être protégé par les autorités, pas réprimé » a déclaré Antoine Madelin, directeur du plaidoyer de la FIDH. « Ariane Lavrilleux a mis en lumière la manière avec laquelle la France s’est rendue complice de violations des droits humains, ouvrant la voie à l’établissement des responsabilités pour ces crimes. Plutôt que d’intimider des journalistes, les enquêteurs feraient mieux de chercher à savoir pourquoi et comment la France a failli à ses obligations internationales et à mettre en place une stratégie efficace de poursuite des auteurs des violations. »

« Le placement en garde à vue d’Ariane Lavrilleux, après une surveillance de plusieurs mois, constitue une atteinte disproportionnée à la liberté de la presse et au secret des sources, tels que consacrés par le droit français. Il est intolérable de la voir traitée comme une délinquante alors qu’elle n’a fait que révéler des informations d’intérêt public dans le cadre de son travail. Il est primordial qu’aucune charge ne soit retenue contre elle et par ailleurs, de telles mesures d’intimidation contre les journalistes doivent cesser », a déclaré Me Patrick Baudouin, président de la LDH et président d’honneur de la FIDH.


L’arrestation d’Ariane Lavrilleux a suscité des réactions également au niveau européen, où un nouvel acte législatif visant à harmoniser et renforcer la protection offerte aux journalistes dans toute l’Union européenne (UE) est en train d’être négocié à Bruxelles. Dans le cadre des négociations, la France a plaidé en faveur d’une exception qui permettrait d’enquêter sur les journalistes au nom de la sécurité nationale. Des telles exceptions, que d’autres États européens soutiennent, sont dangereuses en raison des risques qu’elles posent pour la protection de la liberté de la presse et du droit à défendre les droits humains en Europe. La Commissaire aux Valeurs et à la Transparence de l’UE Vera Jourova a commenté en rappelant l’importance de concilier le besoin de sauvegarder la sécurité nationale avec le respect des droits fondamentaux.


Communiqué commun LDH et Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains


mardi 19 septembre 2023

Immigration et asile : sortir de la stigmatisation en optant pour des solutions humanistes et réalistes

 


Le projet de loi sur l’immigration et l’asile porté par le ministre de l’Intérieur devrait être examiné au Sénat début novembre et à l’Assemblée nationale en février.

La LDH (Ligue des droits de l’Homme) a déjà exprimé son profond désaccord avec la logique de ce texte essentiellement répressif. En effet, le projet de loi prévoit de durcir les conditions de délivrance et de renouvellement des titres de séjour, de faciliter les expulsions en étendant encore les pouvoirs arbitraires des préfets au motif de menaces pour l’ordre public ou de non-respect des principes républicains, et plus généralement de réduire les droits des personnes étrangères. Plus aucune personne étrangère ne sera protégée quel que soit son degré d’intégration à l’exception des seuls mineurs.

Le ministre de l’Intérieur entend faire le tri entre les personnes étrangères et se débarrasser de celles et ceux qualifiés de « méchants » dont le seul tort, le plus souvent, est de n’avoir pu obtenir un visa en fuyant leur pays et de ce fait, d’être entrés illégalement en France.

Faute de majorité à l’Assemblée nationale, le gouvernement en est réduit à négocier avec les parlementaires Les Républicains (LR), qui s’en donnent à cœur joie dans la surenchère, comme on le voit avec le dépôt de leurs deux propositions de loi qui semblent directement issues du programme du Rassemblement national. Tout y passe : l’accès à tous les titres de séjour est mis en cause et une des pires mesures, outre le fait de vouloir s’exonérer des conventions internationales, est sans doute, sauf soins d’urgence, la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME), c’est-àdire le droit aux soins élémentaires pour toute personne vivant en France, ce qui peut entrainer une catastrophe humanitaire et sanitaire.

Ce n’est en aucun cas un projet de loi équilibré comme le prétend le gouvernement. Les exceptions au durcissement du Code des étrangers (Ceseda) sont infinitésimales. C’est néanmoins le cas de la mesure de régularisation des personnes étrangères travaillant dans des métiers dits en tension. Cette mesure est cependant beaucoup trop limitative d’autant qu’il faut prouver que l’on est en France depuis trois ans, et que l’on y a travaillé au moins huit mois (sans en avoir le droit). Mais, aussi limité cela soit-il, les LR en font un point de blocage, une surenchère politicienne qui n'a pas grand-chose à voir avec les réalités humaines et économiques rencontrées par les personnes exilées.

lundi 11 septembre 2023

IL Y A 50 ANS, LE CHILI SOMBRAIT DANS LA DICTATURE;


Il y a 50 ans, le 11 septembre 1973, Salvador Allende, président du Chili, élu démocratiquement le 4 novembre 1970, est renversé par un coup d’Etat des forces armées du pays. L’armée chilienne intervient après des mois de déstabilisations du pays orchestrées par l’organisation Patrie et liberté, le parti national et par les Etats-Unis. Le général Pinochet prend le pouvoir.


Assiégé dans le palais de la Moneda, Salvador Allende se suicide après avoir prononcé deux allocutions radiophoniques au peuple chilien : « Ils ont la force, ils pourront nous asservir ; mais on n’arrête pas les mouvements sociaux, ni par le crime ni par la violence. »


La répression organisée dès l’arrivée des militaires au pouvoir est féroce. Des milliers de personnes sont arrêtées, torturées ou exécutées dans les casernes et dans le stade de Santiago. Des milliers de personnes sont portées disparues et près de 250 000 Chiliens s’exilent.


L’ambassade de France à Santiago permettra à 800 personnes d’échapper aux camps et tortures de la dictature chilienne.


Le général Pinochet, écarté du pouvoir en mars 1990, a été le premier ancien chef d’Etat à être arrêté à Londres, le 16 octobre 1998, sur la base du principe de compétence universelle pour juger des crimes contre l’humanité, mais, libéré pour des raisons de santé, il mourra dans son lit et ne répondra jamais de ses actes. La constitution héritée de la dictature est encore en vigueur…


La LDH (Ligue des droits de l’Homme) a toujours été mobilisée auprès de celles et ceux qui ont été les victimes de cette dictature, celles et ceux qui l’ont combattue. Elle souhaite aujourd’hui qu’un véritable et nécessaire travail de mémoire puisse aboutir ; que le processus constitutionnel engagé par l’actuel président Gabriel Boric soit mené à son terme pour que le Chili retrouve ce que le président Allende voulait mettre en place : la justice sociale, la liberté, le plein et entier exercice des droits pour tous les citoyens et citoyennes.


Paris, le 11 septembre 2023


vendredi 1 septembre 2023

Chili : 50 ans après le coup d’Etat – Pour Victor Jara, la justice enfin


Communiqué LDH

Il aura fallu cinquante ans pour que la Cour suprême du Chili rende définitivement une décision condamnant à vingt-cinq ans de prison sept militaires, maintenant retraités, pour délits de séquestration, de tortures et d’homicide du chanteur Victor Jara.

Guitariste, compositeur, militant du parti communiste et membre du gouvernement d’Unidad Popular de Salvador Allende, il a été détenu le 12 septembre 1973, un jour après le coup d’Etat, et assassiné peu de jours après avoir subi d’effroyables tortures… Entre autres tortures, ses tortionnaires lui ont coupé les doigts à la hache pour faire taire sa musique.

Ce fut un des crimes les plus symboliques de la dictature.

La procédure concernant la mort de Victor Jara est un des cas relevant de la justice chilienne qui a mis le plus de temps à aboutir.

Cette sentence définitive arrive seulement quinze jours avant la commémoration au Chili des cinquante ans du Coup d’Etat dans une ambiance de forte polarisation sociale sur le récit officiel des faits du 11 septembre 1973.

La LDH (Ligue des droits de l’Homme) se félicite de cette décision, bien qu’elle soit tardive, et espère qu’elle sera appliquée avec la plus grande rigueur.

Paris, le 1er septembre 2023