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jeudi 30 décembre 2010

Les vœux de Stéphane Hessel

S'il ne suffit pas de s'indigner, il est digne et efficace de le faire, surtout quand c'est un homme de cette trempe qui nous appelle à la Résistance. Puisse Stéphane Hessel traverser 2011 avec nous. Nous avons besoin de lui vivant !

Mes chers compatriotes,

La première décennie de notre siècle s'achève aujourd'hui sur un échec. Un échec pénible pour la France ; un échec grave pour l'Europe ; un échec inquiétant pour la société mondiale.

Souvenez-vous des objectifs du millénaire pour le développement, proclamés en 2000 par la Conférence mondiale des Nations Unies. On se proposait de diviser par deux en quinze ans le nombre des pauvres dans le monde. A la même date, on entamait une nouvelle négociation pour mettre un terme au conflit vieux de trente ans du Proche Orient – les Palestiniens auraient droit à un État sous deux ans. Échec sur toute la ligne! Une plus équitable répartition entre tous des biens communs essentiels que sont l'eau, l'air la terre et la lumière? Elle a plutôt régressé, avec plus de très riches et plus de très très pauvres que jamais.

Les motifs d'indignation sont donc nombreux. Ce petit livre Indignez-vous! – qui a eu un extraordinaire succès auprès des parents, et plus encore de leurs enfants, auxquels il s'adresse –, c'est quelque chose qui me touche profondément. De quoi faut-il donc que ces jeunes s'indignent aujourd'hui? Je dirais d'abord de la complicité entre pouvoirs politiques et pouvoirs économiques et financiers. Ceux-ci bien organisés sur le plan mondial pour satisfaire la cupidité et l'avidité de quelques-uns de leurs dirigeants ; ceux-là divisés et incapables de s'entendre pour maîtriser l'économie au bénéfice des peuples, même s'ils ont à leur disposition la première organisation vraiment mondiale de l'histoire, ces Nations-Unies auxquelles pourraient être confiées d'un commun accord l'autorité et les forces nécessaires pour porter remède à ce qui va mal.

Au moins nous reste-t-il une conquête démocratique essentielle, résultant de deux siècles de lutte citoyenne. Elle nous permet de revendiquer le droit de choisir pour nous diriger des femmes et des hommes ayant une vision claire et enthousiasmante de ce que la deuxième décennie qui s'ouvre demain peut et doit obtenir. Voilà la tâche que je propose à tous ceux qui m'écoutent. Qu'ils prennent appui sur les auteurs courageux qui se sont exprimés ces derniers mois, sur Susan George et son beau livre Leurs crises, nos solutions, sur Edgar Morin et son dernier tome L'Ethique, sur Claude Alphandéry et ses propositions pour une économie sociale et solidaire. Avec eux, nous savons ce qu'il est possible d'obtenir.

N'attendons pas. Résistons à un président dont les vœux ne sont plus crédibles.

Vivent les citoyens et les citoyennes qui savent résister!


Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

mardi 28 décembre 2010

Les faux choix



Il n'est question, désormais, que de l'élection de 2012 et des chances de Nicolas Sarkozy de reconquérir l'opinion ! Mais, déjà, les médias ne s'en tiennent qu'à trois acteurs, ceux qui pourraient trouver dans les urnes de quoi figurer au second tour : le sortant, DSK, et Marine Le Pen la-fille-de-son-père, celui qui, troubla le jeu en 2002. Les autres n'existent guère.

Car la messe est dite : seuls les tenants du système économico-politique établi sont crédibles ! Ce qui peut perturber le choix entre le capitalisme libéral et le social capitalisme, c'est... le nationalisme. L'ingrédient qui peut saler la soupe occidentale, en France, c'est la dose de mondialisation.

Sarkozy en veut moins que DSK par opportunisme politicien : les Français regimbent quand on veut leur faire accroire que l'économie française ne dépend plus que de "l'étranger". Dans toute l'Europe, la résistance à une politique qui échapperait définitivement aux États-nations peut interdire le succès de celui qui ne ferait pas semblant d'être le champion de la cause nationale.

DSK est censé représenter la compétence financière internationale dont la France a besoin. L'impopularité de l'actuel Président aidant, et la fonction d'alternance structurelle du PS font le reste. Coureur de jupons ou pas, proche des milieux sionistes ou non, DSK ne déplait pas et il fait actuellement figure de favori.

Quant à Marine Le Pen, elle n'a qu'une carte a jouer mais quelle carte : elle peut utiliser 10 à 20% de l'électorat pour faire ou défaire un roi ! Son aversion pour celui qui a pillé le nid frontiste lui fera-t-elle choisir de laisser passer le prétendu socialiste pour attendre son tour quand DSK aura lui aussi déçu ?



Tel est le jeu politicien auquel se livreront les commentateurs, analystes et fabricants de sondages. Et sauf événement nouveau, nous n'en sortirons pas au point que la foule des aspirants à la candidature préférée des Français n'auront plus que des miettes à ramasser qui iront rejoindre, in fine, les creusets de "gauche" et de "droite" où se fondent les voix, lors de la confrontation finale.

Sauf que plusieurs éléments ne se fondront pas dans la soupe et que la température du breuvage à faire avaler aux citoyens pourrait bien s'élever de plusieurs degrés !

Quels éléments :
• le doute des électeurs sur l'opportunité d'attendre un changement de cette situation sans issue (2007 a été le dernier mensonge avalé par ceux qui espéraient profiter avec les profiteurs !).
• la probabilité d'une nouvelle flambée de la crise économique et financière, les mêmes causes produisant les mêmes effets (mais là, nul ne sait quand les nouvelles "bulles" vont crever !).
• les manifestations surtout d'un désordre écologique aux effets lents mais surpuissants qui peuvent bouleverser toutes les donnes politiques (compte tenu des conséquences planétaires climatiques et énergétiques des économies "libres", c'est-à-dire s'interdisant toute limite).

http://www.grain.org/front_files/global-landgrab-es.jpg

Qu'est-ce qui rendrait la température de la boisson politique trop chaude, la rendant imbuvable :
• les Français ont une revanche sociale à prendre et le camouflet de la politique des retraites peut se payer. (Il est impossible de croire que toutes ces actions de masse n'auront eu aucun effet !)
• la rigueur sélective infligée, dans toute l'Europe, aux plus modestes des citoyens, peut déboucher sur une véritable "jacquerie" moderne avec, de surcroît, au printemps, une manifestation d'internationalisme inédite. (L'Europe est en péril et elle n'en sortira pas sans un moins ou un plus d'Europe politique)
• le mouvement écologiste, qui ne cesse d'hésiter entre le réalisme des alliances et l'autonomie de la nouveauté radicale, peut servir de refuge aux insatisfactions avant de devenir, une bonne fois, une alternative crédible. (Les Verts et Europe-Écologie ne sont que des formes qui ne peuvent contenir ce mouvement dans toute son ampleur : des décroissants jusqu'aux "écosophes" de toutes obédiences !).

Il est irritant de constater qu'on ne peut sortir du port où tout s'enflamme sous prétexte que la mer est démontée. Il faut choisir entre les risques. L'élection de 2012 est un leurre, une fascination qui détourne notre regard du paysage dans sa globalité. Pendant ce temps, on oublie que le capitalisme n'est pas éternel, que la dissuasion nucléaire continue de menacer la Terre autant que le "terrorisme", que la contradiction entre la société de surveillance policière et la société de tolérance financière va faire exploser la société civile...

Il est temps d'échapper aux faux choix.


Entre être un homme et être un porc, il faut choisir...


Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

dimanche 26 décembre 2010

Noël, et après ? Choisissons le présent.

Jean-François Coffin, dans Médiapart, constate qu'il n'y a pas grand chose à espérer dans le contexte politique actuel. Du coup, contrairement à Stéphane Hessel, il refuse de s'indigner. Les mots, encore les mots sont devenus impuissants. C'est... son message de Noël, un message révélateur d'une désespérance croissante.

http://www.mediapart.fr/files/media_79477/xavier.jpg



Un ami, citoyen actif au sein d'ATTAC, adresse ce courriel : "J'ai conscience que le joyeux Noël n'a de sens que dans une sphère personnelle, fort importante, mais évidemment insuffisante par rapport aux problèmes qui nous préoccupent! Je n'ai malheureusement aucun message d'espoir à vous transmettre à ce niveau, seul le pire est à venir, quoi que nous fassions "

Stéphane Hessel agace Jean-François Coffin parce qu'il donne à penser qu'on peut encore agir, y compris avec des mots. Que fait d'autre ? Jean-François Coffin s'indigne qu'on pense qu'il suffise de s'indigner ?

Il faut lire ce cri paru sur Médiapart. Nous le reproduisons. Mais il faut le contester ! Il est ambigu. Remplacer "Indignez vous" par "Résignez vous" (car cela revient à ça), n'est pas lucide mais destructeur. Stéphane Hessel préfère mourir debout. Il n'est pas naïf et il a raison ! On ne peut lui reprocher de vouloir mobiliser les énergies. Est-ce avec un livre qu'on le peut ? Est-ce avec ce message-là qu'on y parviendra ? C'est une autre question. Du reste nul n'est obligé de lire Stéphane Hessel...

Résistances et Changements cherche les voies qui font sortir de cette nuit politique où tout est "devenu possible" y compris le pire. Mais le pire n'est pas sûr et le penser, c'est la mort ! Se suicider, c'est exactement ce qu'espèrent ceux qu'exaspère notre volonté de changement !

À moins de se réfugier, à 10 000 kilomètres d'ici, sur l'îlot océanien de la République acratique de M'Tsamboro. Fuir ou désespérer, c'est toujours renoncer. Ce n'est pas notre choix.

Afficher l'image en taille réelle

http://www.republiqueacratique.org/default.html


Indignez-vous... et après?

Nous sommes quotidiennement des milliers à nous indigner sur Médiapart et ailleurs.

Nous sommes quotidiennement des milliers à penser, écrire, échanger à partir d'une actualité qui déborde de motifs d'indignation.

Nous sommes jour après jour des milliers à nous interroger sur le sens même de la révolte, de l'indignation.

Nous assistons à la déliquescence de tout ce qui pouvait à un moment donné, il n'y a pas très longtemps encore, apporter l'espoir d'un changement, d'une rénovation des pensées et des actions politiques.

Il ne nous a pas fallu attendre Stéphane Hessel pour témoigner de nos indignations, pour rendre compte de nos petites expériences de vie qui valent, conjointes, celles d'un seul homme.

Nous sommes tous des citoyens éclairés, attentifs au monde, soucieux de maintenir en veille notre pensée, notre volonté de comprendre, nos espoirs de pouvoir un jour témoigner d'un changement dont la perspective s'éloigne jour après jour.

Comme les générations précédentes, nous sommes conviés à faire le deuil de possibles devenus illusions au gré de la volonté d'une minorité soucieuse de continuer à partager seule les fruits du cynisme et de cette « barbarie douce » à laquelle nous ne nous sommes que partiellement accoutumés comme en témoignent nos échanges.

Je n'achèterai pas le livre de Stéphane Hessel.

Je refuse comme lui la fatalité en faisant l'hypothèse que de cet horizon des possibles que certains s'emploient à obstruer, surgira autant d'évènements improbables et imprévus que par le passé. La fin de l'histoire, grande ou petite, n'est pas pour demain. Le pire est déjà présent, la volonté partagée par quelques uns de nous dénier le droit de penser l'avenir avec l'espoir d'un changement social, d'une modification des règles du jeu d'un monde qui menace de s'effondrer, un monde dont les déchets menacent l'avenir.

Le poids du négatif devient de plus en plus insupportable au quotidien.

C'est le règne du « ne pas », de l'interdit, de l'impossible, du « pas possible », du pas souhaitable, pas raisonnable.... autant de projets impossibles, de désirs entravés, d'alternatives disqualifiées, de renoncements imposés, de dynamiques collectives contrariées, sabotées, humiliées par des pouvoirs de plus en plus réduits mais de plus en plus puissants, de plus en plus solidaires.

Alors « indignez-vous »,.... et après ?


Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

vendredi 24 décembre 2010

Pas de prison sans infraction !

« Nous qui sommes honnêtes et n’avons rien à nous reprocher, qu’avons-nous à craindre des systèmes de surveillance ? »

Nous entendons souvent ces deux phrases, particulièrement dans les propos des obsédés de la sécurité proches de l’administration et du pouvoir central.

Comme nous y accoutume la communication officielle, cette expression est une tromperie sémantique digne des meilleurs concepts du marketing et de la publicité moderne, destiné à détourner la réflexion des personnes du sujet principal - la surveillance généralisée - vers un sujet secondaire mais important à leurs yeux « leur honnêteté et leur probité ».

Hors du contexte de la surveillance généralisée, ces deux phrases sont une escroquerie et l’expression exacte devait être : « Vous qui êtes honnêtes et à qui nous n’avons rien à reprocher, vous ne craignez rien des systèmes de surveillance. »

Et la réponse serait instantanée : « Puisque je suis honnête et que vous n’avez rien à me reprocher, pourquoi me surveiller ? » La discussion pourrait alors se dérouler et les principes démocratiques y trouver leurs comptes.

Bien au contraire, plutôt que d’organiser le débat et, pour objecter les critiques, en outrageant la démocratie, les thuriféraires de la surveillance généralisée désignent leurs opposants comme irresponsables, paranoïaques, persécutés, imaginant des complots partout. Comme souvent dans les démesures intellectuelles et mentales, on habille ses adversaires de ses propres oripeaux.

Les vrais paranoïaques sont les séides du tout sécuritaire et du risque zéro, les adeptes d’une société sans menace, aseptisée, autoritaire et intolérante dans laquelle, par conséquent, les droits fondamentaux, les libertés et la démocratie sont absents.

Le pouvoir et une partie des habitants de notre pays n’acceptent plus la différence, se méfient de l’étranger, instrumentalisent la sécurité des personnes pour réduire les libertés, font du potentiel de dangerosité un concept de la politique judiciaire, réduisent les tous malades mentaux à une menace pour autrui et nous font entrer de plein pied dans cette société rigide et autoritaire.

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Pour confirmer ces propos qui peuvent paraître excessifs, revenons sur cette loi du 25 février 2008, passée presque inaperçue du grand public, la « rétention de sûreté » visant à maintenir enfermés les prisonniers en fin de peine présentant, soit disant, un risque élevé de récidive. La décision de placer un condamné en rétention de sûreté sera prise par des juridictions régionales composées d'un président de chambre et deux conseillers de la cour d'appel au terme d'un débat contradictoire. Valable un an, elle pourra être renouvelée indéfiniment.


Jusqu’à cette date, la loi prévoyait des peines pour les faits qu'elle prévoit et le juge ne pouvait condamner une personne poursuivie que s'il était démontré qu'elle avait commis une infraction. Bien que le Conseil constitutionnel se soit prononcé et est validé la loi, le texte, en question, méconnaît le rôle constitutionnel du juge, dont la fonction pénale consiste à sanctionner les auteurs d'infractions commises et non à prononcer le maintien en détention au titre de crimes susceptibles de l'être.


Au nom du "potentiel de dangerosité" certains pays privent de liberté des personnes qui ne sont auteurs d'aucun fait répréhensible. C’est ce qui se passe dans les régimes totalitaires, qui pratiquent l'emprisonnement préventif en invoquant la dangerosité.

On peut craindre que, demain, pour renforcer la sécurité, le maintien en détention à l'issue de la peine pour cause de dangerosité soit étendu aux condamnés à des peines correctionnelles, puis, que l'on autorise l'emprisonnement de personnes jamais condamnées mais qui présenteraient des risques, par exemple, les délinquants sociaux et les militants associatifs, syndicaux et politiques.


Comme l’exprime Robert Badinter : « Au-delà des modalités de procédure et des habiletés de langage, la rétention de sûreté n'est que le maintien en détention pour une durée illimitée d'un condamné qui a purgé sa peine. Un homme ou une femme enfermé dans un espace clos, gardé par des personnels pénitentiaires et qui n'en peut sortir que sur autorisation spéciale, pour un bref moment et sous escorte, est un prisonnier. Et dans notre société, depuis la Révolution, seule la justice a le pouvoir d'emprisonner un homme, à raison d'une infraction qu'il a commise ou dont il est soupçonné d'être l'auteur ».

Pas de prison sans infraction : tel est le principe de notre justice criminelle depuis plus de deux siècles. La justice dans une démocratie repose ainsi sur une certaine idée de la liberté humaine. La rétention de sûreté, parce qu'elle quitte le terrain des faits pour le diagnostic aléatoire de la dangerosité, ne peut qu'abandonner les principes d'une justice de liberté. On enseigne que mieux vaut un coupable en liberté qu'un innocent en prison. Les temps ont changé. Pour prévenir un crime virtuel, la nouvelle justice de sûreté va emprisonner réellement des hommes au nom de leur dangerosité présumée. »


Michel Foucault, en 1974 au Collège de France, s'écriait : « Peut-être pressent-on ce qu'il y aurait de redoutable à autoriser le Droit à intervenir sur les individus en raison de ce qu'ils sont : une terrible société pourrait sortir de là. » L'avertissement demeure. Mais il n'est pas entendu.



De plus, les gardes des Sceaux successifs répètent à l'envi cette phrase du président : «Moi, je suis du côté des victimes.» Qu'est-ce que cela veut dire ? Que les autres, les hommes de terrain et les défenseurs des Droits de l’Homme sont du côté des assassins ? Cette phrase est marquée du plus trivial populisme électoral, car dans une nation démocratique, la justice ne peut pas être le fait des victimes ou de leur famille sinon il ne s’agit plus de justice mais de vengeance, mais peut-on encore qualifier de démocratie une nation qui entend emprisonner arbitrairement ses concitoyens ?


Comme Robert Badinter, Michel Foucault et de nombreux citoyens, nous nous interrogeons.


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

mercredi 22 décembre 2010

Le comble de la liberté


La liberté est à son comble. Comprenez : le capitalisme est à son zénith ! Il triomphe et prolifère puisqu'il n'est plus contesté par personne. En tout cas personne qui pèse dans les décisions. Quant aux intellectuels et aux médias, ils peuvent exprimer des critiques et des nuances : ce dont les détenteurs du pouvoir ne se soucient guère. C'est même une occasion supplémentaire de prouver que la liberté a un camp (à l'intérieur duquel on la tient, sous surveillance !).


Mais la liberté exècre les camps ! "Les pays libres", qui s'opposaient aux "pays socialistes", n'étaient pas plus libres que n'étaient "socialistes" les pays agglutinés derrière le "rideau de fer". Inutile de passer par le Chili de Pinochet, ou l'Afrique du sud enfermant Mandela, pour le prouver. Là où il n'y a pas d'égalité, il n'y a pas de liberté ; comme là où il n'y a pas de liberté, il n'y a pas d'égalité. Un totalitarisme est mort : le communisme soviétique. L'autre survit encore : la dictature des marchés.

Passons au XXIème siècle, à l'étape suivante. En cette fin d'année 2010, en occident, le système bafouille : il proclame, tout à la fois, la nécessité de la croissance et de la rigueur. Croissance pour les entreprises; rigueur pour les salariés. Croissance pour les profits; rigueur pour les citoyens. La vérité, pourtant, est, tout à la fois, simple et terrifiante : la capacité de produire pour satisfaire les consommateurs sature en Europe et aux États-Unis ; il faut donc laisser inféoder nos économies au sein d'États qui disposent de grandes réserves de main d'œuvre bon marché et de clientèle à séduire.

Que les pays qui ont eu la maîtrise du monde au cours des derniers siècles (notamment grâce à l'esclavage et au colonialisme) se retrouvent dépendants de la Chine, de l'Inde et du Brésil, en attendant le surgissement d'autres puissances, en Afrique notamment, constitue un violent retournement de situation. L'Europe semble en voie de sous-développement et la pseudo solidarité avec la Grèce, l'Irlande ou le Portugal (en oubliant - et pourquoi ? - la Hongrie, la Roumanie ou autres pays dits "de l'est") ne pourra plus déboucher sur le maintien de l'état économique antérieur. La rigueur est inévitable mais elle peut se décliner de deux façons : soit par des restrictions, soit par "la vie simple". Elle se mesurera soit à la diminution des privilèges injustes et justes (y compris les "avantages" sociaux !), soit à la transformation écologique de notre mode de vie. Et qui sait ce qui l'emportera ?



Sommes-nous prêts, pour passer à la rigueur sans souffrance, à réviser nos idées toutes faites sur la liberté ? Tant que liberté signifiera possibilité de jouir de tout ce à quoi on peut avoir accès grâce à ce que fournissent les marchés, il y a gros à parier que cette liberté-là nourrira et aggravera les inégalités sociales. Tant que liberté signifiera droit d'entreprendre sans examen et jugement du contenu des productions, il est inévitable que les produits polluants, voire meurtriers, continuent à enrichir certains, sans grand souci du sort du reste des hommes. L'affaire du Médiator n'est que l'écume apparente sur la marmite où bouillent, sans qu'on les voit ni les sente, les poisons les plus funestes.

Un exemple -parmi d'autres- nous est fourni par la situation en Côte d'Ivoire. Le champion de la liberté, actuellement, y est Alassane Ouatara, cet ancien vice-président du FMI, occidentalisé jusqu'au bout des ongles. Il fait face à l'ancien champion de la liberté, Laurent Gbagbo, ancien ou toujours membre de l'Internationale socialiste. Le pays du cacao ne saurait longtemps supporter que les entreprises, souvent dirigées par des Français blancs, soit plongées dans l'incertitude et, déjà, des entrepreneurs -notamment ceux qui fournissent les pesticides pour les cacaotiers- soulignent que Nicolas Sarkozy est bien imprudent d'exiger quoi que ce soit du Président auto-maintenu. La liberté d'entreprendre ne saurait dépendre des libertés politiques !


Le comble de la liberté est atteint aussi quand le résultat de toute élection n'est acceptable que s'il ne nuit pas aux intérêts économiques supposés. Nul doute que la dictature, en Biélorussie, deviendra supportable aussitôt que des acteurs économiques de l'Europe de l'Ouest pourront y intervenir.

La responsabilité des citoyens est, à présent, de donner un contenu à l'exercice des libertés dans le cadre économique. Cantonnée hors du domaine des entreprises, elle devient factice et, peu à peu, s'évanouit. Quand la liberté n'appartient qu'au chef, toute liberté disparait. Le comble est que, des dizaines d'années après les totalitarismes fasciste et "communiste", le totalitarisme marchand apparaisse encore comme un mieux, un moindre mal, donc une réalité acceptable. Il est temps de comprendre qu'il n'y a pas de liberté sans partage, de liberté sans hospitalité. Elle n'est sinon qu'un leurre tout aussi dangereux qu'une franche dictature.



Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

dimanche 19 décembre 2010

Les moyens de la surveillance

Méfie-toi; je t'ai à l'œil...!


Cet article fait suite à celui du 4 décembre 2010 qui a pour titre : Société de surveillance, de culpabilité, de sanction.


Les familles de systèmes de surveillance sont au nombre de quatre : la surveillance, le fichage, le traçage et le dénominateur commun aux trois : le profilage.


La surveillance :

La caricature de la surveillance est la caméra vidéo.

La vidéo surveillance, appelée vidéo protection, voire vidéo tranquillité ou vidéo confort, dans le détournement de langage orwelien, très à la mode, présente des intérêts dans certains cas, dans des endroits clos - parking, quai de gare, banques - ou pour assurer la sécurité des usagers - autoroutes, nœuds routiers, etc.

Mais pourquoi enregistrer les images ?

Comme tous les rapports européens concernant ce moyen de surveillance, un rapport de l’INHES - Institut National des Hautes Etudes de Sécurité – de mai 2008 confirme que la vidéo surveillance n’apporte pas de sécurité à priori mais permet seulement quelquefois d’écourter les enquêtes à posteriori.

Il existe deux types de surveillance vidéo :

L’une où les images ne sont pas enregistrées, ni conservées dans des traitements informatisés ou des fichiers structurés qui permettent d’identifier des personnes physiques. C’est le cas des caméras de circulation automobile ou de sécurité sur les quais du métro.

L’autre enregistre et traite les images collectées par les techniques numériques en vue de constitution de bases de données.

Le Royaume-Uni et ses 4 millions de caméras constituent le terrain d’expérimentation privilégié des chercheurs qui s’acharnent à démontrer, preuves en main, l’inefficacité patente de la vidéo surveillance pour lutter contre la criminalité.

Un rapport du ministère de l’intérieur britannique pointe trois faiblesses des dispositifs : la mise en œuvre technique, la disproportion des objectifs assignés à la technologie et le facteur humain.

En dehors de la disparité déraisonnable du rapport coût de mise en œuvre et d’exploitation/résultat, le facteur humain reste l’élément le moins efficient. Les salles de contrôle sont l’élément de la chaîne où se joue l’efficacité du système, or le nombre d’écrans ne correspond pas toujours au nombre de caméras, et il est illusoire de penser qu’un opérateur puisse surveiller plus d’un écran à la fois. Un opérateur anglais se confie en disant « Je ne peux pas vous dire combien de choses on a raté pendant qu’on ne regardait pas les autres écrans. Des vols de voitures, des effractions se sont passées, pendant qu’on visionnait d’autres caméras. C’est énervant ».

Le visionnage des images est fonction des préjugés sur le caractère à priori délictueux de certaines attitudes, mais surtout de certaines populations. Une étude révèle que 86 % des individus surveillés ont moins de 30 ans, que 93 % sont de sexe masculin, et que les individus noirs ont deux fois plus de chance de faire l’objet d’une attention particulière, ce qui constitue une discrimination complémentaire d’une population déjà en situation précaire et une atteinte caractérisée aux droits fondamentaux.

Le raffinement suprême est atteint par la petite ville de Middlesborough (Royaume-Uni) qui utilise des caméras parlantes, reliées à des logiciels de reconnaissance du comportement, ces caméras caractérisent les comportements « dits normaux ». Ce concept de normalité construit sur des bases discutables avait conduit la police anglaise à assassiner, en application du "principe de précaution", un ressortissant brésilien après les attentats de Londres de juillet 2005. Ce pauvre Brésilien qui arrivait tout juste de l’hémisphère sud n’avait que le défaut de porter un pardessus, un 5 juillet, or pour un fonctionnaire de police anglais, un pardessus, le 5 juillet, est destiné à cacher des bombes.

En conclusion, la vidéo-surveillance, qui rate son objectif avoué, dissuader et détecter les délits, est surtout un marché lucratif de normalisation et de contrôle des pauvres.

D’autres technologies concourent aussi à la surveillance : le bracelet électronique des détenus en liberté conditionnelle, les technologies de géolocalisations, (GPS), etc.

Je ne m'en fiche pas...

Le fichage :

Ficher, c’est collecter des informations et les stocker dans d’énormes bases de données informatiques en vue :

- de gérer (exemple : les fichiers de la sécurité sociale ou des caisses de retraites, etc.),

- de renseigner (les fichiers des renseignements généraux, EDVIRPS, SIS, etc.)

- d’enquêter et de sanctionner (les fichiers STIC, FNAEG, etc.)

- de profiler des citoyens (les fichiers d’Etat : EDVIRPS, ELOI, etc.) ou des individus (fichiers marchands)

On recense trois familles de fichiers :

- Les fichiers de polices : STIC, FNAEG, EDVIGE, etc.

- Les fichiers administratifs : Bases Elèves, fichiers des banques, des impôts, etc

- Les fichiers marchands au nombre de 3,5 à 4 millions.

Les fichiers de police sont un iceberg dont on ne connaît, bien entendu, que la face visible, le rapport BAUER en 2007 en recensait déjà 36 aujourd’hui, au moins 70, dont deux enfants d’EDVIGE.

L’exemple le plus caricatural des dérives du fichage policier est celui du STIC. Créé en 1985/1990 dans le plus grand secret, l’existence du STIC, Système de Traitement des Infractions Constatées, ne fut révélée au grand public qu’en 2003. Un récent contrôle des services de la CNIL sur ce fichier a dévoilé les profondes anomalies de ce système. On y trouve mélangés, les victimes et les justiciables, ce qui représente au 1er janvier 2009 la bagatelle de 35 millions de Français. Faute de moyens, de volonté et de temps, les mises à jour ne sont pas faites par les procureurs de la République, et la CNIL a constaté que 50 %, environ des informations contenues dans le fichier sont erronées.

Autre exemple, le FNAEG : Ce fichier était à l’origine en 1998 destiné aux fichages des délinquants sexuels et concernait environ 1500 individus, alors qu’aujourd’hui 1,5 million de personnes sont fichées. De modifications en 2001 en modifications en 2003 puis 2004, présentées comme essentielles au contrôle et à la protection de la sécurité nationale, presque tous les crimes et délits ont été intégrés, justiciables comme suspects, et les données conservées pendant une période allant de 25 à 40 ans.

Ainsi, aujourd’hui tout citoyen peut se faire prélever son ADN lors d’une garde à vue, pour un simple chapardage comme pour de simples soupçons. Bizarrement, les délits financiers et politiques ne sont pas concernés par ce fichage.

Comme un rideau de fumée, on agite les fichiers de police, pourtant les fichiers administratifs collectent aussi des données privées et personnelles. Le fichier des impôts, croisé depuis 1999 avec le NIR (numéro de sécurité sociale), connaît tout du citoyen, son identité, son patrimoine, sa situation personnelle, ses revenus, etc.

Les fichiers des banques qui connaissent comme les impôts tout de nous, et même des éléments de notre santé pour l’octroi d’un prêt ; bizarrement, ces fichiers bancaires privés sont interconnectés avec le fichier central de la banque de France qui est un fichier institutionnel.

Les fichiers de l’éducation nationale qui recensent les enfants depuis l’école maternelle et leur attribuent un Numéro d’Identifiant Elève qu’ils garderont durant toute leur scolarité et même au delà. Etc.

Enfin les fichiers marchands, au nombre d’environ 3,5 à 4 millions. Ils sont le noyau dur du fichage, ils sont alimentés par les traces que nous laissons volontairement à l’occasion de transaction avec les commerçants (cartes de chaînes de supermarchés, cartes de fidélité) ou involontairement lors de nos connections sur le Web (courrier électronique, signature de pétition, connections à des sites spécialisés).

Les fichiers du secteur marchand sont opaques, peuvent être copiés, et changer de mains. Ces fichiers sont créés dans un but purement commercial et sont source de profits très fructueux.

On ne peut pas parler fichier sans évoquer le web, outil capable du meilleur, mais aussi du pire.

Souvent et pour les plus jeunes d’entre nous toutes les barrières d’inhibition tombent, (voir facebook et les blogs personnels), chacun se dévoile, mais livre aussi aux puissants moteurs de tri des informations de la sphère privée qui peuvent alimenter des fichiers et être utilisé à but mercantile ou contre le rédacteur.

Une mesure sur le pouce...

Le traçage :

Les outils du traçage sont les RFID, le passeport biométrique, les supports de télépéage, le passe navigo, la carte bleue, le téléphone portable, le GPS, etc. et les technologies se développent rapidement.

Les RFID – Radio Frequency Identification – sont ces puces dites intelligentes d’une petite taille que l’on trouve sur le PASS NAVIGO, maintenant sur le passeport biométrique et sur les produits vendus dans les hypermarchés. C’est aussi le système remplaçant le tatouage pour les animaux domestiques : La puce injectée aux animaux est une RFID.

C’est « sans contact », donc à l’insu de la personne, la possibilité sur quelques millimètres carrés de tout suivre, pister, détecter, contrôler, surveiller électroniquement. Leur détection est de quelques centimètres, voire de quelques mètres actuellement, mais demain plusieurs dizaines de mètres.

Les utilisations sont vastes et variées :

Le dispositif « Person Tracking Unit » d’IBM permettant de scanner les étiquettes sur les éléments d’une foule pour suivre les mouvements dans les lieux publics.

Les billets de la Coupe du Monde 2006 avec mouchard pour faciliter le suivi des supporters.

Les bibliothèques où l’enregistrement de l’emprunt des livres se fait par RFID au passage du portique de sortie.

Les collèges américains où l’on contrôle la présence et le comportement des élèves par leur carte électronique.

Mais encore :

Le suivi des bagages dans les aéroports ;

L’identification des véhicules, des produits de luxe et des médicaments (lutte contre la contrefaçon) ;

L’ouverture contrôlée des portes électroniques ;

Le remplacement des badges ;

La traçabilité alimentaire ;

L’identification des animaux et des humains, pourquoi pas.

Pour généraliser, d’ici à 2015, chacun des environs 50 000 milliards d’objets de la vie quotidienne vendus journellement seront munis d’une puce RFID.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) estime que ces technologies de radio-identification permettent potentiellement le « profilage » des individus et font par conséquent peser un risque particulier. Selon la CNIL, la solution consisterait à neutraliser la puce RFID une fois l’objet acheté.

A l’évidence, dans le domaine du contrôle social, cette révolution technologique pose la question du respect de la vie privée. Les applications multiples liées à la miniaturisation nanométrique – des RFID de la taille de la poussière, par exemple – couplées à l’informatique, peuvent faire redouter une société de surveillance totale où les moindres faits et gestes d’un individu sont épiés et enregistrés à son insu.

Sans réaction vigoureuse de la classe politique et des contre-pouvoirs citoyens, les RFID auront, dans les toutes prochaines années, les conséquences les plus contraignantes en terme de droits fondamentaux.

Ces technologies sont surtout un puissant moteur de développement industriel et engendrent des profits importants. Ce pactole ne manque pas d’attirer les grands groupes agroalimentaires, les entreprises militaro-industrielles, les laboratoires médicaux qui sont prompts à faire miroiter les bienfaits en omettant, jusqu’au mensonge, d’évoquer des risques pour l’instant mal cernés et l’on peut donc s'attendre à des pressions industrielles et financières importantes : prendront-elles en considération le respect des libertés individuelles et collectives ?

A titre indicatif, la valorisation du marché des nanotechnologies est estimée à 1200 milliards d’euros en 2015.

Il est, par ailleurs, impossible de parler du traçage des individus sans évoquer la biométrie et l’ADN.

La biométrie est une technique globale visant à établir l'identité d'une personne en mesurant une de ses caractéristiques physiques.

Les techniques :

- Les empreintes digitales : la donnée de base dans le cas des empreintes digitales est le dessin représenté par les crêtes et sillons de l'épiderme. Ce dessin est unique et différent pour chaque individu.

- La géométrie de la main / du doigt : ce type de mesure biométrique est l'un des plus répandus, notamment aux Etats Unis.

- L'étude de l'iris de l’œil.

- L’étude de la rétine : cette mesure biométrique est plus ancienne que celle utilisant l'iris, mais elle a été moins bien acceptée par le public et les utilisateurs, sans doute à cause de son caractère trop contraignant

- L’étude du système et de la configuration des veines : cette technique est habituellement combinée à une autre, comme l'étude de la géométrie de la main.

- La dynamique des frappes au clavier d’ordinateur.

- La reconnaissance vocale.

- La dynamique de la signature.

Par ailleurs, il existe d’autres techniques en cours de développement à l'heure actuelle : parmi celles-ci, citons la biométrie basée sur la géométrie de l'oreille, les odeurs, les pores de la peau et les tests ADN.

La biométrie présente l’inconvénient majeur qu’aucune des mesures utilisées ne se révèle être totalement exacte : Tout être vivant s'adapte à l'environnement, vieillit, subit des traumatismes plus ou moins importants, bref évolue et les mesures changent.


Le profilage :

Profiler est le besoin impérieux qu’ont les pouvoirs gouvernementaux et le secteur marchand et c’est la somme des agissements énumérés ci-dessus : SURVEILLER + FICHER + TRACER.

Le sens de ce verbe, qui nous vient de l’anglais, est « le fait d’établir à partir d’indices liés à un acte criminel le profil psychologique de son auteur. »

Aujourd’hui comme nous l’avons vu, par un glissement paranoïaque, la société considère tout individu comme potentiellement dangereux et cet axiome amène les gouvernements à tenter d’établir le profil psychologique de tous les citoyens pour déterminer leur potentiel de nuisance.

En parallèle à cette frénésie, le secteur marchand « profile » le consommateur dans le but de lui vendre un maximum de produits, mais aussi de le manipuler aux travers les médias et la publicité.

La caricature du profilage est le PNR « Passenger Name Record ».

Ce système fait obligation aux compagnies aériennes opérant des vols à destination ou transitant par les Etats-Unis et bientôt vers l’Europe, de transmettre aux services des douanes les données personnelles des passagers et membres d’équipage.

Les données sont au nombre de 34 et beaucoup d’informations sont personnelles et d’ordre privé :

Modes de paiement - Adresse de facturation - Numéros de téléphone - Adresse électronique - Observations générales - Données SSI/SSR : il s’agit des demandes relatives à des services spécifiques, ce point fait beaucoup débat car il fait référence à des demandes particulières (repas sans sel ou sans porc, par exemple)

Les raisons invoquées pour sa mise en place, manifestement normales au regard des événements, tendent cependant à devenir la légitimation d’un déploiement fou de mesures de sécurité, tenant plus de la manie de la persécution que d’une réponse à des menaces probables.

La collecte de ces données et leur moulinage informatique permettent de « profiler » les futurs passagers et de dresser la « No fly list » et la « Selectee list » qui empêchent certains passagers de voyager via ou à destination des Etats-Unis et qui en soumettent d’autres à des examens intensifs.

Fait inquiétant, les décisions sont prises sur la base de critères secrets et très irrationnels.

Il n’existe par ailleurs aucune référence au « Privacy Act » de 1974, ni aucune mention du droit des individus fichés, notamment pour ce qui concerne le droit d’accès et de rectification.


CONCLUSIONS PROVISOIRES

C’est le développement anarchique de toutes ces technologies, sans réflexion citoyenne et axées essentiellement sur le profit qui pose problème, pas les technologies elle-mêmes.

Cette surveillance, ce fichage, ce traçage, ce profilage que l'on peut sans exagérer penser qu’ils sont, ou qu’ils seront à terme généralisés, est la conséquence d’un changement fondamental de paradigme.

De la primauté de la présomption d'innocence, il instaure la présomption de culpabilité.

Sa logique purement policière est claire : tout suspects donc tous surveillés, fichés, tracés.

Ses promoteurs poussent même cette logique jusqu'à vous expliquer que ces systèmes sont un progrès puisque accusés à tort nous pourrions ainsi plus facilement être disculpés.

Les intérêts privés du système financier et les paranoïas, les tentations autoritaires des gouvernements se conjuguent. Cette société capitaliste, néolibérale, dont le seul crédo est la recherche de profits rapides et faciles représente un danger pour les libertés et les droits fondamentaux de la majorité de la population. Il est indispensable et urgent de dénoncer avec force ces dangers et de savoir dans quelle société nous voulons vivre demain.

Il est à craindre que le totalitarisme, de sinistre mémoire, soit en marche ; dans tous les cas, sans une remise en cause profonde de cette société, l’avenir est hypothétique, préoccupant et sombre.




Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux