vendredi 28 février 2020

LA RECONNAISSANCE FACIALE MISE EN ECHEC.

Dans un blog du 29 décembre 2019 1, j'avais attiré l'attention sur les dangers et les risques graves d’atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles de la reconnaissance faciale.
Je me réjouis, aujourd'hui, que le Tribunal administratif de Provence-Alpes-Côte d’Azur ait jugé dans le même sens en annulant une décision du Conseil Régional Sud.
Voici ci-dessous le communiqué de la Ligue des droits de l'Homme à ce sujet.

Jean-Claude VITRAN


Par une délibération du 14 décembre 2018, le Conseil Régional Sud (ex Provence-Alpes-Côte d’Azur) a autorisé une expérimentation de reconnaissance faciale dans deux lycées de Marseille et Nice. Cette expérimentation devait être entièrement financée par l’entreprise américaine Cisco, qui profite ici de la politique sécuritaire des élus locaux pour tester ses technologies de surveillance. L’objectif affiché par le Conseil Régional, et en particulier par son Président Renaud Muselier, était clair : étendre, au terme de cette expérimentation, ce dispositif à l’ensemble des lycées de la région.
Le 19 février 2019, la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) avec la Quadrature du Net, la CGT Educ’Action des Alpes-Maritimes et la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) des écoles publiques des Alpes-Maritimes ont déposé un recours devant le tribunal administratif de Marseille pour demander l’annulation de la délibération du Conseil Régional, en s’appuyant essentiellement sur le règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) : absence d’analyse d’impact en amont du processus, absence de cadre juridique à la reconnaissance faciale, traitement des données biométriques manifestement disproportionné par rapport à l’objectif poursuivi.
En octobre 2019, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) avait émis un avis très critique insistant sur le fait que « les traitements de reconnaissance faciale sont des dispositifs, de nature biométrique, particulièrement intrusifs qui présentent des risques importants d’atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles des personnes concernées ».
Par un jugement rendu ce 27 février, le Tribunal administratif a reconnu la pertinence des requêtes et a décidé d’annuler cette délibération.
La juridiction administrative a retenu l’incompétence du Conseil Régional pour mettre en place une telle expérimentation dès lors que seuls les chefs d’établissements scolaires sont compétents en matière de missions d’encadrement et de surveillance des élèves.
Le Tribunal a jugé aussi que la région, en se contentant de recueillir le consentement des lycéennes et lycéens ou de leurs représentants légaux par la signature d’un simple formulaire, ne donnait pas les garanties suffisantes pour un consentement libre, spécifique, univoque et éclairé à la collecte de leurs données personnelles (qui plus est des données biométriques) et que la région n’établit pas que les finalités poursuivies (fluidifier et sécuriser les contrôles à l’entrée des lycées) n’auraient pas pu être atteintes par des mesures moins excessives.
La LDH salue cette décision qui vient bloquer une stratégie politique de surveillance généralisée des lycéennes et lycéens par des outils toujours plus disproportionnés au mépris des libertés publiques.

Paris, le 27 février 2020

lundi 3 février 2020

Pour l'interdiction des techniques d'immobilisation mortelles et des armes de guerre en maintien de l'ordre.


Paris, le 31 janvier 2020

Appel soutenu par la LDH

Appel des familles contre l'impunité des violences policières. Pour l'interdiction des techniques d'immobilisation mortelles et des armes de guerre en maintien de l'ordre.

Cédric Chouviat est le premier mort de l'année à cause de violences policières. Sera-t-il le dernier de la longue liste des personnes tuées par les forces de l'ordre ? Les statistiques des années précédentes nous font craindre que ce ne soit pas le cas.Vingt-six décès en 2019, combien en 2020 ?
Nous apportons tout notre soutien et notre entière solidarité à la famille de Cédric pour qu'elle obtienne la paix et la justice qu'elle demande.
Car c'est aussi notre histoire. La vérité, la justice et la paix, c'est aussi ce que nous demandons pour Lamine Dieng, 25 ans, décédé à la suite d'une clé d'étranglement et d'un plaquage ventral, tout comme Adama Traoré, 24 ans, Aboubacar Abdou, 31 ans, Abdelhakim Ajimi, 22 ans, Abou Bakari Tandia, 38 ans, Ricardo Barrientos, 52 ans, Mohamed Boukrourou, 41 ans, Massar Diaw, 24 ans, Philippe Ferrières, 36 ans, Mariame Getu Hagos, 24 ans, Serge Partouche, 28 ans, Wissam El Yamni, 30 ans, Abdelilah El Jabri, 25 ans, Amadou Koumé, 33 ans, Mamadou Marega, 38 ans, Mohamed Saoud, 26 ans, Ali Ziri, 69 ans, mort après un « pliage » , Abdelhak Goradia, 51 ans, décédé par asphyxie dans un véhicule de police... et des dizaines d'autres : « malaise cardiaque », « asphyxie », « mort naturelle », sans autre détail communiqué aux familles. Ce 3 janvier 2020, c'est Cédric Chouviat qui est décédé par asphyxie, après une clé d'étranglement et un plaquage ventral.
Les témoins de cette interpellation ont confirmé ce que nous dénonçons depuis toujours : l'utilisation délibérée par les agents des forces de police de techniques extrêmement violentes et « potentiellement létales », selon la dénomination officielle. Clé d'étranglement, plaquage ventral et pliage, ces trois pratiques ont pour but d'immobiliser une personne en lui comprimant le thorax et le cou pour entraver la respiration. Mais, plus la compression dure, plus l'interpellé manque d'oxygène et plus il se débat. Et plus les agents renforcent leur pression. Et plus cette violence tue.
Malgré les condamnations répétées de la France par la Cour européenne des droits de l'homme et par l'ONU, ces techniques continuent d'être pratiquées et de causer la mort. Malgré la condamnation de ces usages par la Ligue des droits de l'homme, Amnesty International et Action des chrétiens pour l'abolition de la torture, l'État se contente de justifier le « travail » de ses agents.
Comme la femme, les enfants et le père de Cédric, nous avons fait confiance à la justice de notre pays. Mais notre expérience pour que la vérité soit faite sur les violences qui ont tué nos proches nous a fait découvrir la réalité d'un déni de justice systématique pour les victimes. Un déni entretenu par une véritable culture du mensonge qui entraîne une culture du non-lieu.
La famille Chouviat a déjà subi le même traitement de la part des autorités que celui que nous avons connu : non-information des proches, puis mensonge sur les causes de la mort, mépris de toute compassion élémentaire, tentative de criminaliser la victime pour la déshumaniser et maintien en activité des responsables de la mort d'un homme. Autant de souffrances, d'insultes, de calomnies qui s'ajoutent à la douleur des familles.
Ces contre-vérités des premières heures justifient des années de procédures interminables, d'enquêtes administratives et d'instructions bâclées, voire conduites à charge contre les victimes et leur entourage. Et bien sûr des frais de justice considérables. C'est tout un système auquel sont confrontées les victimes et leurs familles, qui révèle une impunité permanente des membres de forces de police qui blessent, mutilent et tuent. C'est une violence judiciaire qui excuse, absout et prolonge les violences policières.
Ces brutalités permanentes étaient auparavant « réservées » aux habitants des quartiers populaires, comme le Mouvement de l'immigration et des banlieues le dénonçait il y a plus de vingt ans. Aujourd'hui, elles débordent dans les centres-villes. Et tous les témoins du déchaînement furieux de la force publique contre les mouvements sociaux peuvent désormais comprendre la violence d'État qui nous est imposée.
Cette violence assermentée, à présent visible jusque dans les quartiers bourgeois, est également celle des armes classées armes de guerre, là aussi d'abord utilisées dans nos quartiers. Le Flash-Ball est apparu en 1999. Et il a aussitôt éborgné Ali Alexis, à Villiers-sur-Marne. Cette arme a été remplacée par le LBD, qui a été « inauguré » en 2007, à Villiers-le-Bel, pour mater la révolte des habitants après la mort de Moushin et Laramy, percutés par un véhicule de police. Et les grenades comme celle qui a tué Rémi Fraisse, en 2014, ou celle qui a tué Zineb Redouane en 2018, comme celles qui ont mutilé des dizaines de personnes et grièvement blessé des centaines d'autres lors des dernières manifestations, sont les mêmes qui explosent dans nos quartiers depuis presque dix ans.Ce ne sont pas des « bavures » ni des « dérapages », mais des pratiques régulières autorisées par un État qui assume de pouvoir blesser grièvement, mutiler ou tuer un homme pour un contrôle d'identité.
C'est pourquoi nous exigeons :
– L'interdiction totale de l'usage par les forces de l'ordre de toutes les techniques d'immobilisation susceptibles d'entraver les voies respiratoires.
– L'interdiction totale des armes de guerre en maintien de l'ordre (LBD, grenades GMD, GM2L et similaires).
– La création d'un organe public indépendant de la police et de la gendarmerie pour enquêter sur les plaintes déposées contre les agents des forces de l'ordre.
– La mise en place d'une réglementation qui associe la famille dès le constat de décès (autopsie autorisée seulement après un entretien de la famille avec les services de la médecine légale).
– La publication chaque année par le ministère de l'Intérieur :
• du nombre de personnes blessées ou tuées par l'action des forces de l'ordre,
• du nombre de plaintes déposées pour violence par les forces de l'ordre,
• du nombre de condamnations prononcées.

Lire l'appel dans L'Humanité et retrouver la liste de ses signataires et soutiens.

Et nous vous appelons toutes et tous à nous rejoindre le 14 mars,
à Paris, pour la marche de la Journée internationale contre les violences policières.

Pour nous soutenir, signez l'appel sur change.org/LaissezNousRespirer