Les
législatives, inséparables des présidentielles
Le
point au 9 mai 2017. Note 59. À J-40.
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
continuerons d'analyser l'évolution de la situation politique. Aux
notes antérieures, datées, numérotées et modifiables,
s'ajouteront les suivantes jusqu'au 18 juin. La lecture complète du
résultat des présidentielles ne s'effectuera qu'après les
législatives. Fin juin 2017, nous regrouperons, en un seul et même
document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer
cette activité politique chronologique.
1
- La Constitution voulue par de Gaulle n'envisageait aucune
possibilité de cohabitation.
Après
1969, la France a vécu dans le cadre institutionnel d'une
Constitution « arrangée ». Il était impensable donc
impossible, pour De Gaulle, que le président de la République soit
désavoué par le peuple français. Il a quitté le pouvoir aussitôt
après l'échec du référendum qu'il avait soumis au pays. Il est
d'ailleurs mort sans avoir vu « les aménagements » qui
ont permis à deux de ses successeurs de garder le pouvoir après
l'avoir perdu. Mitterrand, puis Chirac, ont interprété les
institutions et les ont politiquement adaptées afin que, même sans
majorité parlementaire, elles puissent autoriser cette juxtaposition
de la droite et de la gauche au sein d'un gouvernement curieusement
bicéphale que les chefs de gouvernement de nos voisins européens,
interloqués, observaient avec respect et politesse, mais non sans
estimer qu'il s'agissait d'une incongruité politique. La
Constitution de la Vème République a cessé d'être
gaullienne le jour même où le premier ministre a cessé d'être
dépendant du Président de la République.
Allons-nous
connaître la répétition de ce système de co-gouvernance appelé
cohabitation ?
Bien
entendu, tout se complique si les élections suivent l'élection
présidentielle ! Quand le quinquennat a remplacé le septennat,
on a cru que la même durée de mandat pour les députés et le
Président de la République garantissait la stabilité
gouvernementale et empêchait, de fait, la cohabitation. Et voilà
que l'effondrement des deux partis installés dans une alternance
institutionnelle, (« Les républicains » et le PS),
incapables de désigner un candidat pouvant l'emporter lors de
l'élection présidentielle de 2017, rend possible que le Président
élu ne dispose pas d'une majorité sûre et stable. Ce serait inédit
mais nous avons connu tant de surprises au cours de la dernière
campagne présidentielle qu'il n'est ni vain ni stupide de
l'envisager. Au reste, deux formations ne cachent pas leur volonté
de tenter aux « troisième et quatrième tour » de
scrutin, donc aux législatives, afin d'accéder à la direction des
affaires du pays. Leurs responsables croient y parvenir, grâce à
cette cohabitation nouvelle et jamais encore connue aussitôt le
président élu ! Il s'agit des « Républicains » et
de « La France insoumise », ayant obtenu plus
de sept millions de suffrages et pouvant espérer être qualifiés
pour entrer à l'Hôtel Matignon. Cette éventualité, encore une
fois peu vraisemblable mais non impossible, repose, évidemment, la
question du renouvellement des institutions de la Vème
République, question que les candidats Hamon et Mélenchon avaient
été les seuls à évoquer et à considérer comme une urgence
politique majeure.
Allons-nous
nous nous retrouver dans une conjoncture où, comme dans le film Le
Guépard, de Lucchino Visconti, (1963), nous constaterions,
amers, qu'«il aura fallu tout changer pour que rien ne change»1.
Ce ne serait pas la première
fois qu'il y aurait consensus pour procéder à des changements jugés
indispensables mais vite masqués et, en réalité, jamais
effectués ! La sortie de la Vème
République risque de constituer un projet avorté et que l'élection
d'Emmanuel Macron reporterait aux calendes grecques.
2
– Macron veut-il changer la République française mais sans
pouvoir le faire ?
Emmanuel
Macron, le dauphin de Hollande (qui en doute à présent ?),
va-t-il, à son tour, se trouver dans l'incapacité de mettre
œuvre les engagements qu'il a pris comme candidat ? La
bonne nouvelle est que tout dépendra du Parlement (Sénat y
compris). Ce retour vers un régime « plus parlementaire »
n'a rien de choquant et, au contraire, devrait ramener la France
vers ce qui est banal dans le reste de l' Europe : un
gouvernement contrôlé par le Parlement et non l'inverse !
Ceci constaté, tout n'est pas dit.
La
loi électorale inchangée va, de nouveau, engendrer un hiatus
entre l'audience du Front national et sa représentation. Si le
FN ne peut être interdit alors, il doit, et ce serait le
meilleur moyen de l'affaiblir, être traité comme tous les
partis, pour mettre en évidence, à l'Assemblée Nationale, ses
contradictions au lieu de le laisser mener, seul, une politique
de terrain où il peut cultiver les rancœurs et les colères
des nombreux citoyens en détresse !
La
loi électorale inchangée va permettre aux partis traditionnels
éliminés de redresser la tête et aux « combinaziones »
de se développer pendant l'entre-deux tours, voire
avant. L'introduction de la proportionnelle partielle ou
complète, viendra trop tard pour refléter la volonté
populaire dans ses nuances ou ne viendra pas ! La Vème
République n'est plus adaptée à ce que devient la République
tout court. Sans rénovation elle continuera d'interdire les
changements attendus.
Si
changement il devait y avoir, il serait constitutionnel, social,
économique et écologique tout à la fois. On ne voit pas
Emmanuel Macron prêt à diriger le pays dans ces voies. « Le
changement dans la continuité » ce vieux slogan de
Georges Pompidou, en 1969, est, désormais, usé, inemployable
et mensonger. Il faut opérer un changement dans le changement.
Le nouveau Président ne semble pas équipé (ni soutenu) pour
offrir à la France ce nouvel horizon dans un monde qui évolue
plus vite que nous.
|
3-
Manuel Valls est le révélateur, aujourd'hui même, d'une volonté
de trahison du socialisme.
L'ancien
Premier Ministre a le mérite de dire ce qu'il pense. Il n'est pas,
il n'a jamais été un socialiste convaincu. Il abandonne le navire
PS, qui prend l'eau, et se tient prêt à être le candidat de La
République En Marche lors des prochaines législatives. Encore
faut-il que sa candidature soit agréée dans les deux jours à venir
et, surtout, qu'il soit élu et dans sa bonne ville d'Évry, et ce
n'est pas encore fait au vu des résultats du premier tour des
présidentielles... En outre, il représente, plus encore que
Hollande, l'échec du quinquennat qui s'achève et ce n'est pas
l'image politique la plus dynamique pour le président Macron, lequel
réglera donc lui-même, sans doute, le cas Valls. Il a, ou n'a pas,
intérêt à l'accueillir, mais, s'il le fait ce sera en dépassant
des tensions anciennes quand l'ex ministre, Macron, dépendait encore
du Chef du gouvernement, Valls. En fait c'est toute la question du
sort des ralliés venus du PS qui va se trouver ainsi traitée.
Cet
abandon du PS est peut-être motivé par un souci de carrière mais
il vaut mieux porter plus haut et plus loin le regard : si
Manuel Valls s'est non seulement sorti du PS mais en a été sorti
(on parle de son exclusion), alors ce n'est plus qu'un avatar :
celui du débat autour de la transformation ou pas, à l'italienne,
d'un parti jadis révolutionnaire, en parti gestionnaire, acceptant
volontiers les contraintes du libéralisme économique. C'est ce qui
nous est chaque jour mieux révélé, la conséquence d'un conflit
général (et pas seulement français) entre ceux qui font, comme Benoit Hamon, de la
dynamique écologique la force de l'action sociale fondamentale
contemporaine et ceux qui n'en veulent pas entendre parler.
Le PS, en sandwich entre la « La
République en marche
et la
France insoumise,est
en grand danger de réduction drastique. S'il suit la ligne Valls, il
disparaîtra comme force autonome. S'il suit la ligne Hamon, qui
préconise « un maximum de candidatures
d’union à gauche », il
lui faudra associer son sort à la gauche multiforme qui subsiste et
donc accepter un temps de passage, plus ou moins long, dans une
situation minoritaire. C'est une alternative cruelle pour ceux qui
fréquentaient, hier encore, les palais de la République.
4
- Les masques vont tomber l'un après l'autre.
La
potion Macron rend tout le personnel politique malade y compris au
sein d'En Marche. Fini
le temps du « et à droite et à gauche ». Le choix des
collaborateurs, l'annonce des premières mesures envisagées en dit
déjà plus que durant la campagne électorale. Il devient évident
que la politique du Président élu est de centre droit. C'est ce que
souhaitait Bayrou ; c'est ce que les Républicains ( de Sarkozy
à Fillon) repoussaient ; c'est ce que les dirigeants du PS
espéraient mais sans oser le dire clairement car il y craignaient
d'y perdre l'identité du parti.
Les
grenouilles s'agitent dans le bocal depuis que la sauce électoraliste
chauffe. Où aller ? Que choisir ? Que penser ? Les
recompositions et les refondations mettent en difficulté tous ceux
qui ne savent comment exprimer leur nouveau positionnement pour
et
contre. Les pages se tournent plus vite que ne le voudraient les
protagonistes qui vont avoir à changer les orientations, les
instances et les statuts des organismes au sein desquels ils avaient
l'habitude d'agir.
Nous
allons probablement y gagner, du moins, nous l'espérons. Les évolutions qui commencent à se produire
devant nous, et qui se multiplient, vont nous éclairer et,
peut-être, faire tomber des écailles des yeux des naïfs. Nous
traversons une période d'émergence de vérités politiques
dissimulées. C'est le grand intérêt de ce que nous vivons depuis
des mois et qui ne va pas davantage cesser le 18 juin qu'il n'a pu se
calmer le 7 mai au soir. Nul ne sortira indemne de ce moment
politique fort qui nous a conduit à réviser notre pratique de la
citoyenneté.
Le
seul mérite que je reconnais à Emmanuel Macron, c'est celui
d'avoir, mais plus par ce qu'il est que par ce qu'il dit, fait donner
un grand coup de balai dans la fourmilière politicienne. Si
changement il y a, il est générationnel et pas seulement à cause
de l'âge des acteurs politiques, à cause surtout de l'apparition
d'un neuf, celui de la génération des acteurs, jeunes ou vieux,
qui font bouger la société et ne veulent plus subir les décisions
tombées d'en haut.
Et nous n'avons pas tout vu...
1-
Il Gattopardo,
roman posthume de
l’écrivain sicilien Giuseppe Tommasi di Lampedusa
(1896-1957), est paru en 1958 et a été publié en français dès
1959 au Seuil. Il a inspiré le film de Visconti. On attribue à
l'écrivain (Lampedusa) la phrase célèbre : «Il
faut tout changer pour que rien ne change».
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