Derniers
jours avant le deuxième tour des présidentielles.
Le
point au 4 mai 2017. Note 56. À J-3.
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
continuerons d'analyser l'évolution de la situation politique. Aux
notes antérieures, datées, numérotées et modifiables,
s'ajouteront les suivantes jusqu'au 6 mai et sans doute au-delà car
la lecture complète des présidentielles ne s'effectuera qu'après
les législatives. Fin juin 2017, nous regrouperons, en un seul et
même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour
effectuer cette activité politique chronologique.
Les
Français en ont assez. La politique les passionne mais pas cette
politique-là. Et si les abstentions, les blancs et les nuls
totalisaient plus que suffrages exprimés en faveur de Macron ou Le
Pen ? Cela ne changerait rien, certes, au résultat de
l'élection. Cela changerait tout au point de vue de la légitimité
réelle de l'élu.
1
– Un débat ennuyeux et sans hauteur de vue.
Je
ne me suis pas infligé le pensum de suivre ce duel qui nous avait
été présenté, à l'avance, par les médias, comme un « moment
historique ». Je n'en ai regardé que des extraits. J'ai suivi
les commentaires de journalistes qui, tout à coup, s'éveillaient et
constataient la médiocrité de cet affrontement. Cela m'a suffi.
Nous étions loin de l'histoire.
Si
révélation il y eut c'est que tous ceux qui ont jeté les Français
dans les bras de Macron ou bien trahissent ou bien se trompent. Je
me coupe politiquement à jamais des premiers : je veux, au
contraire, me rapprocher, si possible des seconds. Je ne confonds pas
le « Plutôt Macron que La France insoumise » des
uns, avec le « Tout sauf le FN », bien compréhensible,
des autres.
Maintenant
que l'on sait qu'Emmanuel Macron a toutes les chances de gagner,
débarrassons nous de nos peurs, y compris de la peur de l'idée même
que Marine Le Pen et ses séides auraient pu l'emporter.
Car,
parmi les enseignements tout de même de cette émission que nous
pourrons bientôt oublier, il faut retenir que les protagonistes
n'étaient pas à la hauteur de leur ambition présidentielle.
L'aisance orale masquait mal un manque de culture et de l'une et de
l'autre. Ce qui ne rassure pas.
D'autre
part, il n'a pas été question de ce qui fâche et ferait perdre des
voix, (on était loin du refus de la peine de mort de Mitterrand en
1981 !). Ainsi ne fut-il pas question ou si peu, d'écologie,
d'accueil des réfugiés, de reconnaissance de l'européanité des
Rroms, de la participation de la France à la préparation, au sein
de l'ONU, du traité d'interdiction des armes nucléaires et, plus
largement, de l'urgence de la lutte contre les inégalités violentes
qui deviennent une menace planétaire pouvant engendrer des conflits
abominables. Et j'en passe.
2
- Écarter le danger de l'élection de Le Pen n'est pas écarter le
danger des frustrations.
Comme
nous le rappelle le texte que nous avons republié hier, ce sont les
causes du succès relatif des Le Pen qu'il faut éliminer. Ce n'est
pas la personne de la candidate du FN qui attire vers elle mais bien
l'abandon social qui a plongé les plus faibles des Français dans la
désespérance et qui a conduit nombre d'entre eux à se dire :
« Plutôt essayer Le Pen que de continuer comme ça ! ».
N'est
pas Trump qui veut et il n'est pas vrai que ce qui s'est passé aux
USA est reproductible en Europe, ou du moins pas encore... La chute
des démocrates et de Hillary Clinton repose sur cette conviction
très ancienne selon laquelle plus les riches s'enrichissent plus ça
rapporte aux pauvres. Giscard d'Estaing, déjà, en avait tenté la
démonstration « au coin du feu ». Eh bien, c'est faux
car, pour élargir les profits, vient un moment où il faut aller
chercher dans les poches (nombreuses) des modestes et même des
citoyens des classes dites moyennes. Si nous ne sortons pas de cette
fausse évidence, nous ferons monter nous-mêmes partout les
nationalismes. Il n'y a plus de démocratie quand on renonce à
rechercher l'égalité, car il n'y a pas de liberté réelle sans
égalité et ne parlons pas de fraternité, au sens politique du
terme, car sans partage, c'est un vain mot. Sans mise en œuvre de la
devise républicaine, nous aurons, tôt ou tard, et quels que soient
ses acteurs, la droite la plus extrême aux commandes dans notre
pays.
3
- Si l'on ne dispose pas des moyens de dire non à une démocratie
factice que faire alors ?
Il
n'existe que trois voies, en France, pour sortir de cette impasse :
•
ouvrir le mode de scrutin à la diversité des réponses que les
citoyens ont le droit de donner. Il est devenu impossible, et la
présente expérience le prouve, d'utiliser le scrutin majoritaire à
deux tours avec élimination de toute candidature autre que celles
des deux candidats arrivés en tête ! Passe encore de ne
retenir que les candidats ayant dépassé un certain pourcentage des
inscrits, mais la bipolarisation restreint la liberté des électeurs
et n'est plus acceptable en ce siècle.
•
valider le bulletin blanc afin de permettre que les citoyens qui
refusent le choix offert puissent s'exprimer. Cela conduit,
certes, à renoncer au principe de l'élection du président avec une
majorité absolue garantie (en limitant les suffrages exprimés à
ceux qui portent un nom), mais l'autorité du chef de l'État, même
dans le cadre de la Ve, n'est pas celle d'un monarque et
subsiste en cas de majorité relative.
•
cesser de considérer l'abstention comme un désintérêt
politique. Les
pourcentages affichés, quand ils ne sont calculés que par rapport
aux votants et non aux inscrits masquent la signification du vote. En
outre, quand l'abstention prend une ampleur supérieure à celle des
suffrages exprimés porteurs d'un nom, il faudra bien admettre que
l'élection devient invalide !
In
fine, redonner goût à la politique suppose non de limiter mais
d'élargir la validité des comportements citoyens. Et, la logique
commande que dans une Europe politique qui ne soit plus la
juxtaposition des États mais leur coopération effective, on ne peut
maintenir, seulement en France, des modes de scrutins excluant le
recours à la proportionnelle. Espérons, une fois affaiblis les
partis traditionnels qui ne veulent rien changer à rien, qu'il
devienne possible de recourir à ce changement institutionnel
minimal.
La
campagne des présidentielles s'achève demain, celle des
législatives commencera, à n'en pas douter, dès le 7 mai au soir
... Utilisons ce temps pour penser l'après. Tout n'est pas joué,
fort heureusement. Et qu'il soit sorti de cette campagne, à la fois
médiocre et exaltante, matière à nous repositionner dans une
France qui n'est plus totalement figée, apporte quelque réconfort
en dépit de nos déceptions.
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