Les
législatives, inséparables des présidentielles
Le
point au 23 mai 2017. Note 68 À J-28.
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
continuons d'analyser l'évolution de la situation politique. Aux
notes antérieures, datées, numérotées et modifiables,
s'ajouteront les suivantes jusqu'au 18 juin. La lecture complète du
résultat des présidentielles ne s'effectuera qu'après les
législatives. Fin juin 2017, nous regrouperons, en un seul et même
document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer
cette activité politique chronologique.
Ce
jour nous impose de mettre d'abord en évidence deux menaces qui
interpellent tous les humains, mais qui ont été et restent peu ou
mal abordées au cours des campagnes électorales qui se suivent, au
cours de ce printemps 2017 :
1
• Après ce qui s'est passé, hier
soir, au terme d'un concert, à Manchester, il ne suffit plus de
condamner les terroristes et leur opposer la force des armes !
Comprendre le terrorisme, si l'on
veut l'éradiquer, est devenu « une priorité prioritaire ».
Nous y reviendrons par
une note, prochainement. Relevons seulement la nouvelle stupidité
proférée par Le Président des USA (en Arabie saoudite !) et
accusant le seul Iran islamiste de financer le terrorisme !
2
• Moins immédiatement choquante, mais
plus meurtrière encore, la boulimie énergétique, productiviste et
consumériste mènent l'humanité à sa perte. L'homo
sapiens pourrait disparaître d'ici cent ans estimait, dans une
interview accordée au quotidien national The Australian, et
publiée le 16 juin 2010, peu avant sa mort, à 95 ans, Frank Fenner,
professeur émérite de microbiologie à l'Université nationale
australienne,
Le
célèbre astrophysicien Stephen Hawking considère, lui aussi, que
la disparition de l'humanité devrait intervenir dans le siècle et
que rien ne pourra y changer. Il avance, pour cela, plusieurs risques
de portée planétaire : - une guerre nucléaire
; - une pandémie suite à l'apparition d'un virus génétiquement
modifié ; - la domination de l'espèce humaine par l'intelligence
artificielle ; -
l'épuisement des ressources de la planète incapables de satisfaire
une croissance démographique effrénée.
Ce
n'est pas là du catastrophisme, c'est une probabilité dont des
scientifiques en renom nous avertissent. Elle devrait nous mobiliser
totalement pour tenter d'y échapper, mais, de cela n'ont cure, ceux
qui, par leur inaction et à cause de leur cécité, nous conduisent
vers l'abîme. Cette autre « priorité prioritaire » ne
les habite pas car, sinon, il leur faudrait remettre en question
notre système économico libéral. Ce qu'à Dieu ne plaise,
pensent-ils !
3
• La vérité politique tombe-t-elle du ciel ?
Nos
institutions le permettent : toute la légitimité étant dans
le Président d'une République verticale, le Chef du gouvernement a
été désigné. Il propose, théoriquement, les noms des
ministres au Président qui les nomme, s'il en est d'accord. Le
Parlement n'aura pas, une fois élu, à confirmer ces nominations. Il
ne peut qu'approuver la politique mise en œuvre ou s'y s'opposer,
proposition de loi par proposition de loi... La démocratie à la
française est bel et bien descendante. Elle a son siège au Château,
le palais de l'Élysée. Mais de cela « la France des
Lumières », « la France des Droits de l'homme »,
« la France du Front populaire en 1936 », « la
France de la Libération en 1945 » y sont historiquement
opposées. L'Ancien régime monarchique qu'il soit royal ou
« républicain » a fait son temps et il va bien falloir
l'abandonner. Une France « de droite », banalisée,
camouflée ou pas derrière une présidence « et de droite et
de gauche », est anachronique. Et en prendre conscience au plus
vite constitue l'urgence démocratique du moment. Alors, que
voyons-nous ?
•
Nous voyons qu'une Assemblée nationale de 577 députés (c'est
trop !) va s'installer pour 5 ans, jusqu'à la prochaine année
d'élections présidentielle et législative associées, en 2022.
On en vient à espérer qu'une dissolution de l'Assemblée nationale
brise le rythme de ce calendrier infernal conçu pour faire des
députés des « godillots » comme l'on disait sous De
Gaulle.
•
Nous voyons que le Sénat est oublié. Et pourtant des
élections sénatoriales auront lieu dès le dimanche 24 septembre
2017 afin de renouveler la moitié des membres de la Chambre dite
haute. Ces élections
permettront d'élire les 170 sénateurs de la « série 1 » qui
comprend :
-
les sénateurs des départements dont le numéro est compris entre
37 (Indre-et-Loire) et 66 (Pyrénées-Orientales) ;
-
les sénateurs des départements d'Île-de-France ;
-
les sénateurs de certains territoires situés Outre-mer :
Guadeloupe, Martinique, Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon
et Nouvelle Calédonie
-
la moitié des douze sénateurs établis hors de la France
métropolitaine
« Dans
un système bicaméral, la chambre haute est généralement perçue
comme la chambre de révision, censée vérifier voire tempérer les
dispositions adoptées par la chambre basse » précise
pudiquement Wikipedia.
Et
encore : « Ce système a pour but de modérer
l'action de la Chambre basse, élue au suffrage direct et
représentant donc directement le peuple, en soumettant toutes ses
décisions à l'examen de la Chambre haute, élue généralement au
suffrage indirect et représentant souvent des départements, des
régions ou des États ».
In
fine, la chambre basse (
l'Assemblée nationale), celle du bas peuple, est bien sous la
surveillance de la chambre haute (le Sénat), presque toujours
conservatrice. De Gaulle a voulu toucher au Sénat : ce fut
l'une des causes de son échec au référendum de 1969.
En
bref, tout changement démocratique réel contraint à modifier le
rôle et le mode de désignation des sénateurs représentant toutes
les catégories de citoyens et dont la fonction ne devrait pas être
législative mais de conseil de la République.
•
Nous voyons que le mode de scrutin en vigueur pour les prochaines
législatives ferme les portes de l'Assemblée nationale aux
représentants des petites familles politiques ou des partis dits
extrémistes.
- Avec 12,5% des inscrits au moins pour pouvoir être candidat au second tour décisif, il faut obtenir un nombre de suffrages par rapport aux exprimés qui dépend et de la participation et de l'importance des votes blancs et nuls. Ainsi, avec moins de votants (c'est souvent le cas après les présidentielles), mais aussi avec de 10 à 20 candidats par circonscription, ou plus, les candidats promus pour figurer au second tour doivent atteindre autour de 20% des suffrages exprimés.
- Ce système électoral ramène à deux (le plus souvent), à trois (parfois), à quatre (exceptionnellement) le nombre de candidats restant en lice.
- Le cas particulier du Front national est à considérer. Ce parti, non interdit, est éliminé, en général au second tour, par le rejet concerté des candidats qui sont en concurrence avec lui, ce qui rend manifeste la contradiction suivante : faute de proportionnelle les voix qui se sont portées sur le FN, fussent-elles très nombreuses, sont souvent perdues et, comme on l'a vu lors des élections régionales, la représentation d'un parti légitime est érodée non par les urnes mais par la réglementation électorale. Le risque qui s'ensuit est évidemment d'encourager les électeurs frustrés à soutenir un parti antidémocratique. Les élections de 1986, à la proportionnelle n'avait pas permis au Front national d'atteindre 10% des suffrages et ne lui avait donné qu'un groupe de 35 députés. Tôt ou tard, il faudra
- soit écarter le FN des scrutins soit lui consentir la représentation que les citoyens veulent lui accorder.
- Les partis trotskistes, aux scores faibles, n'ont aucun représentant à l'Assemblée Nationale. Ils en sont réduits à se manifester aux présidentielles et dans la rue. Là encore, il faudra bien trouver les moyens d'expression pour ces minorités qui ne sont pas exclues de la vie politique du pays.
•
Nous voyons que le concept de majorité fluctue et que les
abstentionnistes et les bulletins blancs, voire certains bulletins
nuls font désormais partie de l'expression politique des citoyens.
- Le candidat Macron est loin d'avoir obtenu le vote d'un électeur sur deux. 66,1% des suffrages exprimés ( dont nombre de votes anti-FN) ne pèsent que 43,61% des inscrits.
- Les abstentions (25 44%) auront pesé au second tour plus que le vote Le Pen (22,36%) toujours par rapport aux inscrits.
- À quoi s'ajoutent les blancs (6,35%) et nuls (2,24%), en tout 8,59%.
- Les suffrages exprimés ne représente que les deux tiers des inscrits ( 65,97%).
- Les enseignements à retirer de ces données n'ont guère fait l'objet de commentaires. Nous estimons, au contraire qu'il y a beaucoup à dire et que ces résultats posent de vraies questions pour les législatives.# La première est que tous les votes favorables à Emmanuel Macron ne se reporteront pas nécessairement sur les candidats de La République en Marche.# La seconde est que tous les abstentionnistes volontaires conservent des raisons politiques de ne pas se rendre aux urnes. Avec la baisse habituelle du taux de participation aux législatives, cela peut représenter encore une abstention forte qui pèsera sur les résultats.# La troisième est que les quatre millions de bulletins blancs et nuls ont été déposés par des électeurs qui ont compris que cette expression devient influente quand elle est médiatisée. Que vont-ils faire ? Pour une part s'exprimer à gauche et en priorité pour La France insoumise, mais d'autres, déçus par le résultat final, peuvent soit rejoindre l'abstention soit réitérer leur rejet de l'offre qui leur est faite, en votant blanc.# la quatrième, et non la moindre, est que, de toute façon, la représentation parlementaire allait être bouleversée ? Seuls 361 députés ont choisi d’être candidats à leur propre succession. Plus de 37 % des députés ne se représentent pas aux législatives. 216 circonscriptions seront donc renouvelées, notamment à cause de l’application de la loi sur la limitation (Loi n° 2000-295 du 5 avril 2000 relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives et à leurs conditions d'exercice ) et le non-cumul des mandats (Les lois promulguées le 14 février 2014, une loi organique concernant les députés et sénateurs et une loi ordinaire pour les députés européens interdisent le cumul de fonctions exécutives locales avec un mandat de parlementaire ou de représentant au Parlement européen).
•
Ce
à quoi on pourrait raisonnablement s'attendre.
Si
les législatives devaient refléter les élections présidentielles,
de nouvelles surprises pourraient surgir. À défaut de pouvoir les
prévoir, on peut effectuer des suppositions assez vraisemblables. Le
18 juin, nous jugerons de la distance entre ces éventualités et les
réalités.Ne faut-il pas s'attendre à :
*
Un recul net du PS et plus faible du PCF (relativement à leurs
effectifs actuels).
*
Un recul diversifié des candidats membres des Républicains et du
CDI, en rapport avec leurs origines partidaires, leurs
positionnements locaux et leur ralliement au Président. (C'est
dans cette famille politique que l'on peut trouver le plus de
résultats contradictoires et surprenants).
* Une entrée importante des députés de La
République en Marche.intégrant
des ralliés PS et Républicains.
*
Une entrée forte de députés de La
France insoumise
et d'alliés d'une gauche de gauche ayant soutenu le candidat
Mélenchon
(Du
rapport des forces entre ces deux entrées, aux poids respectifs
imprévisibles à ce jour, dépendra la suite du quinquennat).
*
Une entrée modeste de députés du FN qui ne sera pas à la
hauteur de leurs espérances.
*
Quelques députés écologistes pris en étau entre la petite
minorité socialiste « hamoniste » et la nouvelle
représentation social-écologiste de
La France insoumise.
*
Une
poignée de personnalités inclassables mais fortement implantées.
La
raison et l'information ne donnent pourtant pas toutes les clefs du
scrutin à venir et il ne faut pas exclure aussi des phénomènes
imprévisibles tout à fait dans le mouvement d'élections jusqu'ici
à nulles autres pareilles. Un raz de marée peut tout modifier. Au
contraire, la résignation, le dégoût, ou le désintérêt peuvent
faire exploser l'abstention et le vote blanc. Il suffirait aussi
qu'une partie des 10 638 475 de voix d'électeurs de Marine le Pen se
déportent vers d'autres choix que le FN afin de manifester leur
colère, leur déception, en troublant le jeu électoral, pour que
les législatives deviennent incompréhensibles, voire déclencheuses
d'agitations et de complications politiques encore une fois
inattendues mais dont la plus probable serait « l'ingérabilité »
de l'Assemblée !
Nous
ne voulons surtout pas annoncer la suite des événements ! Nous
pensons que rien ne sera joué le 18 juin au soir et qu'il ne faut
pas s'attendre seulement à « un cinquième tour social »
si, par exemple, on veut passer en force et réformer le droit du
travail par ordonnances. De nombreuses autres questions tout aussi
graves ont été posées. Elles concernent nos institutions, la
pratique de la démocratie permanente, la paix, la sécurité
environnementale, les inégalités que côtoient les Français, les
injustices sociales...etc. N'y pas répondre engendrerait des
mécontentements dont on ignore la forme mais qui ne seront pas
jugulables par la contrainte. Ouvrir les yeux sur notre sort commun
de Français, d'Européens et de Terriens permettrait de chercher et
de trouver ensemble des réponses. C'est l'enjeu, que les candidats
aux législatives devraient porter d'abord.
On
en est très loin !
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