Les
législatives, inséparables des présidentielles
Le
point au 19 mai 2017. Note 66 À J-31.
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
continuerons d'analyser l'évolution de la situation politique. Aux
notes antérieures, datées, numérotées et modifiables,
s'ajouteront les suivantes jusqu'au 18 juin. La lecture complète du
résultat des présidentielles ne s'effectuera qu'après les
législatives. Fin juin 2017, nous regrouperons, en un seul et même
document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer
cette activité politique chronologique.
Le
vieux monde veut remettre la Ve République en marche. Ce
n'est pas notre attente et c'est notre premier grief à
l'encontre du nouveau gouvernement. Au moment même où commençait à
s'exprimer, dans le pays, la prise de conscience de nombreux citoyens
relative à l'obsolescence et la nocivité des institutions qui font
de la France un modèle politique périmé, ne voilà-t-il pas qu'on
nous ressort la monarchie républicaine satisfaisant les amateurs de
spectacles politiques. Jeunes ou pas, les ministres et le Président
n'en finissent pas de nous chanter de vieilles rengaines. Ils se
trompent de siècle ! La France que nous aimons doit se rénover
et ne plus se considérer comme une grande puissance au-dessus des
autres !
1
- Le système électoral français est dépassé et il nous isole en
Europe. Nous le constatons.
Il
faudrait, nous dit-on, nous montrer plus européens ! Soit. Eh
bien commençons, comme dans la plupart des pays voisins, par
l'abandon de notre système électoral antidémocratique qui
repose sur la désignation, pour les élections nationales, au
suffrage universel, uninominal, majoritaire, à deux tours, du
Président et des députés, avec élimination des candidats qui ne
sont pas parvenus à se placer en tête.
•
– Car l'élection présidentielle guillotine tous les candidats
autres que les deux premiers arrivés ! Au second tour,
fussent-ils très proches les uns des autres par leurs résultats,
trois (comme en 2002) ou quatre (comme en 2017) candidats ne sont pas
tous habilités à concourir, en fait parce que l'on veut que le
président soit élu à la majorité absolue et non relative. C'est
d'ailleurs aussi pour cela que les bulletins blancs ne sont pas
encore acceptés comme suffrages exprimés car ils pourraient priver
le gagnant de cette majorité absolue (cela aurait été le cas en
2012...). La logique constitutionnelle dit, en quelque sorte, que le
Président est un monarque « absolu ». On pourrait fixer
un seuil en-deçà duquel on est exclu du second tour, mais cela ne
suffit pas aux constitutionnalistes restés monarchistes.
•
– Car
les élections législatives fixent, un seuil minimal qui élimine
tous les « petits candidats » ! À
la différence de l'élection présidentielle, on peut retrouver,
théoriquement, au second tour, trois voire quatre candidats, s'ils
ont obtenu plus de 12,5% des inscrits.
La bipolarisation n'en est pas moins effective parce que la
participation étant souvent moindre qu'à la présidentielle (depuis
que les législatives suivent immédiatement la présidentielles) il
faut obtenir autour de 20% des votants pour rester dans la course.
Moins il y a de votants plus il y a d'éliminés. En outre, comme le
nombre de candidats est parfois important (dépassant fréquemment,
dans certaines circonscriptions, le nombre de 12), il ne reste en
piste, le plus souvent, que deux ou trois candidats.
•
– Le
scrutin proportionnel est le seul à pouvoir exprimer la diversité
politique d'un pays. Le
mode de scrutin français est donc le plus inégalitaire et le plus
pervers qui soit. L'argument ressassé selon lequel la
proportionnelle engendre l'instabilité ne résiste pas à l'examen.
De grands pays y ont recours sans sombrer dans l'instabilité. Seuls
la France et le Royaume-Uni n'ont pas de scrutin proportionnel en
Europe (proportionnelle intégrale, le plus souvent, ou
proportionnelle mixte, comme en Allemagne). Certains
pays ajoutent, au vote proportionnel, le vote préférentiel
(Pays-Bas, Danemark, Suède,
Norvège, Italie, Belgique)
pour éviter que tout ne soit pas déterminé par les seuls partis.
2
- Il nous faut sortir du vieux monde où Macron et son équipe
voudraient nous maintenir
Que
faut-il entendre par le vieux Monde ? Ce n'est pas ce qui est
ancien qui est mauvais ! C'est ce qui refuse de voir la réalité
qui s'annonce. Dans la note 62 nous faisions écho à un article
d'Hervé Kempft dans Reporterre.
Il y exposait que « M. Macron
est un homme remarquable, appliquant les méthodes entrepreneuriales
en vogue mais il n’en est pas moins porteur des idées du vieux
monde. Le vieux monde ? Celui où l’on croit que la croissance
reste le moteur de l’équilibre social, que la question écologique
est secondaire, et qu’une société peut vivre sans désordre avec
de fortes inégalités ».
On ne saurait mieux dire : vouloir organiser une société de
progrès et de croissance est un mythe occidental qui s'effondre et
c'est pourquoi aucun compromis n'est possible avec ce monde-là. Le
jeune président n'est pas, à cet égard, suivi par la majorité de
la jeunesse française.
3
– Nicolas Hulot conserve la sympathie de beaucoup de Français mais
que peut-il faire de décisif ?
Hervé
Kempt, encore, écrit « Le
paradoxe est que la marge de manœuvre du nouveau ministre ne
dépendra pas tant de sa force de conviction que du poids qu’aura à
l’Assemblée nationale le groupe de députés de… La France
insoumise, dont le programme est bien plus en accord avec les idées
de Nicolas Hulot que ceux d’En Marche, de Les Républicains, ou du
Modem ». Il
souhaite même « Bonne Chance » au Ministre d'État. Je
n'ai pas cette grandeur d'âme. J'éprouve un sentiment d'abandon
mais aussi de peur : abandon de tous ceux qui ont pensé que
l'engagement de Nicolas Hulot était sans compromission possible,
mais aussi peur de le voir contribuer, fut-ce à son corps défendant,
à un affaiblissement supplémentaire de l'écologie politique en
France.
On
attend le premier clash, voire le départ de Nicolas Hulot qui manque
d'appuis dans ce gouvernement, mais ce n'est pas tout : il est
contradictoire qu'on soutienne Nicolas Hulot et qu'on combatte le
gouvernement dont il fait partie. On trouve, dans la presse,
l'expression de soutiens ambigus : « pourvu qu'il
réussisse », suivi de « comment pourrait-il réussir ? ».
Soyons réalistes et restons à notre place. Nicolas Hulot est
dans une contradiction dont il ne pourra sortir qu'en s'éloignant
d'un pouvoir qui le tient en otage.
4
- Il nous faut enfin commencer à dresser la liste des désaccords
irréductibles avec la politique habile et subtile du Président
Macron, mais, à l'évidence et en définitive, on le verra vite :
désastreuse.
Nous
avons déjà stigmatisé, quelques erreurs de direction, mais l'on ne
peut s'en tenir là !
•
La Ve République reste telle quelle et donc avec :
- Sa présidentialisation du régime,
- Le maintien d'un mode de scrutin inique,
- Le changement de la constitution du 4 octobre 1958. Elle comprend 153 articles et a déjà été révisée depuis le 23 juillet 2008 par l'adjonction, sans toujours qu'on en respecte l'esprit :- des 17 articles de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789,- des 18 alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946,- ainsi que des 10 articles de la Charte de l'environnement de 2004. (Voir le Dalloz de 2016).
Mais
nous avons d'autres raisons de dire non à une politique demeurée
« hollandaise », notamment :
•
La France reste un État nucléaire, civil et militaire, unique en
Europe.
•
La France reste l'un des
cinq plus gros exportateurs mondiaux d’armes classiques.
•
La France retarde, de fait, le développement, en son sein, des
énergies renouvelables.
•
La France se refuse à mieux accueillir un nombre suffisant de
réfugiés entrant en Europe.
•
La France pérennise l'état d'urgence sans rechercher les vraies
causes du terrorisme.
•
La France n'est pas en mesure de modifier sa politique carcérale
inefficace et indigne.
•
La France livre des des avions militaires sophistiqués à des États
dictatoriaux.
•
La France, gendarme en Afrique, y mène, dans cinq États, des
guerres qui la font haïr.
•
Etc …
La
liste peut s'allonger. Nous devrons le faire et la compléter.
Notamment pour souligner la part de notre pays dans l'aggravation des
inégalités. Mais nous voulons, sans plus tarder, attirer
l'attention, sur ce qui, entre autres, nous désolidarise de la
France quant elle sombre dans ces politiques auxquelles de nombreux
pays d'Europe ont su échapper. La France que nous aimons doit cesser
de se penser, avec l'Allemagne, dominatrice dans une Union Européenne
à repenser et si nous ne voulons pas qu'elle sombre.
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