Le
tout dernier temps d'une campagne à surprises
Le
point au 23 avril 2017. Note 45 au jour J.
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
continuerons d'analyser, jusqu'au 6 mai, l'évolution de la
situation politique pendant la campagne électorale ouverte depuis
la fin 2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable,
s'ajoutera aux précédents. Chacun de ces textes aura pu être
contredit, sans doute, parfois, par les événements. Fin mai 2017,
nous regrouperons, en un seul et même document, toutes ces notes,
que nous voudrions utiles pour effectuer cette activité politique
chronologique.
Dans
le silence de ce jour de votation s'est imposé à l'esprit le
surgissement d'un terrorisme.
1-
La mort comme argument politique
Durant
la dernière émission électorale télévisée, sur Antenne 2,
avec les 11 candidats, on a appris qu'un homme « connu des services
de police », un Français, a tué et été tué, sur les les
Champs Élysées. La victime est un policier. Deux autres personnes
ont été blessées. Daesch évidemment revendique.
Il
y a plusieurs lectures de cet événement tragique aussitôt
exploité. Fillon a réclamé l'arrêt de la campagne qui, de
toutes façons, s'achevait le vendredi 21 avril, à minuit. Marine
le Pen, dès le lendemain matin a entonné son couplet favori :
c'est l'immigration qui a permis l'entrée de la violence dans la vie
publique. Macron et Mélenchon ont continué de faire campagne par
refus de laisser quelle que forme de terrorisme que ce soit
influencer la volonté populaire.
Ou
bien nous vivrons dans la peur et la perpétuation de l'état
d'urgence, ou bien nous ferons face en ne laissant pas le pays tout
entier vivre dans la hantise de l'attentat. C'est une question
politique majeure à laquelle les pays du nord de l'Europe ont
déjà répondu.
La
seconde partie de la campagne, une fois les deux finalistes
qualifiés, ne pourra faire l'économie de l'examen de cette crise
de la sécurité. Tous les citoyens sont concernés et il ne
suffira pas de condamner la violence islamiste ou d'exiger la
multiplication du nombre de policiers pour en venir à bout. La
quête des causes de cette perversité ultra violente qui diffuse
parmi nous, toutes les causes, est à effectuer et pas seulement en
faisant la chasse aux « radicalisés ».
2
-Le triomphe de Daesch est dû aussi à ce qu'il nous manipule en
déclenchant nos réactions
Tous
les bureaux de vote sont, aujourd'hui, nous dit-on, sous haute
surveillance. C'est simplement impossible. Ce que la réglementation
des scrutins interdit (le port d'armes dans les lieux de vote) est
tourné, dès lors qu'un président de bureau de vote a le pouvoir de
faire appel à la force armée. S'il considère la menace comme
permanente et non exceptionnelle, la police entrera donc dans nombre
de bureaux urbains, notamment dans les villes dirigées par la
droite. C'est un précédent.
L'assassin,
Karim Charfi, 39 ans, était non seulement déjà connu, mais s'en
était pris par le passé, violemment, à des policiers. Il avait
été, pour cela, incarcéré durant presque 14 ans. Il se peut que
sa haine ait été entretenue et encouragée par des codétenus.
Autrement dit la justification islamiste est venue a posteriori.
C'est d'ailleurs dans les milieux de la délinquance que se recrutent
le plus souvent les tueurs. 239 victimes sont mortes en France,
depuis 2015 ! Ce constat doit nourrir notre réflexion : le
terrorisme a plusieurs visages et est généré par la
marginalisation autant que par le prosélytisme et le fanatisme
faussement musulmans.
3
– Savons nous ce que nous disons en parlant de terrorisme ?
Ce
n'est pas seulement la mort en public qui nous effraie. Les accidents
d'automobile tuent bien davantage et nous pouvons en être les
témoins épouvantés. La différence est que l'accident n'est pas la
mort donnée à l'aveugle. C'est souvent une faute qui en est à
l'origine (imprudence, alcool, excès de vitesse...) mais il n'y a
pas volonté de tuer. Ce n'est donc pas le nombre de victimes qui
nous bouleverse, c'est ce conditionnement de personnes, au sens
strict « désaxées » qui acceptent de mourir pour
pouvoir tuer, au hasard, n'importe qui, n'importe où...
Lutter
contre l'armée invisible des assassins ne peut donc aboutir par
l'unique moyen de la présence de policiers, gendarmes et militaires
surarmés ! Ce sont des esprits, dévoyés, qu'il faut désarmer
et priver d'arguments.
Nous
n'osons pas, par crainte de passer pour complice des criminels,
fouiller dans les arguments de ceux qui arment le bras et la
conscience des « exécutants ». Quand il n'y a plus de
raisons de tuer, il n'y a plus de tueurs. Et quelles sont ces raisons
( mauvaises si elles sont détournées) qui sont transmises et
pernicieusement instillées ?
Toutes
les guerres sont justifiées et perdurent tant que la haine n'est pas
épuisée ou retombée. En Lybie, en Syrie et ailleurs, les armées
occidentales dont la nôtre ont tué. Ceux qui partent en Syrie pour,
croient-ils, sauver leurs frères, entrent dans des logiques
infernales où ils ne voient plus que des ennemis. Leur esprit se
ferme. Ils deviennent des vengeurs.
L'argument
pseudo religieux est le plus dangereux. Il progresse partout.
L'islamisme n'est pas l'Islam. Pourtant, on enseigne une
interprétation de l'Islam qui justifie le recours à la pire
violence. On en connaît les sources, y compris financières, mais
cela n'empêche pas notre « tolérance » à l'égard de
l'Arabie saoudite ou du Qatar dont la richesse permet qu'ils fassent
affaire avec nos entreprises, notamment dans l'immobilier, le sport
et l'armement ! De cette complicité nous sommes coupables.
La
déradicalisation supposerait que nous balaiyions aussi devant notre
porte. Nous n'en avons pas fini avec notre approbation des guerres en
Irak ou en Afghanistan perpétrées par les troupes de la coalition
occidentale et qui ont entrainé non des milliers, mais des dizaines,
voire des centaines de milliers de morts. La guerre d'Irak, que les
USA n'ont pas plus gagnée que celle du Vietnam, et qui n'est pas
achevée, est la source principale de la haine de l'occident propagée
par chaque famille endeuillée dans tout le Moyen Orient. Changeons
de politique et reconnaissons des erreurs (que Chirac et De Villepin,
eux, n'avaient pas commises) et le terrorisme reculera.
Enfin,
acceptons de reconnaître que les Palestiniens, depuis plus d'un demi
siècle, vivent sous une domination incompréhensible provenant du
peuple juif qui a tant et tant souffert du nazisme. Ce foyer
permanent d'hostilité conduit à une large diffusion de théories
venimeuses qui nourrissent des sources de violences multiples. Après
le colonialisme sévissent encore des apartheids modernes qui sont
sans ambiguïté, des refus du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes. Nous avons vu et voyons encore, singulièrement en
Afrique, des pouvoirs politiques s'imposer par l'intermédiaire de
forces disproportionnées avec celles des peuples sous le joug.
Dans
chaque meurtre, à Paris ou ailleurs, il y a des folies qui se sont
développées à partir d'injustices géantes. Le terrorisme
(autrement dit la violence perpétrée pour hurler des désespoirs
vains) ne débouche que sur la peur et le sang, et aucune des
victimes ne peut être personnellement tenue coupable des fautes
commises par les États visés. C'est un mauvais combat qui sera
perdu, mais après combien de malheurs ? Le terrorisme
disparaitra et rejaillira. Ses causes ne sont pas seulement
idéologiques et elles sont très peu religieuses. Il faut chercher
dans « l'exploitation de l'homme par l'homme », encore et
toujours, l'explication de cette apparition de l'hydre monstrueux
dont il ne suffira jamais de couper les têtes dès lors qu'elles
repoussent.
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