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vendredi 14 avril 2017

Les sondages nous enfument-ils ?


Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises 

Le point au 14 avril 2017. Note 38 à J-9
par Jean-Pierre Dacheux

Nous voulons continuer d'analyser l'évolution de la situation politique pendant la campagne électorale ouverte, en réalité, depuis la fin 2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux précédents présentés et, depuis le 20 mars, sous le titre : « Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises » Chacun de ces textes peut être contredit, sans doute, parfois, par les événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer cette activité politique chronologique.


Le jeudi 13 avril, hier, sur Antenne 2, pendant l'émission Envoyé spécial, animée par Élise Lucet, depuis les bords de la Seine, à Conflans-Sainte-Honorine, des révélations sur les enquêtes d'opinion, nous ont permis de relativiser des pratiques qui impactent la vie politique, dans notre pays.
Il y aurait, nous a-t-on dit, huit Instituts de sondage. En réalité, il y en a davantage mais, en effet, les principaux sont au nombre de huit : BVA, CSA, Harris, IFOP, IPSOS, Odoxa, Opinion Way, et SOFRES. Un seul de ces instituts à ouvert ses portes à Envoyé spécial : l'IFOP. Cependant, quelle que soit la voie d'interrogation des sondeurs, (en direct, par téléphone ou par internet), les journalistes ont pu effectuer les mêmes étonnantes découvertes.

1 - Les sondés ne sont pas tous bénévoles. Certains sont récompensés et payés (modestement mais, par accumulation, sur un an, des gains de plusieurs centaines d'euros sont possibles, sans compter les cadeaux – par exemple des ustensiles de cuisine ! – qui peuvent représenter jusqu'à 500 à 600 euros...

2 – Les résultats des sondages sont « redressés », autrement dit rendus plus crédibles en tenant compte de l'évolution des choix antérieurs des sondés, mais aussi en considérant que les électeurs de certains partis masquent leur vote... « La liberté du sondeur » et donc sa prise de risque permet de prudentes manipulations...

3 – Des sondés avouent qu'ils peuvent mentir et donc répondre n'importe quoi, par dérision. Les Instituts le savent mais estiment que le phénomène est marginal et n'affectent pas le résultat final.

4 – Selon le commanditaire et la formulation de la question posée (pour peu qu'elle joue sur l'affectivité), les avis recueillis et mesurés, sur un même sujet, peuvent être très différents. Exemples, sur l'euthanasie, l'écart a pu aller de 34% à 95%, sur l'accueil des migrants ou réfugiés de 47% à 64% ou sur les remboursements par la sécurité sociale de 47% à 71% ! Toute question non neutre, orientée, devrait être éliminée.

5 – Le premier des sondages, en France, a eu lieu en 1938, au sujet des accords de Munich. Il fut positif, justifiant ainsi la politique agressive du Chancelier du Reich. Mauvais début...
6 – Certains chefs d'État subissent une véritable addiction aux sondages d'opinion. On l'a su de Nicolas Sarkozy. On l'ignore de François Hollande mais pas de Manuel Valls qui, par le SID (Service d'Information du Gouvernement) a pu recourir à de multiples sondages d'IPSOS mélangeant le bilan d'image du Premier ministre, c'est-à-dire l'incarnation du pouvoir, avec l'appréciation de la politique du gouvernement.

7 – La loi d'avril 2016 sur les sondages n'est pas totalement appliquée. Le sénateur du Loiret, Jean-Pierre Sueur (PS) estime que la Commission des sondages se trompe en acceptant que les Instituts de sondage masquent leurs méthodes. Avec son collègue Hugues Portelli (LR) il était parvenu, après des années de bataille parlementaire, et malgré l’opposition de l’Elysée (sous Nicolas Sarkozy, puis François Hollande), à faire voter une loi imposant aux sondeurs de publier leurs marges d’erreur, leurs chiffres bruts et leurs critères de redressement. La loi n'est, de fait, pas appliquée au cours de l'actuelle campagne !

8 – Sans publication des marges d'erreur l'enquête n'est pas scientifique. "Quand on écrit des articles scientifiques, on indique l'échantillon, la méthode, et tout le monde peut voir comment on arrive au résultat. Il faut que les sondeurs décident : soit ils disent que ce n'est pas scientifique et ça n'a pas beaucoup d'intérêt, soit ils disent que c'est scientifique et il faut que ce soit totalement transparent." affirmait encore Jean-Pierre Sueur. Ajoutons : ce n'est pas, dans ce cas, démocratique ! Voir :https://www.franceinter.fr/politique/sondages-peut-on-encore-leur-faire-confiance

9 – En conclusion, les marges d'erreur concernant les estimations des votes pouvant se porter sur les quatre candidats « principaux », ne permettent pas d'établir, entre eux, une hiérarchie ou une prévision sur les promus de second tour.

10 - Les sondages donc, si l'on n'en relativise pas la portée, et même s'ils indiquent des tendances, peuvent fausser le jugement des électeurs. Comme la plupart des instituts sont proches des milieux de droite et se comportent, du reste, comme des entreprises en quête de profits, on ne peut exclure une volonté d'influencer, subtilement mais effectivement, l'opinion qu'ils prétendent mesurer et informer. Cela ne fonctionne pas à tous coups, comme on l'a vu récemment aux USA et dans le Royaume-Uni (ainsi, du reste que dans les primaires, avec les échecs de Sarkozy et Valls), mais le risque d'un « enfumage » existe bel et bien. Y résister conditionne l'éventualité d'un changement politique. Nous le constaterons sans doute, le 23 avril au soir.


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