Le
troisième et dernier temps d'une campagne à surprises
Le
point au 20 avril 2017. Note 43 à J-3
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
continuerons d'analyser jusqu'au 6 mai l'évolution de la situation
politique pendant la campagne électorale ouverte depuis la fin
2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux
précédents et présentés, depuis le 20 mars, sous le titre : «
Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises »
Chacun de ces textes peut être contredit, sans doute, parfois, par
les événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et
même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour
effectuer cette activité politique chronologique.
1
- Quelle sera la dernière surprise ? Nul ne le sait, mais il y
en aura une, dès le 23 avril au soir.
Dans
trois jours, 9 des 11 candidats auront été éliminés. Telle est la
loi électorale. En 2002, Chirac, Le Pen père et Lionel Jospin se
tenaient déjà « dans un mouchoir », en moins de quatre
points ! L'élimination de Jospin, due à la bipolarisation
obligatoire du scrutin, avait, mécaniquement, promu Chirac pourtant
en bien mauvaise posture au premier tour. Allons nous nous retrouver,
peut-être avec quatre candidats, dans une situation comparable,
voire pire ?
Ces
quatre candidats au coude à coude, en tout cas selon les sondages,
sont : Fillon, Le Pen, Macron et Mélenchon. Il en restera deux.
Suivrait, loin derrière, Hamon, qui ne peut plus, selon toute
vraisemblance, être présent au second tour. Nous avons donc six
configurations possibles (chaque candidat pouvant se voir opposer
l'un de ses trois concurrents) : Le Pen-Fillon /, Le
Pen-Macron/, Le Pen-Mélenchon/ Fillon-Macron//, Mélenchon-Fillon/
et Mélenchon-Macron.
Ces
duels ne sont pas égaux. Deux candidats ne sont pas, à mon avis,
« présentables » : les candidats de la droite
extrême (Le Pen et Fillon) ne peuvent diriger la France. Sans parler
des « casseroles » que l'un et l'autre tirent derrière
eux, il est douteux que l'un, comme l'autre, soient adoubés par les
électeurs. La candidate de l'extrême droite ultra nationaliste et
le candidat de la droite extrémisée dominé par l'argent, ne sont
pas estimables. Le scénario catastrophe, type 2002, serait,
pourtant, que Fillon - et c'est sa meilleure chance - soit opposé
à Le Pen. Il serait alors élu. Dans tous les cas de figure, si
Marine Le Pen accédait, par malheur, au second tour, elle serait
d'ailleurs battue.
Le
duel Fillon-Macron, entre la droite hard et la droite soft,
tournerait, selon moi, à l'avantage de Macron tant Fillon s'est
déconsidéré.
Les
seuls duels droite /gauche sont ceux où Mélenchon serait impliqué.
Devant
Fillon, Mélenchon se retrouverait face à un adversaire déconsidéré
mais habile, expérimenté et donc redoutable. La droite, sous toutes
ses formes, veut, coûte que coûte, que se produise une alternance,
quitte à fermer les yeux sur les frasques de son candidat maintenu.
Le projet de Mélenchon n'étant pas celui du PS, il peut désarçonner
le faux leader du camp des droites à peine réconciliées et
masquant (assez mal) ses divergences. Son talent de débatteur ferait
la différence.
Les
deux candidats pouvant aussi être aux prises, (Mélenchon et Macron)
donnent à espérer une autre façon de gouverner. Ils sont très
différents et ont des projets sur bien des points opposés, mais les
deux hommes, l'un comme l'autre, au cours de la campagne, sont
apparus plus respectables. S'ils devaient être confrontés, au
deuxième tour, nous aurions alors un débat de fond entre la droite
reconstituée ayant mordu sur l'ex-gauche et la gauche repensée,
rebaptisée et redynamisée, ce qui ouvrirait un nouvel espace
politique. Cela signerait aussi la fin des partis traditionnels
(« Républicains » et PS hollandiste).
Je
ne fais pas mystère que la seule éventualité qui m'agrée est
celle de la recomposition du paysage politique en France. Je doute
que Macron, qui le voudrait, mais sur de bases libérales, puisse y
parvenir. Je crois que Mélenchon est mieux armé intellectuellement,
culturellement, et pratiquement en disposant d'une assise populaire,
pour s'y engager, mais il aura bien des obstacles à surmonter !
En
tout état de cause, nous en avons pour des années de remises en
question et de recherches. On ne passe pas d'une période historique
à une autre par la voie d'une élection même si elle ouvre des
possibles.
2
- C'est l'intoxe finale ?
Le
numéro de l'hebdomadaire le
1, en vente ce
jour, titre : Les
médias faussent-ils l'élection ? Quels
médias ? Le mot est ambigu ! Les grands organes de presse
propriétés des puissances d'argent ne sont pas à confondre avec et
les « réseaux sociaux », eux-mêmes aux mains de très
grandes entreprises, mais dont il est fait des usages très
contradictoires, positifs et négatifs. L'information qui circule
n'est pas celle d'il y a 30 ans. Plus que jamais, il faut une culture
critique pour s'en servir et c'est là que le bât blesse :
l'opinion est submergée par des informations voulues, pensées et
diffusées pour influencer les jugements. Serions-nous des
consommateurs d'idées comme on est consommateur de foie gras, de
chocolat ou d'huitres ! On nous vend donc des candidats ou bien
on les discrédite. C'est le marché qui nous enfume. À nous d'y
résister.
Depuis
que Mélenchon progresse dans les sondages, il est la cible de tous
les bien pensants. Des journalistes connus s'emploient à le
déconsidérer, non plus en révélant des faits (comme pour Fillon),
mais en déformant, tronquant ou interprétant des paroles ou des
textes concernant des sujets sensibles. C'est le cas des réserves
exprimées à propos de l'Europe. On nous refait le coup de 2005 :
quiconque n'accepte pas la politique européenne des marchands et des
marchandises, et sa priorité à la privatisation, est soit un ennemi
de l'Europe soit un allié objectif des nationalistes du type Front
national (à moins que ce ne soit un retour du communisme
dévastateur de l'économie!). Mélenchon est anti libéral et c'est
insupportable au « monde
de la finance »
(que dénonçait clairement, Hollande, au Bourget, en 2012, avant de
rentrer dans le rang). Il faut donc anéantir ce trublion qui ose
promouvoir une France insoumise,
avant qu'il ne soit trop tard. Ne pas voir le monde entier muter,
c'est se satisfaire ou se contenter de l'ignorance et là est le
risque électoral majeur.
Ce
que révèlent les sondages d'opinion n'est pas non plus communiqué
avec toutes les réserves scientifiques indispensables, à commencer
par l'indication véritable des marges d'erreur. C'est un moyen de
conditionner les électeurs de plus en plus apparent. Si, bientôt,
les résultats ne recouvrent pas les annonces des sondages, alors on
exposera que les abstentionnistes, sortis du bois, ont tout bousculé,
tout changé, tout relativisé. Ce pourrait même être de leur faute
si les pronostics ont été chamboulés. Ce sera, évidemment, faux.
C'est confondre la cause et la responsabilité ! À vouloir
faire d'abord de l'audience ou à force de rechercher le scoop qui
fait vendre, on finit par manquer de rigueur. Il nous faut, dans les
articles de presse ou sur internet, « lire entre les lignes »
pour débusquer ce qui ne peut être totalement ignoré mais que l'on
nous voile, à savoir que tout n'est pas écrit et que toutes les
certitudes affichées pourraient bien être reléguées au magasin
des antiquités.
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