Le
troisième et dernier temps d'une campagne à surprises
Le
point au 18 avril 2017. Note 41 à J-5
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
continuerons d'analyser jusqu'au 6 mai l'évolution de la situation
politique pendant la campagne électorale ouverte depuis la fin
2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux
précédents et présentés, depuis le 20 mars, sous le titre : «
Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises »
Chacun de ces textes peut être contredit, sans doute, parfois, par
les événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et
même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour
effectuer cette activité politique chronologique.
Des
surprises, il y en aura encore. Et des grosses, au cours de ces
derniers jours.
Je
ne peux ni ne veux jouer les Pythonisse, pourtant, approche le temps
où les espérances et les pronostics se mêlent ou se croisent. Être
citoyen, c'est prendre le risque de l'erreur malencontreuse. Alors,
je prends ce risque.
1
– Le vote blanc : j'y suis favorable pour le
revendiquer et non pas le pratiquer tant que ce ne sera qu'un nombre
à part, fictif, et non un suffrage exprimé. Il y eut beaucoup
d'hypocrisie, du reste, en 2014, à faire approuver la reconnaissance
d'un vote qui se compte et ne compte pas !
2
– L'abstention politique : elle n'a rien à voir avec
« l'abstention du pêcheur à la ligne » ou du
« j'menfoutiste ». Elle a du sens et il ne faut pas se
priver d'en faire « usage » quand le contexte le permet,
c'est-à-dire quand il n'y a plus d'intérêt politique à voter. En
l'occurence, pour les présidentielles, certains pensent qu'une forte
abstention pourrait nourrir les desseins de Marine le Pen. À vrai
dire, les abstentionnistes, qui constituent « le premier parti
de France », mordent sur toutes les sensibilités, donc sur
celle du FN mais pas uniquement. Le principal défaut de
l'abstention, en 2017, c'est qu'elle ne contribue pas à révéler
les causes de la déconfiture de la Vème République à bout de
souffle et donc retarderait, à mon avis, le choix d'une alternative.
J'ajoute
qu'il faudra fixer, un jour, le seuil au-delà duquel l'élection
devient invalide, faute de participation suffisante ou à cause du
nombre trop important de bulletins blancs.
3
– Le vote démocratique pouvant abolir la démocratie: au
cours de l'histoire, en 1933, cela s'est déjà produit en Allemagne.
Dimanche passé, cela pourrait s'être bien produit en Turquie en
dépit de la faiblesse de l'écart entre le oui et le non, au cours
du referendum-plébiscite. Il ne suffit pas de savoir que Marine Le
Pen ne sera pas élue au second tour, il faut envisager, très
sérieusement, qu'elle soit éliminée dès le premier tour. Sa
campagne a été mauvaise, hargneuse, négative et n'a visé qu'a
rassembler les déçus. En outre, qu'il soit constaté, dans tous les
sondages, que n'importe lequel de ses concurrents la vaincrait, tend
à rendre inutile de la propulser là où elle n'a plus aucune chance
de triompher. Je crois possible qu'elle recule, cette semaine et
passe en troisième voire en quatrième position.
4
-Le candidat Fillon ne progressera plus : plus encore que
« les affaires » qui, quoi qu'on dise dans les médias,
le suivent et l'ont discrédité, son programme, très antipopulaire,
le dessert. Ne lui reste que ce que l'on appelle « le socle de
la droite » et le soutien, qu'il accepte, de Sens Commun,
émanant de la Manif pour tous, autrement dit des catholiques
intégristes. Cela l'autorise à prévoir un assez bon bon score mais
ne lui permet pas de l'emporter. Il sera, au mieux, en troisième
position.
5
– Le candidat Macron, le mieux placé, est fragile : il
n'a plus de dynamique et se retrouverait, selon un sondage ISOS, à
égalité encore avec Marine Le Pen, mais plus bas (autour de 22%).
Il devrait pourtant, accéder au second tour et y recevoir le soutien
de toutes les droites. S'il est élu, il le sera en contradiction
avec ce qu'il a avancé en son début de campagne. À son terme,
« Beaucoup à droite et peu à gauche » pourrait être
son véritable slogan ( mais difficilement employable). C'est lui
qui, alors, s'il vainc, réaliserait, dans la confusion, l'alternance
à droite.
6
– Le candidat Mélenchon arrive sur les talons des trois autres.
À trois ou quatre points de ses concurrents, il est entré, à
son tour, dans la zone de brouillard et d'imprévisibilité où
s'arrêtent les analyses des sondeurs qui, prudemment, ne concluent
plus. Sa force est, jusqu'à ce jour, qu'il est le seul à conserver
une dynamique. Chacun de ses meetings, comme le dernier, à Toulouse,
le jour de Pâques, rassemble des foules. Son talent oratoire fait le
reste. Il devrait s'il continue sur cette lancée, ravir la seconde
place qualificative.
7
– Qu'est-ce qui peut encore bouger ? Je vois mal Fillon
et Le Pen déplacer en masse les indécis. Les électeurs de Hamon
vont-ils, en partie, aller là où leurs convictions sont exprimées,
autrement dit vers Mélenchon ? Hamon, in extremis, va-t-il, par
fidélité à lui même, appeler à voter pour celui qui lui est le
plus proche ? C'est douteux et pourtant, il s'en retrouverait
revalorisé. Dupont-Aignan va-t-il siphonner encore le vote Fillon
(et l'achever) ou, au contraire, céder, sous la pression de la
droite et perdre des voix au profit du candidat dont il a, pourtant,
dit le plus de mal ? Les électeurs de Arthaud et Poutou, (peu
en pourcentages mais quelques centaines de milliers de voix tout de
même) vont-ils décider de donner ses chances au seul candidat de
gauche qui peut l'emporter ? Un événement, imprévisible
encore, peut-il, tout chambouler ? Quant à Macron
profitera-t-il ou pâtira-t-il des soutiens qui se sont portés sur
lui, de la part de personnalités qui n'ont pas toutes la sympathie
des Français, à commencer par le Président sortant dont beaucoup
pensent qui se mêle trop de ce qui ne le regarde plus puisqu'il
s'est retiré ?
8
– Quand on vote, vote-t-on « utile ? Le vote dit
utile est la nouvelle présentation du choix du moindre mal dès le
premier tour ! Bien entendu les droites en abusent puisque c'est
le meilleur argument pour éviter le changement dont tout le monde se
gargarise mais qui n'en est pas un. Macron incarne ce faux
changement. Voter utile, c'est aussi viser le milieu et choisir l'eau
tiède, rejeter les extrêmes renvoyés dos à dos, en sous entendant
que Le Pen et Mélenchon sont comparables ! La seule utilité
consiste à voter comme on pense, sinon, inutile de discourir sur la
démocratie. Le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours
incite à voter comme pensent les dirigeants du pays. C'est de cette
perversion qu'il faut se débarrasser. Et puisque la Vème République
a fait son temps, le vote utile est celui qui permettra d'y mettre
fin.
9
– Où est passée l'écologie ? Elle
n'est plus dans un parti. Elle n'a plus de candidat. Elle se cherche
un chemin. Les deux candidats porteurs de l'écologie crédible sont
Hamon et Mélenchon. L'accord PS / EELV pour les législatives
incarné par le tandem Hamon-Jadot vole en éclats sous nos yeux. Non
seulement Hamon sera absent du second tour mais les survivants du PS
qui ne voulaient pas de cette inflexion du socialisme vers l'écologie
vont rogner encore, dès le 24 avril, cet accord mort-né. Les
écologistes, s'ils votent comme ils pensent, ne peuvent plus voter
que Mélenchon. Il leur reste cinq jours pour le dire par leus
instances mais surtout par leurs adhérents et sympathisants.
10
– Voter librement est-il encore possible ? Les
indécis donnent de l'espoir. Ils prennent le temps de penser. Les
professionnels de la médiatisation ont pourtant tout fait pour nous
mettre dans la tête qu'il fallait choisir le bon sens (« le
« Sens Commun »?), c'est-à dire l'alternance au
socialisme déconfit, après un quinquennat calamiteux, celui de
François Hollande. Mais, depuis 2012, qui peut penser qu'il se soit
agi de socialisme et la cause de l'échec du président sortant
n'est-elle pas à rechercher dans l'abandon du socialisme ? Il
n'avait pas été prévu que Fillon, achopperait et, faute de plan B,
la droite traditionnelle ne sait plus où aller et se crispe. Il
n'avait pas été prévu non plus que ne fonctionnerait pas la peur
du loup ( rejoignez la droite réunifiée sinon ce sera le chaos avec
le FN) mais, à en juger par les réactions de l'opinion, ni Fillon
ni Le Pen ne sont en position de l'emporter finalement. Il n'avait,
enfin, pas été prévu que la gauche bougerait vraiment et sortirait
de son coma, une gauche nouvelle, à rebaptiser. Même si le résultat
final devait décevoir, durant cette campagne à nulle autre
pareille, ont été semées les graines d'un renouveau citoyen.
Certaines finiront bien par pousser ! Laissons nous aller à une
joie mesurée, en cas de succès éventuel, constaté après les
législatives, mais surtout, quoi qu'il arrive, n'ayons pas de
regrets. Le pays est ce qu'il est. Il faut l'accepter dans sa
diversité et ses contradictions.
Oserons-nous ?
Est-il trop tôt pour oser ? Tout est devenu possible et la
liberté des électeurs fera le reste, s'ils votent sans peur. La
République est-elle « insoumise » ou encore couchée ?
Va-t-elle s'éveiller plus tard ou est-elle déjà debout ? Nous
ne le saurons que dimanche prochain.
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