«
Rien n'est jamais acquis à l'homme, ni sa force
Ni
sa faiblesse ni son cœur,
Extrait
d'un poème d'Aragon, chanté par Brassens
Chers
compatriotes,
À
toi qui ne sait que voter, qui choisir, je veux dire que tu me
rassures. Tu doutes donc tu penses. Ceux que je crains le plus ce
sont les « suiveurs », les irréfléchis, les croyants
qui s'en remettent à autrui et qui ne s'interrogent plus.
La
politique est le contraire de ce suivisme qui fait passer
l'attachement à des personnes avant la conviction, lentement et
parfois difficilement construite.
Les
quelques jours qui nous restent devraient nous permettre, dans
l'idéal, de nous motiver nous-mêmes et de nous déterminer sans
sondages, sans journaux, sans télé et sans radio ? Ce ne sera
pas le cas. Et, pour beaucoup, le silence ne se fera que … dans
l'isoloir.
Sache
que, pour moi qui ai déjà choisi, ton silence ne m'angoisse pas et
je ne le déplore pas. Si tu laisses l'enveloppe vide ou si tu ne
pousses pas la porte du bureau de vote, je ne te condamnerai pas. Tu
auras décidé autre chose que moi et ce sera un acte de liberté que
je n'ai pas à juger.
Je
n'irai pas jusqu'à t'approuver. C'est ton libre choix que je
respecte. Voter blanc, ne pas voter, choisir finalement un candidat,
même tardivement, c'est ton affaire et ce n'est pas évident.
Il
importe d'autant plus de s'y reprendre à deux fois avant de se jeter
sur le premier slogan qui passe que, cette fois, oui, toute décision
est grave et, le 24 avril, nous aurons tourné une page de l'histoire
de France, tous ensemble, nous, les citoyens, votants et non votants.
Nous
allons indirectement faire plus que désigner, ou pas, un Président
de la République. Nous allons, ou non, contribuer à maintenir,
transformer, ou changer la République elle-même, dans sa forme et
dans son fond.
Ou
bien nous continuerons comme avant, dans le même cadre
constitutionnel, celui de la Vème République, avec les
mêmes modes de scrutin, le mêmes partis qui nous sont familiers,
les mêmes références à l'Europe, au travail, à notre vécu
installé par De Gaulle, depuis bientôt 60 ans, ou bien nous allons
commencer à tourner cette page, avec crainte mais avec
détermination.
C'est
cela que vont indiquer les résultats du 23 avril. Pas ceux du 7 mai,
quand nous aurons repris le chemin de la bipolarisation, avec deux
candidats qui, ou pour l'un, ou pour l'autre, ou pour les deux,
n'incarneront plus la droite et la gauche traditionnelles mais
toujours ce monde politique à deux faces qui n'appartient qu'à
nous. Ne voter qu'au deuxième tour n'y changerait rien.
Car,
en juin, nous retrouverons les mêmes règles de désignation de nos
députés avec un mode d'élection à la proportionnelle toujours
banni, contrairement à ce qui se pratique dans la plupart des pays
de cette Europe, elle aussi à modifier dans son fonctionnement, et
dont nous ne pourrons sortir (quoi qu'en aient dit le plus grand
nombre des candidats). Nous n'en avons pas fini d'être indécis...
Sachons,
pourtant, qu'il nous faudra échapper à cette indécision, une fois
éliminées les causes qui l'expliquent ou même la justifient. Nous
ne pourrons, en effet, rester, indéfiniment, sur le seuil de la
porte de sortie ou d'entrée
d'une République vers une autre.
Notre
nation vit de nouveaux jours et, qu'elle se referme totalement sur
elle-même, qu'elle se fige dans ses habitudes même devenues
obsolètes, qu'elle se fasse un modeste lifting politique pour
perdurer telle quelle, ou enfin, qu'elle ose s'ouvrir à d'autres
organisations de notre démocratie, rien ne sera plus tout à fait
comme avant.
Nous
voici donc au pied d'un mur un peu haut, qu'il est périlleux de
franchir, mais que nous aurons à sauter tôt ou tard. Les raisons
politiques de l'indécision se sont alourdies et multipliées. On
peut mieux les comprendre mais elles ne fournissent pas la réponse à
la question majeure qui nous est posée : comment redonner
sens, confiance et dynamisme à la politique non politicienne dont
dépend notre vie quotidienne ?
Pour
moi, et je douterai comme beaucoup jusqu'au bout, seul Jean-Luc
Mélenchon, en dépit de toutes ses insuffisances, a ouvert la porte
d'une sortie honorable d'un passé qui nous paralyse et nous éloigne
des responsabilités qui sont les nôtres et pas uniquement celles de
nos élus où qu'ils siègent, au palais de l'Élysée ou au palais
Bourbon.
En
toute solidarité.
Jean-Pierre
Dacheux
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