Le
troisième et dernier temps d'une campagne à surprises
Le
point au 9 avril 2017. Note 35 à J-11
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
voulons continuer d'analyser l'évolution de la situation politique
pendant la campagne électorale ouverte, en réalité, depuis la fin
2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux
précédents présentés et, depuis le 20 mars, sous le titre : «
Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises »
Chacun de ces textes peut être contredit, sans doute, parfois, par
les événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et
même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour
effectuer cette activité politique chronologique.
Nous
sommes entrés, depuis lundi passé, dans la campagne dite
« officielle ». Cela signifie surtout que les onze
candidats disposeront, durant les deux dernières semaines, d'une
égalité de temps de parole et d'image, dans les médias. C'est
formel et, disons le, passablement hypocrite. C'est depuis la
désignation des candidats par le Conseil constitutionnel que ce beau
principe devait être mis à exécution. Il y aura eu, bel et bien,
des grands et des petits candidats, inégaux en moyens et en soutiens
...
Des
questions politiques fondamentales auront aussi été inégalement
traitées par les candidats. Souvent, elles les gênent par crainte
du désaveu des électeurs. On les évite donc ou on les survole
(quand on ne les maltraite pas!). François Mitterrand n'avait pas
agi ainsi, en 1981, pour la peine de mort. Parmi les questions
maltraitées ou « mal-traitées », il en est au moins
quatre qui méritaient un tout autre sort :
•
dans quelle Europe politique va vivre la France au cours des
prochaines décennies ?
•
la France peut-elle encore se payer une force de frappe qui ne
la protège plus ?
•
La France peut-elle continuer à n'accueillir qu'un nombre minimal de
réfugiés ?
•
La France peut-elle ne pas lutter plus contre la dévastation
écologique de la planète ?
1
- La majorité des candidats rejettent, en tout ou partie, l'Union
européenne.
Soyons
clairs : l'appel au Frexit ne sera pas entendu. Le retour au
franc est impossible. Cependant, la non prise en compte du vote des
Français, en 2005, lors du referendum sur les institutions
européennes, a fait reculer, dans l'opinion, bien plus que l'idée
européenne : la confiance en la démocratie elle-même. Les
élections européennes sont désertées. L'Europe est surtout un
marché, cogéré par les dirigeants des États-nations qui
pratiquent une quadrature du cercle politique intenable :
partager et conserver un pouvoir qui n'est ni national ni fédéral.
Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, qu'une logique
nationaliste progresse et que seule domine l'Europe du capital,
laquelle déborde les limite des États ou subvertit les centres de
décisions grâce au système des lobbies, très efficaces à
Bruxelles comme à Strasbourg.
Refonder
l'Europe donc, devient une question de vie ou de mort pour l'Union
européenne
car, tant que les peuples ne pourront pas s'approprier pas l'idéal
européen, l'Union n'aura aucun avenir, s'étiolera ou finira par se
se dissoudre. Nous reviendrions, alors, à la situation antérieure
génératrice de guerres. « Le
nationalisme, c'est la guerre » : tel fut le message
ultime de François Mitterrand dans son dernier discours de
président, à Berlin, alors que, cerné par la mort, il tenait à
peine debout. Le rejet des tentations nationalistes (en Autriche, aux
Pays-Bas, espérons-le en France, cette année, ne suffira pas). Les
questions qui nous poignent débordent nos frontières et pas
seulement les désordres climatiques ou les entrées de réfugiés
économiques, climatiques ou politiques, mais aussi le recours à des
armements de plus en plus sophistiqués et violents qui sont utilisés
à nos portes au Moyen-Orient ou en Ukraine, sans oublier la menace
des menaces, la menace nucléaire. L'Europe a de quoi se
re-constituer. C'est l'une des urgences principales. Les candidats
(et pas seulement ceux qui critiquent sans proposer) ont trop peu
ouvert de voies de recherche et de travail sur le sujet !
2
– L'arme atomique n'est plus (a-t-elle jamais été ?) le meilleur
des moyens de défense ?
Les
candidats abordent, presque tous, cette question en prenant des
pincettes et en se bouchant le nez. S'il y a eu consensus, dans
l'opinion publique, jusqu'ici, c'était pour dire que la dissuasion
nucléaire nous protègeait. Cette conviction recule et reculera plus
encore quand les arguments seront examinés au niveau planétaire et
même européen. Pourquoi ne dit-on pas que le 23
décembre 2016, l'Assemblée Générale de l'ONU a adopté, par
113 voix pour, 35 contre, et 13 abstentions, la résolution L.41
convoquant, en 2017, (du 27 au 31 mars, puis du 15 juin au 7 juillet)
«une conférence chargée de négocier un instrument
juridiquement contraignant d'interdiction des armes nucléaires
conduisant à leur élimination totale » ?Alors
que se déroulait la campagne électorale, en France, les travaux de
cette conférence se sont donc engagés, le 27 mars dernier, sans
qu'on les évoque ! Ils reprendront, le 15 juin, peu après
l'élection du nouveau président de la République française.
Comment est-il possible que nous connaissions si mal les intentions
du futur Chef des Armées ?
3
– Ne nous bouchons pas les yeux : il y aura de plus en plus de
réfugiés en Europe
Les
« entrants » (qu'on a tort d'appeler migrants, qui sont
des réfugiés mais aussi des exilés contraints) fuient vers les
pays riches et paisibles, dont nous sommes. Ils ne font pas du
tourisme ! Ils risquent leur vie et parfois la perdent
(notamment en Méditerranée) quand ils cherchent accueil et asile
pour éviter la guerre, la famine ou la torture. Les survivants qui
se présentent aux portes de l'Europe, en Grèce et en Italie, sont
souvent refoulés quand ils franchissent les frontières des États
limitrophes, sans que joue la solidarité entre les États de l'Union
européenne. Ce repli sur nos propres sols nous condamne car nous
trahissons les droits de l'homme dont nous réclamons ainsi que les
traités internationaux, notamment la Convention de Genève sur les
réfugiés qui s'impose à tous depuis des décennies.
L'Allemagne
et plusieurs pays scandinaves exceptés, les États de l'Union
européenne limitent, interdisent ou font physiquement obstacle à
la venue de ces populations dans la détresse. L'argument selon
lequel il s'agit d'intrusions musulmanes auxquels se mêleraient des
assassins islamistes ne résiste pas à l'examen ou alors, c'est
généraliser de très rares exceptions ! Au reste tous les
réfugiés ne sont pas musulmans.
La
France est loin d'être exemplaire en matière d'accueil, et les
candidats n'abordent guère le sujet hormis, peut-être, récemment,
Jean-Luc Mélenchon à Marseille. Plus généralement, c'est de la
définition d'une politique non ambiguë dont nous manquons et comme
le phénomène n'est pas près de prendre fin, n'en pas parler, ou si
peu, c'est fermer les yeux sur notre avenir. L'incendie du centre
d'accueil de Grande-Synthe, survenu ce jour, là où une municipalité
s'efforçait de faire face à ses responsabilités, est là pour nous
rappeler, s'il le fallait, la permanence de situations tragiques qui
ne disparaitront pas toutes seules en s'en tenant à la force ou aux
discours. Il importe de proposer des solutions positives en
s'appuyant sur des réussites locales qui en témoignent.
4
- Les bouleversements climatiques sont aussi dus à nos activités
économiques irresponsables
Les
négationnistes climatiques fussent-ils à la tête de la plus grande
puissance économique au monde, les USA, ont perdu la partie. Le
débat scientifique, après quelques soubresauts, a été tranché :
une économie trop carbonée entraîne un réchauffement climatique
très dangereux pour les générations à venir et, d'ores et déjà,
pour nous-mêmes.
Il
n'est que deux candidats qui en tiennent compte réellement :
Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. L'appel des solidarités lancé
le 23 mars dernier par 80 associations (aujourd'hui 130), sous
l'impulsion de Nicolas Hulot, alerte aussi les électeurs : sans
une solidarité écologique planétaire, nous courons, élections ou
pas, vers un désastre mettant en péril nos civilisations, voire
l'espèce humaine tout entière. À côté de cette évidence,
aucune politique particulière, limitée à un espace national ne
peut résister.
Et
là, il faut, comme disait Michel Rocard, « parler vrai » :
le système économique dominant depuis fort longtemps, s'est
lui-même mis en contradiction : produire plus ne génère pas
plus de profit utile mais beaucoup plus d'inégalités et de
confiscation des ressources au détriment de la majorité des
populations. Ce qui est intenable et ne peut qu'engendrer les
conflits les plus meurtriers.
Profiter
du débat politique inhérent à toute campagne électorale est
indispensable mais à condition de ne pas s'en tenir à un rôle de
citoyen-spectateur. Comme on le voit aux USA, des citoyens-acteurs
peuvent peser sur les décisions des élus les plus fermés et
brutaux. Nous ne savons ce que notre propre avenir nous réserve. Se
placer dans une posture de résistance ou de coopération à la
transormation commence dès à présent.
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