Le
troisième et dernier temps d'une campagne à surprises
Le
point aux 16 et 17 avril 2017 (jours de Pâques). Note 40 à J-6
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
continuerons d'analyser jusqu'au 6 mai l'évolution de la situation
politique pendant la campagne électorale ouverte depuis la fin
2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux
précédents et présentés, depuis le 20 mars, sous le titre : «
Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises »
Chacun de ces textes peut être contredit, sans doute, parfois, par
les événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et
même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour
effectuer cette activité politique chronologique.
Nous
avons plusieurs fois cité la philosophe Simone Weil qui, dès 1943,
peu avant sa mort, avait démontré, dans sa Note sur la
suppression générale des partis politiques (mainte fois
rééditée, entre 1950 et 2016) que « l'idée même de
parti n'entrait pas dans la conception politique française de 1789,
sinon comme mal à éviter. Mais qu'il y eut le Club des
Jacobins... ». Autrement dit « le totalitarisme
est le péché originel des partis ». Nous avons la
faiblesse de croire, avec elle, que « les partis sont des
petites Églises profanes armées de la menace d'excommunication »
qui rendent « confortable de ne pas penser ».
Et
pourtant, l'article 4 de notre constitution a « scellé dans le
marbre », comme l'on dit souvent, l'existence et le rôle des
partis. On peut y lire : « Les
partis et groupements politiques concourent à l'expression du
suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils
doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de
la démocratie ». Mais
respectent-ils, à présent, les principes de la souveraineté
nationale et de la démocratie ? On commence à en douter.
Car
la campagne présidentielle laisse apparaître (ce qui trouble et
rend indécis) que les partis ne constituent plus des repères fermes
et clairs pour les citoyens.
Qu'on
en juge :
1
- Des candidats issus du fonctionnement des partis sont pris dans un
piège qui ruinent leurs chances d'être élus. Les primaires ont
éliminé des candidats sans les remplacer par des postulants
crédibles ou acceptés. Fillon ou Hamon sont fragilisés si bien que
les deux partis qui se partageaient le pouvoir (« Les
Républicains et le PS) sont entrés en grande turbulence et
pourraient s'en trouver blessés à mort ou, eux aussi, marginalisés.
2
– Sans tout croire des sondages, on peut admettre qu'il n'est plus
que quatre candidats pouvant l'emporter. Deux sont portés par un
parti : Fillon ( soutenu, plus ou moins, par « les
Républicains ») et Le Pen ( soutenue par un FN que les
électeurs considèrent comme dangereux). Deux s'appuient sur des
mouvements (En marche pour Macron et La France insoumise
pour Mélenchon). Le PS est d'ores et déjà hors circuit et, avec
lui, son satellite, Europe Écologie les Verts, qui n'a jamais
trouvé le chemin de son autonomie véritable.
3
– Si au second tour, ni « Les Républicains » ni le PS
n'ont de représentant - ce qui est possible voire probable -, le
système politique de la Vème République sera défait
avant même que les institutions n'aient été modifiées par le
Parlement ou par referendum. Nombre de députés ne se représenteront
pas, frappés qu'ils sont par la loi relative au non cumul des
mandats (une bonne loi, du reste incomplète). C'est donc aussi à un
renouvellement générationnel que nous pourrions assister. À quoi
s'ajouteront des désignations effectuées majoritairement hors
partis traditionnels si l'emportent Macron ou Mélenchon.
4
– L'utilité des partis pouvait se soutenir quand le niveau moyen
intellectuel de la population était encore faible et avait besoin de
porte-parole formés. Cynthya Fleury, philosophe, sur France Culture,
ce lundi de Pâques, ose parler à présent, d'une « imbécillité
politique » à laquelle nous assisterions et qui repousse
nombre de citoyens éclairés ou écœurés vers l'abstention ou le
retrait. L'instrumentalisation de fractions de l'opinion, fut-elle
savante, par des spécialistes de la communication dans les partis et
les médias n'est plus acceptée. Nous sommes entrés dans une
période politique de modification des comportements politiques où
les partis ne seront plus les seuls ni même les premiers à
déterminer les choix des Français.
5
–Tout n'est pas dit ! Les partis reculent, ne sont plus
déterminants, mais ne sont pas morts. On va le voir lors des
prochaines élections législatives. Les partis, même en déclin,
restent équipés pour faire surgir des candidats et organiser les
élections, circonscription par circonscription. Il est des chants du
cygne qui sont fort sonores...
En
conclusion, ne confondons pas les signes d'une mutation inéluctable
qui va produire des effets, dès dimanche prochain, et son
installation durable et sans retard ! De tels bouleversements
prennent du temps. Les partis, depuis si longtemps présents dans nos
assemblées et plus encore dans nos esprits, vont - et je l'espère !
- régresser, mais ne vont pas être effacés du paysage politique
sur un coup de baguette magique, ou alors nous serions menacés par
une dictature. Laissons les expressions citoyennes s'épanouir, comme
ce fut le cas avant la Révolution française, avec la
constitution des Cahiers de doléance, village par village, quartier
par quartier, et ne laissons pas réapparaître des néo-clubs de
Jacobins, ces chapelles nationalistes qui empêchent de regarder
l'ensemble des réalités planétaires dont dépend notre avenir et
pas seulement au sein de l'Europe. Puisse la campagne électorale,
pas si « nulle » que ça, in fine, avoir permis ou
annoncé cette révolution dans les idées.
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