Les
législatives, inséparables des présidentielles
Le
point au 18 juin 2017. Note 80
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
continuerons d'analyser l'évolution de la situation politique
jusqu'au 18 juin. L'analyse des résultats complets des deux tours
des législatives nous retiendra encore quelques jours après. Fin
juin 2017, nous regrouperons, en un seul et même document, toutes
les notes précédentes.
On
y voit un peu plus clair : ce qui aura marqué les élections
législatives, c'est la contradiction entre les faits que décrivent
les mots abstention (avec sa conséquence probable sur le mode
de scrutin ), « dégagisme » (avec le renouvellement jamais
encore vu du personnel politique) et droitisation (avec le
regroupement de la plupart des sensibilités libérales « et de la
droite et de la gauche ») autour du nouveau Président !
1
– L'abstention, fait historique majeur.
Il
faudra un peu de temps pour mesurer l'importance de cette abstention
pesant, à elle seule, plus que l'ensemble des votants. Pour
l'instant on en relativise l'impact. Demain pourtant, ses causes
politiques vont se trouver révélées : les jeunes et les modestes
qui auront été profondément démotivés, vont en partie revoter là
où il y a un enjeu. Au contraire, partout où le choix n'est plus
qu'entre La République en marche et Les Républicains
(en fait la droite libérale recomposée et la droite traditionnelle
à la dérive), de nouveaux électeurs vont s'abstenir ou, de
nouveau, comme aux présidentielles, voter blanc. L'abstention
politique ne sera plus seulement celle des désabusés, des déçus,
des désenchantés, mais aussi celle des refusants, des clairvoyants,
des réveillés de l'ex-gauche qui ne peuvent favoriser une droite
plutôt qu'une autre.
Plus
encore : désormais si le choix est rendu impossible on s'autorisera
à ne pas voter ou à voter blanc. Le précédent a été créé. Ce
n'est plus être un « mauvais citoyen » que de ne pas voter. Ne pas
voter, c'est voter, c'est donner un avis, violent, mais c'est un
avis. C'est se donner la liberté de ne pas aller contre sa propre
pensée. L'élection ne sera plus un piège. Pour que le choix soit
clair, il importe que ce qui est proposé aux électeurs le soit. Ce
débat est clos : il a été rendu possible de s'abstenir s'il s'agit
d'une conviction politique et il n'est donc plus possible de ne pas
en tenir compte. «
La
vague macroniste a trouvé plus fort qu’elle. D’ores et déjà,
l’abstention est et restera la grande gagnante de ces législatives
»
écrit Jacques Lucchesi dans sa tribune publiée sur Agora vox.
La
non victoire des votants ne signifie pas victoire de l'abstention.
Mais tout n'est pas dit. Il faut aller plus loin : L'abstention est
due à la non reconnaissance du vote blanc. L'impossibilité de ne
pas choisir est antidémocratique.
Mais
osons avancer d'un pas encore : si l'abstention était prise en
compte, le Parlement serait à moitié vide. Près de 300 sièges
resteraient vacants. La REM (mieux vaut ce sigle que LREM) n’aurait
plus que 12,7% des voix et le PS, encore le gros perdant de ses
élections législatives, n’obtiendrait qu’un seul tout petit
siège du haut de ses 3,5 %.
Formellement,
le processus démocratique a fonctionné et fait apparaître une
majorité qui est légale pour prendre des décisions, pour
légiférer. Seulement, cette majorité n’est pas légitime parce
qu’elle représente une fraction d’opinion extrêmement
minoritaire. (Les députés de REM – à l’image du président
Macron – seront les plus mal élus de la Vème
République, car les candidats de l’alliance En Marche / Modem
n’ont recueilli, au premier tour que 15,4% des électeurs inscrits.
Voir
aussi : https://fr.wikipedia.org/wiki/Abstention
2
– Mélenchon l'a voulu, Macron l'a réalisé : le « dégagisme »
est ... en marche !
D'ores
et déjà, et quelle qu'en soit l'ampleur, le 18 juin au soir, le
renouvellement du personnel politique est chose faite. Renouvellement
générationnel, féminisation plus importante, effacement du Parti
socialiste, fort recul des Républicains, arrivée massive d'élus
néophytes. C'est du jamais vu.
Le
phénomène n'est pas dû qu'à la volonté du Président et à ce
que lui a permis un mode de scrutin binaire et tranchant, il
accompagne une défiance à l'égard des partis institués qui ont
gravement déçus au cours des deux quinquennats précédents. Le
vote sanction a joué à plein. Il donne certes des pouvoirs accrus
au nouveau Président, mais il contient un avertissement : si vous
décevez, vous disparaitrez, à votre tour, au terme de ce nouveau
quinquennat ou ... avant à l'occasion d'un référendum raté, par
exemple.
Le
dégagisme, cette possibilité de chasser les élus dont on ne veut
plus entendre parler, s'est presque banalisé ! Il est à rapprocher
de l'abstention : je peux ne pas m'associer à ce qui ne m'est plus
supportable.
3
– Une droitisation s'est opérée.
Le
recentrage macronien aura permis de donner le pouvoir à une élite
néo-libérale qui assume, sans état d'âme, des choix économiques
qui sont et seront durs à vivre pour les Français modestes et pour
tous ceux, Français ou pas, qui sont dépendants des puissances
d'argent. C'est l'une des contradictions de cette élection
surprenante. La droite conservatrice et traditionnaliste, que pouvait
incarner François Fillon, a été défaite. La tentation de la
droite la plus extrême, que représentait Marine Le Pen a été
écartée. Et pourtant, c'est une une droite nouvelle qui a émergé
et qu'a rejoint une large partie des socialistes infidèles à
eux-mêmes. La gauche, elle aussi nouvelle, qui a été présentée
au pays par Jean-Luc Mélenchon, n'a pas eu le temps de se substituer
au PS défaillant. Rénover une opposition qui doit dépasser la
gauche traditionnelle en échec ne s'effectuera pas sans difficultés.
Concevoir une politique écologique et sociale crédible, qui soit en
lien avec tous les expérimentateurs de modes de vie supportables et
créatifs a besoin de temps. Ce temps vient-il de s'ouvrir ou de se
refermer ? La droite néo libérale n'est pas moins redoutable
que la droite dure et elle voue une
haine à peine dissimulée pour la société en mutation qui
apparaît. Elle n'est pas en capacité de penser un monde
désoccidentalisé et d'une pluralité sans équivalent historique
connu. Bref, les esprits les plus ouverts restent conditionnés par
le mode d'organisation économique et sociale capitaliste. Et c'est
cette droite « acceptable » que nous ne devons en aucun
cas accepter.
Il
importe de nous préparer à l'après-élections. Attendre 2022
serait inexcusable. Tout n'est pas dit le 18 juin 2017. Si grands
soient les changements attendus, la vie politique ne va pas
s'arrêter. La démocratie, une fois encore, n'est jamais en suspens
! Lire, écrire, dialoguer, analyser, comprendre, prendre des
initiatives sera plus que jamais indispensable et mobilisera
toujours plus de citoyens. L'ordre dans lequel nous aurons à
travailler les dossiers les plus urgents commence à se déterminer.
Il sera mieux fixé une fois connus les rapports de force mesurés
par la dernière consultation, mais pas seulement. Les événements
qui surgissent pèsent aussi, et souvent immédiatement, sur les
débats publics. La catastrophe de Fukushima avait accéléré la
décision du gouvernement allemand d'abandonner l'énergie d'origine
nucléaire. Être constamment prêt est une exigence qui demande une
grande solidarité intellectuelle entre ceux dont les analyses sont
proches.
Nul
n'échappera à ce travail de renouvellement de nos pensées et pas
seulement ... nos parlementaires !
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