Après les présidentielles et les législatives
tirer
des enseignements.
Le
point au 26 juin 2017.
Note III
Note III
par
Jean-Pierre Dacheux
Des abstentions, il n'est déjà plus question ! Les 57% d'électeurs inscrits qui n'ont pas poussé la porte des bureaux de vote sont devenus quantité négligeable. Le caractère exceptionnel, historique, de ce repli politique n'a pas commencé à faire l'objet d'analyses sérieuses. Il semble, pourtant, qu'on n'a pas fini d'en parler. Nous voulons pas, pour notre part, passer à côté de l'événement.
1
– La démocratie représentative est-elle dans une impasse ?
Le
slogan des années 1968 « Élections, piège à cons ! »
semble avoir de plus en plus d'écho dans l'opinion publique. Il
s'ensuit une crise de légitimité que révèlent trois symptômes :
- on vote de moins en moins ; - la constance des électeurs à
l'égard d'un seul et même parti s'est évanouie ; -
l'appartenance à un parti politique a, du reste, fondu. C'est « le
règne de l'électeur flottant ». Les raz-de-marée électoraux
se banalisent et les institutions de la cinquième République le
facilitent.
David
Van Reybrouck, dans son essai Contre les élections, (paru
chez Actes-sud, en février 2014), tente une analyse historique
rigoureuse de cette évolution, notamment dans son chapitre II (pp.
29-71). On peut en extraire quelques constats, certains impitoyables.
•
Le peuple fut déclaré souverain par les Révolutions américaine
(1776) et française (1789) bien avant l'apparition des partis
politiques, apparus après 1850. Ce peuple, en vérité l'élite
bourgeoise, avait peu à voter et était censé défendre, l'intérêt
public face au pouvoir royal. On sait ce qu'il en advint, notamment
en France, pendant les périodes de restauration et impériales. On
commença à parler de vote démocratique seulement avec
l'introduction, en 1848, du suffrage universel masculin. Le premier
scrutin « démocratique », in fine pervers,
conduisit à la candidature d'un quasi-inconnu, élu grâce à son
nom, Bonaparte, face à l'illustre poète Lamartine. Ce fut, déjà,
le début de la désillusion et de la tromperie électorale.
•
Cent ans plus tard, La déclaration universelle des Droits de
l'Homme, en son article 21, chapitre 3, affirmait que « La
volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs
publics » ; et soulignait que « cette volonté
doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu,
périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou en
suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote ».
Pourquoi tant de détails ? Qui dit démocratie
dirait donc élections ? On peut douter que l'URSS et d'autres
États signataires en aient fait, à l'époque, ce bon usage. Cette
forme de démocratie à l'occidentale, imposée ensuite,
universellement, aux peuples dominés, notamment en Afrique et au
Proche-Orient, n'a pas convaincu.
•
Nous sommes devenus des « fondamentalistes des élections »
et en avons fait non pas une méthode, un moyen, contribuant à la
démocratie mais un but en soi, un principe sacré, une condition
sine
qua non
de la démocratie véritable. Que n'avons-nous entendu Rousseau qui,
dans le
Contrat social,
27 ans avant la Révolution française, avertissait déjà, à propos
de la situation anglaise : «
Le peuple anglais pense être libre ; il se trompe fort, il ne l'est
que durant l'élection des membres du parlement. Sitôt qu'ils sont
élus, il est esclave, il n'est rien.» Serions-nous
sur le point de saisir, à notre tour, 265 ans plus tard, que
déléguer, c'est perdre le pouvoir et que mieux vaut alors ne pas
voter ?
2
- Nous sommes en « post-démocratie ».
On
peut considérer que ce terme, créé, dès
2004, par le sociologue britannique, Colin Crouch,
désigne un système politique qui, succédant à la démocratie,
affiche des principes démocratiques, qu’en réalité il ne
respecte pas.
On
en distingue souvent deux grandes formes : une forme douce ou
policée, à dominante technocratique, marquée par la confiscation
du pouvoir citoyen dans le cadre d’une « gouvernance »
supranationale (lobbies, organismes internationaux). Pour beaucoup,
nous y serions déjà ! Et une forme violente, à dominante
autoritariste, qui est celle des régimes totalitaires ou
post-totalitaires.
Ainsi,
entre la fausse démocratie caricaturale, la démocratie autoritaire,
et la dictature totalitaire et sanglante, la post-démocratie peut
prendre plusieurs visages, plus ou moins terrifiants.
On
peut aussi décrire la post-démocratie comme un régime qui
n’accepte plus les règles de base du jeu politique démocratique,
dont celle de la séparation des pouvoirs, définie par Montesquieu.
Un déséquilibre s’installe avec l’hypertrophie de l’exécutif,
qui réclame toujours de nouveaux pouvoirs, et tend à museler le
législatif, comme le judiciaire. La
philosophe belge, Chantal Mouffe : affirme que « Macron,
c'est le stade suprême de la post-politique ».
Elle reproche au nouveau président d’être la parfaite incarnation
d’une politique qui interdit le débat en reléguant aux extrêmes
toute opposition afin d’imposer des idées libérales.
Post-démocratie et post-politique se confondent alors et nous sommes
entrés dans cette progression-régression !
Le
tableau est sombre. Comment donc a-t-on pu basculer dans cet au-delà
de la démocratie ? L'hypothèse que nous formulons est que depuis le
TINA de Margaret Thatcher (There Is No Alternative ... au
capitalisme), les résultats des élections doivent correspondre et
non s'opposer à la volonté des décideurs économiques. Aux médias
de faire le nécessaire ; ils sont payés pour ça.
Sur
la post-démocratie, on peut lire le texte complet de Charles Hadji,
en consultant la référence ci-dessous :
https://www.contrepoints.org/2017/04/01/285743-post-democratie-fatalite
Sur
la post-politique à laquelle il nous revient de résister, on peut
lire aussi: Construire un peuple, de Chantal Mouffe, Editions
du Cerf. (avril 2017).
Tant que, des urnes, ne jaillira pas l'espérance d'un monde juste, il ne faudra plus compter sur un vote populaire : tel est le sens de l'abstention politique. Nous ne pouvons oublier que le suffrage universel a été tronqué, réduit, manipulé par des volontés cyniques. Un corps électoral incomplet, dont la liberté de vote est limitée, devait un jour, entrer en rébellion. Nous abordons ce temps de la contradiction où plus de politique entraine moins de votants. Il importe de comprendre pourquoi.
Ce
sera l'objet d'une nouvelle et prochaine note.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N'hésitez pas à poster un commentaire.