Les
législatives, inséparables des présidentielles
Le
point au 15 juin 2017. Note 78, à J-3 du second tour.
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
continuerons d'analyser l'évolution de la situation politique
jusqu'au 18 juin. L'analyse des résultats complets des deux tours
des législatives nous retiendra encore quelques jours après. Fin
juin 2017, nous regrouperons, en un seul et même document, toutes
les notes précédentes.
Du
« dégagisme » au « raz de marée », nous sommes passés du «
printemps français » à la dictature masquée. Ce n'est pas,
avons-nous constaté, par la voie électorale qu'on améliore, sous
la Vème République, la vie démocratique, dans notre
pays. Dure réalité.
1
- Nous étions prévenus :
Plusieurs
livres, que nous avons cités, nous avaient mis en garde. Antoine
Peillon, Antoine Bueno, David Reybrouck, reprenant la très ancienne
dénonciation d'Octave Mirbeau appelant à La Grève des
électeurs, soulignaient, en cette année électorale, l'inanité
et la vanité de tout vote qui-ne change rien, même quand cela en
prend les apparences. Thomas Legrand éditorialiste à France Inter,
avait déjà osé titrer, dans un livre paru, chez Stock, en 2014 :
arrêtons d'élire des présidents.
Les
résultats déjà connus confirment leurs analyses. L'abstention a
pris les dimensions d'un acte politique protestataire jusqu'alors
inconnu. Le remplacement, lui aussi inédit, de la plupart des
députés, non seulement ne modifie pas la politique présidentielle
mais l'aggrave. Le néo-libéralisme s'impose plus encore
qu'auparavant. Nous demeurons
dans une nuit démocratique.
Car,
soyons en conscients, quand peu de voix peuvent s'élever pour
proposer aux citoyens une alternative à la domination des riches, la
démocratie s'enkyste. Tant que la diversité des opinions politiques
ne pourra être représentée, à quoi bon voter !
Bref
une conclusion s'est imposée : sans proportionnelle, on fait dire à
la démocratie électorale le contraire de ce pourquoi elle existe.
2
– Rien ne changera depuis le Parlement.
La
corruption continue, l'état d'urgence se pérennise, le droit du
travail sera « réformé » : cela commence très mal.
Réformer,
c'est dans le discours du patronat, « envoyer à la réforme »
comme on le fait des animaux d'élevage devenus inutiles et conduits
à l'abattoir. Tout changement qui ne constitue pas un mieux pour les
intéressés ne mérite pas le nom de réforme. Le Parlement
autorisera à légiférer, dans le domine social, par ordonnances et
cette réforme régressive ne produira aucune amélioration
économique. C'est donc ailleurs que dans les Assemblées (car le
Sénat suivra) qu'il va falloir chercher des réponses au mal vivre
qui n'épargne que les favorisés. Il va falloir, 228 ans après,
proclamer, une nouvelle fois, et surtout mettre en œuvre, dès que
possible, l'abolition des privilèges.
Sans
l'appui et l'exigence du peuple des petits, dans la rue, c'est-à-
dire là où il reste possible de se faire entendre, (sinon où ?),
nous vivrons un quinquennat de stagnation et, de surcroît, sans
considération suffisante pour la mutation écologique radicale de la
planète. Élections ou pas, le monde entier bouge et n'en pas tenir
prioritairement compte nous condamne.
3
- La France n'est plus une grande puissance. Admettons-le.
L'opposition
principale au macronisme se situe là d'abord. Nos 66 millions
d'habitants ne représentent même pas 1% de la population
planétaire. Nous ne serons jamais plus la principale locomotive
économique de l'Europe, ni longtemps encore l'un des gendarmes du
monde. La politique de la France doit se penser en en tenant compte.
La grandeur de la France n'est ni dans sa taille, ni dans son armée,
ni dans son influence internationale. Ses atouts sont dans sa
capacité de création, d'innovation, dans sa culture, bref dans sa
bonne image toujours vivante en dépit de ses fautes.
Guillaume
Duval, rédacteur en chef d'Alternative économique a fait
reparaître, en mars dernier, son livre paru en 2015 : La France
ne sera jamais plus une grande puissance ? Tant mieux ! On y
trouve de quoi ne pas désespérer, même si les causes d'inquiétude
ne manquent pas.
On
y découvre pourquoi la nouvelle majorité (la droite nouvelle
attrape-tout, en fait), n'est pas équipée pour élaborer des
politiques adaptées au temps qui vient. Ce n'est ni au Louvre, ni à
Versailles que la France d'aujourd'hui peut se révéler coopératrice
et non dominatrice.
Une
opposition qui ne proposerait pas aux citoyens cette autre France
efficace et humble, située à sa place et non au-dessus de ses
partenaires européens ne servirait à rien. La chasse au bonheur est
ouverte et elle n'a pas besoin de fusils ni de bombes atomiques.
4
– Notre France n'est pas celle d'Emmanuel Macron. Là est la source
de notre opposition irréductible.
Il
y a deux gauches inconciliables affirmait Manuel Valls. Il y a aussi
deux France inconciliables.
Emmanuel
Macron diagnostiquait Raphaël Glucksmann, le 25 mars 2017, dans
l'Obs
« est le candidat libéral assumé et cohérent que la France
n’avait pas encore connu (le libéralisme supposé de la droite
française relevant jusque-là du conservatisme autoritaire) ». La
gauche inconciliable de Valls a, depuis, rejoint le parti libéral
de Macron.
Dans
un article du même Raphaël
Glucksmann, intitulé Gauche
année zéro,
on pouvait lire :
«
Face au défi inédit du nouveau parti libéral au pouvoir, (il faut)
réinventer une gauche sociale et écologique ». Cette gauche
sociale et écologique, l'autre gauche, qu'il faut se hâter de
rebaptiser, est celle de l'autre France, « européenne, cosmopolite,
rabelaisienne, cartésienne, voltairienne » et plus que jamais
rousseauiste ... une France à rebâtir après l'effondrement qui
s'est produit le 11 juin. Impossible de baisser les bras !
Rappelons-nous :
Si
tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et
sans dire un seul mot te mettre à rebâtir, etc..
dans
le poème de Rudyard Kipling (1910, traduit parAndré Maurois (1918)
La
France en marche, devenue la République en marche et
définie, toujours par
Raphaël
Glucksmann, comme le
parti libéral
se voit opposé La
France insoumise
et s'engage dans un conflit idéologique qui sera tendu, comme il
convient dans une démocratie vivante.
***
Peu
importe les effectifs des députés. La vérité politique ne dépend
pas d'un nombre mais de la force des arguments et de leur réception
par les citoyens. Le 18 juin prochain ne marquera pas une fin, mais
un commencement. Une France libérale ne peut perdurer indéfiniment
surtout dans un contexte international très mouvant qui change de
mondialisation. Même le Président des tout puissants États-Unis
est à la peine. La première ministre du Royaume-Uni plus encore.
Sanders, Corbyn, Mélenchon osent s'en prendre au libéralisme
économique et, contrairement aux jugements hâtifs des médias, ils
tiennent bon, même défaits, et leur voix porte. Au-delà des
personnalités en vue, l'action démultipliée des Français et de
bien des peuples étrangers, modifie le monde en profondeur. Nous en
voyons déjà les premiers effets. Nous nous inscrivons dans cette
dynamique imperméable à toute résignation. La France ne deviendra
pas, par le biais d'une élection suivie d'un autre, un pays libéral
! C'est contraire à son être même.
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