Un
deuxième temps intermédiaire et décisif .
Le point
au 3 mars 2017.
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
voulons, au cours des mois qui vont continuer de s'écouler,
analyser l'évolution de la situation politique pendant la campagne
électorale qui s'est ouverte depuis la fin 2016. Chaque texte,
daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux précédents
présentés sous le même titre : « Avec ou sans primaires »,
puis, à présent, « un deuxième temps, intermédiaire et
décisif » (qui durera jusqu'au 17 mars, date de clôture des
candidatures). Il peut être contredit, sans doute, parfois, par les
événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et même
document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer
cette activité politique chronologique.
Du jamais vu ! Chaque
jour offre une information nouvelle !
1 - Des candidats en
perdition ou à la dérive qui cherchent l'appui populaire qui n'est
encore massivement accordé à personne !
•
Cette campagne présidentielle passe du « joué d'avance »
au « tout est possible » ! Après la primaire de la
droite et du centre, François Fillon était le président tout
désigné et le voici en position de n'être pas présent au second
tour. Ceux qui le soutenaient l'abandonnent, le fuient ou le
suivent à regret... C'est, depuis 1965 (qui avait vu, tout de même,
De Gaulle en ballotage), la plus surprenante, la plus indécise, la
plus inattendue des élections présidentielles. Et tout n'est pas
encore dit. La politique s'emballe. Les électeurs s'alarment. Tout
peut arriver.
•
Marine Le Pen est toujours en tête des sondages mais elle aussi est
rattrapée par des affaires d'argent et de financement des assistants
parlementaires. Son agressivité contre les juges et les
fonctionnaires ressemble à celle de François Fillon, en pire. Elle
refuse de répondre aux convocations des enquêteurs (ce que ne fera
pas Fillon), mais elle s'ouvre comme lui à une critique : un
président de la République est protecteur des institutions et
notamment de la Justice. Elle ruine ses chances pour le second
tour, car si ses soutiens lui sont inconditionnellement acquis,
nombre des électeurs à gagner pour atteindre les 51% ne la suivront
pas dans cette guerre aux journalistes, aux juges et à tout ce qui
contrarie ses ambitions.
•
Dimanche passé, c'était « la fronde des anti-frondeurs »
qui s'opposait à Benoît Hamon au sein du PS ! Après avoir
organisé des primaires, fait semblant d'accepter la victoire de
Benoît Hamon, les principaux dirigeants du PS refusent la politique
qu'il a défendue et qui l'a fait gagner. Il
lui faudrait ne pas se désolidariser du quinquennat après l'avoir
tant critiqué. C'est absurde et intenable. Cette fois ce
n'est plus la droite des « Républicains » qui disparaît
de l'écran, mais la fausse gauche du parti socialiste dans sa
majorité ! Il n'est d'autre issue pour Hamon que celle d'une
rupture avec le parti dont il était censé devenir le héraut.
Cela ne peut que l'affaiblir sauf s'il trouve à qui s'allier, mais à
qui ?
•
Yannick Jadot lui a apporté le soutien d'EELV qui sera sans candidat
pour la première fois depuis 1974. C'est non seulement un apport
insuffisant mais c'est un marché de dupe, un hara-kiri politique. La
garantie d'avoir un nombre augmenté d'élus aux législatives repose
sur un accord avec le PS lequel ne l'accepte pas plus qu'il n'accepte
le virage écolo de Benoît Hamon. En outre Jadot n'avait pas de
raison de se rapprocher plus de Hamon que de Mélenchon, du seul
point de vue de l'écologie ! Le prétexte est donc à
rechercher du côté de la politique européenne, mais ce n'est pas
de l'Europe en général qu'il faudrait débattre mais du contenu
d'une rénovation dont on n'a pas vraiment entendu parler. EELV
est privée de son rôle à jouer et Jadot ne peut plus que servir de
faire valoir au côté d'un candidat en marge de son parti !
C'est bien peu...
•
Le seul à se renforcer semble être Emmanuel Macron, qui talonne
Marine le Pen dans les derniers sondages, mais comme ses soutiens
sont de moins en moins tournés vers la gauche, il perd ce qu'il
avait gagné et risque de voir dégonfler le nombre des intentions de
vote en sa faveur. Il incarne désormais le recours de ceux qui se
détournent de la gauche et combattent le FN. Et ce n'est ni
Bayrou, ni Cohn-Bendit ni les transfuges du PS qui vont suffire à
lui donner une cohérence politique réelle. Il est, actuellement le
mieux placé pour l'emporter au second tour mais, là aussi, les
zones de faiblesses s'élargissent. L'utilisation de fonds de son
Ministère pour sa pré-campagne ne lui a pas été préjudiciable
mais ce qui va lui être reproché, c'est d'avoir fait semblant de
lâcher Hollande pour mieux torpiller le PS qu'il
siphonne à présent ! On ne sait où il est ni où il va
et cela n'a rien à voir avec un accord double avec une partie de la
droite et une partie de la gauche... C'est une aventure
personnelle. Il est arrivé que cela se traduise par un succès mais
rien n'est acquis pour lui non plus. Impossible de vendre la peau de
l'ours présidentiel qui n'est pas encore tué.
•
Quant à Jean-Luc Mélenchon, le voici bien seul. Les
qualités de ce tribun et de ce penseur sont reconnues mais ne lui
ont pas permis, jusqu'ici, d'effectuer la percée qui lui est plus
qu'à d'autres encore nécessaire. Si l'on y ajoute la friabilité du
soutien du PCF qui ira, in fine,
vers ce qui lui garantit le plus de députés, pour Mélenchon aussi
il faut s'affirmer par-dessus les partis et il en a au moins deux
« dans les pattes ». Il faut chercher là, sans doute une
des raisons pour lesquelles le PS actuel (pas ses électeurs) penche
plus vers Macron que vers Hamon.
Le blocage d'une entente entre le deux candidats, en réalité
proches l'un de l'autre, tient à ce que rompre avec les appareils et
leurs habitudes n'est toujours pas possible !
C'est totalement au-dessus des moyens d'organisations centralisées
et marquées par une histoire totalement éloignées de cette gauche
inédite, à venir, et qui associe de la façon la plus étroite le
social et l'écologique.
2
– Les parrainages (ou « présentations ») tombent
auprès du Conseil constitutionnel depuis le 24 février et il en
sera ainsi jusqu'au 17 mars à 18 heures..
•
Là aussi se trouve une nouveauté qui va peser sur le scrutin. Selon
la loi, à présent, chaque candidat doit recueillir 500 parrainage
d'élus qui doivent envoyer directement, par la poste, leur
formulaire de soutien au Conseil Constitutionnel qui les rend publics
au fur et à mesure, deux fois par semaine, par la voie du Journal
officiel. Plus
de possibilité de rester anonyme.
Plus d'envois effectués par les candidats eux-mêmes. Et cela change
tout. Jusqu'à aujourd'hui, seul François Fillon peut faire état de
plus de 500 parrainages. Seuls
des élus peuvent apporter leur soutien à une candidature,
c'est-à-dire les maires (il y a 36 000 communes en France), mais
aussi les députés, les sénateurs, les parlementaires européens,
les conseillers régionaux et généraux ainsi que des membres de
l'Assemblée corse et des Assemblées d'outre-mer).
• Depuis le 1er
mars,
seul François Fillon peut déjà faire état de plus de 500
parrainages. Les défections qu'il connaît peut-elle entrainer le
retrait de parrainages ? De fait : non ! « Une
présentation, une fois envoyée ne peut être retirée »
affirme le Conseil Constitutionnel. Il s'ensuit qu'en cas de retrait
de François Fillon, son remplaçant, s'il en a un, ne pourrait
compter sur les parrainages déjà déposés. Les dés sont donc
jetés : pour la droite, François Fillon est presque devenu
irremplaçable.
•
Il y aura, le 17 mars, deux types de surprises : des candidats
connus n'auront peut-être pas leurs 500 signatures (tels que
Nathalie Arthaud, Rama Yade ou Philippe Poutou) tandis que quelques
quasi inconnus pourraient les avoir (tel Jacques Cheminade).
•
Parmi les « retirés », si les conditions politiques sont
réunies, on peut envisager qu'ils trouvent encore 500 présentations
valides. Ce serait le cas d'Alain Juppé voire de Yannick Jadot (il
en avait déjà plus de 300).
•
En clair les élus locaux qui parrainent se mouillent et leurs
électeurs pourront leur demander des explications.
3-
Même si les Français continuaient à élire leur président au
suffrage universel direct, l'élection 2017 marquerait un tournant
•
La « transparence »
comme on dit va cesser d'être fictive : les candidats, comme
leurs parrains, sont sous le projecteur de l'opinion et doivent
rendre des comptes. Il est devenu de plus en plus difficile de mettre
la politique sous le boisseau. Ce qui est privé peut rester privé
mais ce qui est public ne peut plus être caché au public, notamment
en matière électorale.
•
Les primaires
ne permettent pas de dégager une candidature indiscutable. La loi
rejoint le fait : n'importe quel électeur de plus de 18 ans,
remplissant les conditions contrôlées par le Conseil
Constitutionnel peut chercher à être candidat sans avoir l'aval
d'un parti, qu'il en soit ou non membre.
•
Le régime « présidentiel »
français, sans équivalent dans les
pays démocratiques, a révélé des faiblesses qui ne peuvent
qu'entrainer des évolutions d'ampleur dans les mois et années à
venir.
•
Ce qui va advenir est peu prévisible. Nous
avons en quelques mois couru de surprise en surprise. Tout n'était
donc pas programmable. C'est dans ce cas que la politique prend son
vrai visage. Quel que soit le résultat final, qu'il nous soit
insupportable ou, au contraire, acceptable, nous voici entrés, en
France, dans un temps de création long qu'aucun Président ne pourra
juguler.
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