Le
troisième et dernier temps d'une campagne à surprises
Le
point au 26 mars 2017. Note 30 à J-28
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
voulons continuer d'analyser l'évolution de la situation politique
pendant la campagne électorale ouverte, en réalité, depuis la fin
2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux
précédents présentés et, depuis le 20 mars, sous le titre : «
Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises »
Chacun de ces textes peut être contredit, sans doute, parfois, par
les événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et
même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour
effectuer cette activité politique chronologique.
1
- Un quitte ou double citoyen.
Depuis
1974, à chaque élection présidentielle, un candidat écologiste
s'était présenté. Avec le ralliement de Yannick Jadot à Benoît
Hamon, l'écologie politique (la vraie, pas celle que les partis
cherchent à récupérer) semble absente, disparue. Le pari d'une
candidature unique indissociablement sociale et écologique, un
moment tenté, est, à ce jour, perdu. On ne peut le reprocher à
Yannick Jadot : il a essayé, mais, en choisissant Hamon, il
ramène EELV dans le giron du seul PS ! Au moment même où
l'écologie émergeait dans les programmes des candidats Mélenchon
et Hamon, elle s'éparpille et perd à nouveau de son impact.
Cela
ne pouvait durer ainsi. Ou bien, (on peut rêver!) il y aura, sous le
poids des sondages, ralliement de la France insoumise au PS
« écologisé », ou bien on fera l'impasse de la
présidentielle. On ne peut briser, en France, l'élan écologiste
qui se manifeste en de multiples lieux, dans le monde. C'est, à mon
avis, tout le sens de « l'Appel des solidarités » que 80
ONG, (pour le moment), avec Nicolas Hulot comme porte-parole,
lancent, en ne soutenant, certes, aucun candidat, mais
en recherchant le soutien politique du plus grand nombre possible de
citoyens afin que des initiatives multiples voient le jour.
Les
orientations et les propositions de cet Appel sont loin d'être
neutres mais elles ne sont pas partisanes. Si l'opinion s'en saisit,
elles pèseront sur la fin de la campagne. Ou bien cette émergence
d'une politique nouvelle - qui implique, comme l'affirme Benoît
Hamon (ce qui lui a fait gagner la primaire mais l'a coupé de son
parti !) que « la question écologique est inséparable de
la question sociale » - ou bien la France va replonger, et
peut-être pour longtemps, dans le social-libéralisme qu'incarne
Emmanuel Macron après François Hollande.
Si
la gauche, dominée par le PS, est ce qu'elle a montré dès le
premier septennat de François Mitterrand, jusqu'à ce quinquennat de
Hollande et Valls, elle a terminé son parcours historique en
s'inclinant devant ce qui serait l'inéluctabilité du capitalisme.
Les ralliements successifs à Macron de figures ministérielles et de
ténors du PS parmi les plus connus (sans oublier ceux de droite -
tel Perben -, du centre - tel Bayrou -, de l'écologie tiède - tel
de Rugy - ou venus du PCF - tel Robert Hue -, etc..) ne sont pas ceux
de traîtres, mais, pire dans la pratique politique, ce sont ceux de
tous les convertis à cette inéluctabilité du capitalisme.
L'écologie, au contraire, trace la nouvelle frontière2
entre un passé (productiviste, croissantiste, inégalitaire,
centraliste...) qui n'en finit pas de trépasser, et un avenir
(ouvert, divers, créatif, cosmopolite, débordant les
États-nations...) qui n'en finit pas d'advenir.
Les
reclassements électoraux qui s'annoncent conduiront, quels que
soient les résultats prochains, vers une autre République. Nous
entrons en un temps politique sans équivalent qui fait repenser à
ce qu'écrivait Simone Weil en 1943 : « S'il y a eu, en
1789, un certaine expression de la volonté générale, bien qu'on
eût adopté le système représentatif faute de savoir en imaginer
un autre, c'est qu'il y avait eu bien autre chose que des élections.
Tout ce qu'il y avait de vivant à travers tout le pays /.../ avait
cherché à exprimer une pensée par l'organe des cahiers de
revendication. Pareille chose ne se reproduisit jamais plus »3.
Et si cela se reproduisait !
« La
solidarité est peut-être le premier parti de France »
lance Nicolas Hulot, dans une interview donnée au journal Le
Monde,
du 23 mars 2017.
Quelle(s)
solidarité(s) ? La réponse est sans ambiguïté :
solidarités et écologie
ne font plus qu'un.
•
Solidarité de tous et toutes avec tous et toutes.
« Luttons
contre les inégalités sous
toutes leurs formes, contre la fraude et l’évasion fiscale et
contre l’impunité des banques, des politiques, des
multinationales ».
•
Solidarité avec la nature et les générations futures.
« Luttons
pour protéger le climat, les sols, les océans, la
biodiversité et les animaux. Luttons pour une énergie renouvelable
et une économie où rien ne se perd, où tout se transforme ».
•
Solidarité avec les personnes en difficulté, exclues, discriminées.
« Luttons
pour garantir le logement, l’emploi, l’accès aux soins, à
l’éducation, aux revenus. Défendons nos droits
fondamentaux, luttons contre les préjugés qui occultent notre
humanité ».
•
Solidarité avec les sans voix.
« Luttons pour que chacun et chacune puisse faire entendre sa voix dans chaque territoire et dans chaque quartier, en toutes circonstances et à poids égal ».
« Luttons pour que chacun et chacune puisse faire entendre sa voix dans chaque territoire et dans chaque quartier, en toutes circonstances et à poids égal ».
•
Solidarité avec tous les peuples.
« Luttons
pour une solidarité sans frontières, pour la coopération
entre les pays et les continents, pour
l’accueil de celles et ceux qui prennent la route, qui
fuient la misère et la guerre ».
Ces 5 caps, nécessairement très généraux, s'accompagnent de propositions plus précises, exprimées par les 80 ONG qui se sont engagées ensemble pour cet appel et dans cette « campagne dans la campagne ». Va-t-on rédiger de nouveaux Cahiers de doléance ? Les vœux recueillis seront, nous dit-on, transmis au nouveau Parlement. Cette action immédiate devrait durer jusqu'au 21 avril puis se poursuivre ensuite même hors du champ électoral et sur plusieurs années. Elle ne s'adresse pas aux seuls candidats mais à tous les citoyens qui ont à se prononcer en conscience. L'objectif est ambitieux. Et si les électeurs s'en emparaient ? Et si l'écologie, si souvent étouffée, s'exprimait enfin ? Va-t-on, une fois de plus, oser l'utopie : de multiples fois, au cours de l'histoire, il est apparu qu'elle n'est jamais qu'un réalisme qui a de l'avance...
1. Relire
le discours de Michel Rocard, au Congrès de Nantes du PS, en 1977,
reparu dans le N°147 de l'hebdomadaire le « 1 »
intitulé : « La
gauche peut-elle espérer ? »
(22 mars 2017). Il n'y a rien ou peu à voir avec « les
gauches irréconciliables » de Manuel Valls qui se dit
pourtant disciple de Michel Rocard !
2. Voir
l'article d'Anne-Sophie Novel dans le même N°147 de l'hebdomadaire
le « 1 ».
3. Simone
Weil, Note sur la suppression générale des partis politiques,
publié en 1950 par la revue La Table ronde.
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