Un
deuxième temps intermédiaire et décisif .
Le point
au 7 mars 2017.
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
voulons, au cours des mois qui vont continuer de s'écouler,
analyser l'évolution de la situation politique pendant la campagne
électorale qui s'est ouverte depuis la fin 2016. Chaque texte,
daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux précédents
présentés sous le même titre : « Avec ou sans primaires »,
puis, à présent, « un deuxième temps, intermédiaire et
décisif » (qui durera jusqu'au 17 mars, date de clôture des
candidatures). Il peut être contredit, sans doute, parfois, par les
événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et même
document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer
cette activité politique chronologique.
À
moins de 50 jours du premier tour, Fillon poussé vers la sortie est
à présent, réadoubé !
1
- Au cours de cette campagne surréaliste, la droite a pensé lâcher
Fillon parce qu'il la coule. Le choc est d'autant plus violent
qu'on est passé, en peu de semaines, pour « Les
Républicains », d'une élection imperdable à une élection
ingagnable. Le candidat légitime, après les primaires de la droite
et du centre, est devenu et reste inéligible.
On
n'en est plus à savoir si les accusations portées contre lui sont
fondées ou pas, ce qui a été révélé c'est que la
« sur-sarkoïsation » du discours de Fillon (anti-juges,
anti presse, complotiste) est aggravé par l'hystérisation de ses
soutiens et par l'interruption, pire le blocage, du débat politique.
Nous sommes entrés dans une tragi-comédie unique dans l'histoire de
la Cinquième République où le sort d'un homme compte plus que le
sort du pays !
Le
ciel, chargé, était lourd, vers 15 heures, lors de la manifestation
de soutien attendue place du Trocadéro dimanche passé! L'appel au
peuple, s'il est entendu, suffira-t-il à relancer une mécanique
grippée ? Fillon ne peut plus l'emporter mais il peut toiujours
faire s'écrouler la droite. Transformer une élection en plébiscite
n'est, espérons-le, plus possible en 2017.
Les
droites, la légitimiste (traditionaliste), l'orléaniste (libérale)
et la bonapartiste (autoritaire) que distingua le professeur René
Raymond, existent toujours mais elles ne sont pas des blocs. Elles
peuvent s'allier mais pas se confondre et même se dissocier.
Rassemblées avec de Gaulle, elles se sont lentement séparées dès
le septennat de Giscard. Aujourd'hui, leurs politiques étaient
représentées, respectivement, dans ce scrutin, par Juppé, Sarkozi
et Fillon. Il y en avait deux de trop ! La chose avait semblé
tranchée par la primaire. C'était sans compter avec le « Pénélope
Gate » qui n'est pas seulement une question morale mais bien la
conséquence d'une rupture intellectuelle et pratique des politiciens
les plus expérimentés et chenus d'avec la réalité de la vie des
Français.
Les cartes sont
donc rebattues en pleine campagne ! Juppé, un gaulliste ouvert,
a été re-sollicité. Sa réponse, définitive, est tombée, c'est :
« NON ! ». Macron, le néo-libéral ambigu qui
attire et repousse voit ses chances augmenter. Fillon, qui avait
voulu incarner les trois droites à la fois n'y sera pas parvenu. Il
reste seul et devient le porte-parole d'une droite tout entière
devenue bonapartiste et réactionnaire, au plein sens du terme. Quant
à l'extrême-droite de la fille Le Pen, elle n'a pas sa place dans
cette configuration et ne s'y retrouvera pas. Elle va sans doute
reculer.
2 - Les
gauches peuvent-elles bénéficier de cet effondrement du
« fillonisme » ?
Nous
voici en plein réapprentissage de la politique ! On ne dit plus
la droite, mais les droites et il faut, en regard,
parler des gauches. La « débipolarisation »
est engagée. C'est bon signe mais rien n'est joué et le pire reste
possible. Les débats à venir, s'ils s'ouvrent, vont être
déterminants.
En
politique, ou bien on se bat avec des couteaux et des fusils ou bien
on se bat avec des mots et des idées. À terme, ce sont toujours les
idées qui ont le dernier mot. Il faut donc se battre en idées.
Entre les politiques de la nation et les politiques de la Terre il
faut choisir. Dans son beau livre, Nous habitons la Terre (paru
chez Philippe Rey, 2017), Christine Taubira, sans se remettre dans la
position d'actrice, comme quand elle était ministre, en appelle à
cette action par les mots à ses yeux décisive : « C'est,
écrit-elle, par les
mots que l'on enchante ou que l'on désoriente ».
J'ai
compris à la lecture de ses pages ardentes et non prosélytes que
prendre parti n'est plus entrer dans un parti nécessairement. On y
comprend que « la Gauche » est, selon elle, une pensée
vivante qui change le monde bien avant d'être ce qui sert à gagner
des élections. Autrement dit, la gauche ne saurait être une
alliance de formations partidaires mais une quête de vérité
traversant l'ensemble des idées en perpétuel mouvement qui se
fondent sur la définition que donnait Kant de l'éthique :
« l'universalité de la solidarité entre tous les êtres
humains ». Et d'y ajouter cet emprunt à Simone Weil qui
rappelait que le droit ne vaut que par l'obligation qu'il contient.
Autrement dit le droit, fait des lois que fait émerger la politique,
« n'est pas grand chose s'il n'est reconnue par personne ».
Nous
y sommes : le débat présidentiel est le moment où l'on
enchante ou bien celui où l'on désoriente. Suivre le fil rouge qui
permet de ne jamais trop s'écarter de la vérité, c'est mettre en
œuvre la solidarité entre tous les humains. Et là, on ne peut se
payer de mots ! « On peut, affirmait
Lincoln, tromper le peuple une partie du temps, une partie
du peuple tout le temps mais pas tout le peuple tout le temps ».
Il ne s'agit pas de convaincre pour vaincre mais de convaincre pour
agir ensemble à la réussite de tous et de chacun. Toute politique
est utopiste avant d'être, si elle est bonne, notre Commun, dans la
pratique.
C'est
dans cette arène politique et secondairement électorale que nous
voici jetés.
3
– Les trahisons au sein des gauches sont aussi graves que la
relance de la droite dure.
Provisoirement,
avant que les électeurs n'expriment leur dégoût, Fillon l'emporte.
La droite cynique et prétendument républicaine non seulement se
contente de lui mais l'appuie parce qu'elle était entrée dans une
impasse dont elle ne pouvait plus sortir, avec le risque historique
de disparaître du paysage électoral. Tout plutôt que le vide, même
si son champion n'est plus présentable. Pourtant, ce n'est pas fini
car, politiquement, Fillon peut encore être absent du second tour.
Face
à ce péril qui fait repenser au slogan « Au secours la droite
revient », la gauche, ou ce qu'il en reste chez ceux qui la
personnifient, en rajoute ! Le PS combat celui que sa primaire a
désigné. Le président de l'Assemblée nationale exprime sa
défiance à l'égard de Benoît Hamon et surtout de la politique
qu'il défend. Patrick Braouezec, qu'on a connu mieux inspiré,
appelle à soutenir Emmanuel Macron pour éviter le duel Le Pen /
Fillon. Mieux vaudrait, selon eux, la droite de gauche que les
droites de droite !
Curieuse
façon d'agir en politique. On choisit son champion avant de
confronter les politiques. Une large part du PS ou du PCF ne veulent
pas des propositions de Hamon ou de Mélenchon trop écologistes à
leur goût. Ils se vautrent dans les arguties politiciennes quitte à
se contredire en s'affichant derrière celui qu'ils dénonçaient
comme traître ! Puisse cet épisode électoral conduire à
l'élimination des vieilles structures qui bloquent l'avenir. Macron
est, au fond, plus attractif que ceux qui le rejoignent. Il
représente une droite sociale et il est logique que la gauche de
droite, ne sachant où aller, se rapproche de lui. Mais les citoyens
politisés, notamment les plus jeunes, ne se laisseront pas enfermer
dans ces « combinaziones ».
Quant
à nous qui écrivons ces lignes, nous savons que le temps de la
nécessaire observation politique s'achève. Nous entrons dans « le
dur ». Entre le « tout plutôt que le Pen ou Fillon »
et le « restons à la hauteur de ce que la France a
apporté au monde»,
choisissons. Contribuons
à faire émerger notre propre apport. Plutôt échouer que de se
taire. Nous mettrons, maintenant, l'accent sur le neuf. Et que
s'effondrent les deux piliers du passé : le PS et les
« Républicains ».
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