Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises
Le point au 22 mars 2017. Note 29 à J-32
par Jean-Pierre Dacheux
Nous voulons, au cours des mois qui vont continuer de s'écouler, analyser l'évolution de la situation politique pendant la campagne électorale qui s'est ouverte depuis la fin 2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux précédents présentés sous le même titre : « Avec ou sans primaires », puis, à présent, « un deuxième temps, intermédiaire et décisif » (qui durera jusqu'au 17 mars, date de clôture des candidatures). Il peut être contredit, sans doute, parfois, par les événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer cette activité politique chronologique.
1
- Ce n'est pas encore le printemps de la politique !
L'un
des cinq candidats qui s'affrontaient sur TF1, avant hier soir, sera le
(la) président(e) de la République française, début mai. Piètre
début de campagne télévisée pour les téléspectateurs qui se
sont rendus sur cette chaîne commerciale qui « ouvrait le
bal » et qui n'oublia surtout pas, même à mi-débat, de nous
polluer par ses publicités de mauvais goût. Participation record,
cependant, (près de dix millions de téléspectateurs).
L'intérêt
des citoyens pour ce moment politique est grand et pourtant, à en
croire l'IFOP et le CEVIPOF, jamais le doute des citoyens et la
tentation de l'abstention n'ont été aussi grands. Les électeurs
sont donc intéressés curieux, attentifs, concernés, mais peu
convaincus. Pour beaucoup le choix n'est pas fait et la possibilité
de changer d'avis reste importante.
Le
désir de soleil, de chaleur, de changement est là, mais ce n'est
pas encore le printemps de la politique parce que le mode de scrutin
limite la liberté de choix. Ainsi, par exemple, se contenter de
Macron pour n'avoir pas Le Pen ou pour tenter de sortir de l'impasse
droite-gauche tracée par la Vème République (en fait, droite dure
contre fausse gauche), ne satisfait guère et paralyse.
2
– Qu'avons-nous appris au terme de ce débat trop long et pourtant
tronqué ?
•
D'abord manquaient six des onze candidats pouvant s'exprimer mais qui
ne font pas partie du « Club des plus de 10% », selon les
sondages. Même si s'en tenir au prétendants les plus « sérieux »
allège et simplifie la confrontation, ce n'est démocratiquement pas
juste et ce qui sera obligatoire, une fois passé le 9 avril, l'était
tout autant une fois la liste officielle des candidats connue depuis
le 18 mars. Au reste, le débat sur BFMTV aurait lieu avec les 11
candidats dès le 4 avril. Le seul (l'unique !) qui sera organisé
dans le cadre de la campagne « officielle » (entre le 10
et le 20 avril) aura lieu fort tard (le 20 avril, sur Antenne 2).
•
On a si peu évoqué les affaires qui plombent les campagnes de
Fillon et Le Pen qu'on a laissé accroire que ces fautes sont
mineures et donc négligeables au regard des grandes questions qui
occupent le terrain politique. Et bien ce n'est pas vrai. Une
politique privée d'éthique est détestable et écarte des urnes les
citoyens.
•
Nous avons constaté que le candidat Fillon (qui aurait dû n'avoir
plus sa place dans la campagne et que la droite parlementaire n'a su
ou pu remplacer) a tiré son épingle du jeu, d'abord en sachant se
faire discret puis en sachant aussi s'en prendre à ses adversaires
avec habileté et sans rien céder de son programme brutal et
socialement inqualifiable.
•
Nous avons été obligés de reconnaître que la candidate du FN a pu
participer à ce débat électoral (mieux que n'avait pu le faire son
père en 2002 !). Elle a réussi à banaliser ainsi sa prestation et
elle devient « un candidat comme les autres ». Les vives
critiques qu'elle a subies n'y changent rien et elle a conforté sa
place de qualifiable pour le second tour...
3
– L'Europe aura été la grande absente du débat !
Les
organisateurs ou/et les candidats n'ont pas réservé le temps
nécessaire pour aborder cette question fondamentale. L'élection
serait donc confinée dans le seul espace national alors que l'avenir
des Français ne peut se penser en autarcie ! Les
souverainistes et autres nationalistes n'y trouvent rien à redire
mais est-ce bien notre intérêt et surtout notre réalité ?
Il
ne suffit pas de dire non au « Frexit ». L'Union
européenne, dont on va commémorer l'acte de naissance, lors de la
signature du traité de Rome, le 25 mars 1957, il y a 60 ans, est
passée, entre temps, de 6 à 28, puis à 27 membres. Le « Brexit »
conduit le Royaume-Uni hors de l'Union. Ce vote, qu'on le déplore ou
pas, est historique. Il bouleverse la vie politique outre-Manche :
les Écossais et les Irlandais (qui avaient voté « non »)
sont hostiles à une rupture qui peut les contraindre à reprendre la
lutte pour leur indépendance. Plus encore l'Union risque la
dislocation. Si elle n'est repensée et refondée, l'Union européenne
va sombrer. Deux des cinq candidats, sur TF1, considéraient que
l'Union doit se perpétuer telle quelle ( Fillon et Macron), deux
proposent des plans de sauvetage différents (Hamon et Mélenchon),
la candidate FN, elle veut en sortir. Savoir où va la France en
Europe fait partie des enjeux de la présidentielle car on ne peut
mener des politiques complètes sans transferts de souveraineté. Les
États-nations, s'ils ne se rapprochent, s'ils ne se concertent et ne
s'organisent pas politiquement et économiquement, retomberont
dans les erreurs historiques qui ont pu mener à la guerre. Un tel
sujet méritait plus qu'une brève évocation. Ne pas le faire est
déjà réduire la campagne à des enjeux nationalistes.
4
– En complément du débat : re-Fillon, exit Leroux, sondage
nouveau...
Les
informations qui tombent chaque jour ajoutent à la perplexité voire
la colère des électeurs.
•
Le
Canard enchaîné
a encore frappé : deux accusations nouvelles enfoncent François
Fillon. L'une fait savoir que le couple Fillon aurait trafiqué de
fausses feuilles de paye de l'Assemblée Nationale pour justifier a
posteriori l'emploi de Pénélope Fillon. Le Parquet national
financier s'en saisit. (L'enquête
sur les époux Fillon est désormais élargie à des faits
"d'escroquerie aggravée" et "de faux et usage de
faux").
L'autre
concerne le rôle de « conseiller » de François Fillon
ayant servi d'intermédiaire entre un Libanais et Poutine. Rien moins
que cela... Cette fois, c'est fini et la preuve en apparaît dans le
sondage qui le place à 17% des intentions de vote, en troisième
position mais loin des deux premiers. C'est d'autant plus
irrattrapable que la chute dans l'opinion n'est sans doute pas
achevée.
•
Entre 2009 et 2016, les deux filles de Bruno Leroux ont cumulé
chacune 14 et 10 CDD pour un montant total de 55 000 euros. Sous
pression, l'éphémère Ministre de l'Intérieur a dû se démettre.
François Hollande ne pouvait supporter que le candidat Fillon puisse
se servir de cette nouvelle affaire entachant la fin de son
quinquennat. Il a fait vite.
Le
« tous pourris » est, hélas, relancé. Trop c'est
trop !
À quoi s'ajoute une nouvelle affaire de costumes « sortie »
par Le
Canard enchaîné
du 22 mars 2017 : l’actuel commissaire européen français,
Pierre Moscovici, s’est fait offrir
des costumes, avant le début du quinquennat de François
Hollande,
en 2012, par un ami d’enfance, chez le tailleur parisien de luxe
qui habille... François Fillon. Le Canard
Enchaîné précise
que le généreux donateur est Laurent Max, négociant en vins et
« fournisseur de l’Elysée, de Matignon et du Quai d’Orsay ».
À
cette époque, « les
parlementaires n’avaient pas à déclarer de tels dons aux
autorités » et le Parquet national financier n'existait pas
encore.
•
Selon l'Institut Elabe
enquêtant
pour BFMTV
et L’Express,
alors
qu’Emmanuel Macron
prendrait
l’ascendant sur Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon devancerait,
désormais, Benoît Hamon.
Emmanuel Macron obtiendrait 26% (+0,5 point) des intentions de vote
et devancerait désormais de 1,5 point Marine Le Pen (24,5%, -0,5).
François Fillon perd quant à lui 0,5 point avec 17% des intentions
de vote exprimées. Jean-Luc Mélenchon progresse de 0,5 point à
13,5% et occupe désormais la quatrième position, 2 points devant
Benoît Hamon à 11,5% (-2), qui glisse en cinquième position. À
noter : Nicolas Dupont Aignan, absent lors du débat du 20 mars,
serait à 5% !
Ce tout dernier sondage n'est intéressant que par
les tendances qu'il révèle et qui ne préjugent pas du résultat
final vue la volatilité de l'électorat. On peut les résumer
ainsi :
• Macron dépasse Le Pen et s'installe dans une
position de favori.
• Fillon continue de reculer mais reste encore en
troisième position bien que très distancé.
• Mélenchon, qui progresse, et Hamon, qui
régresse, sont au coude à coude et se tiennent en 2 petits points.
• Dupont Aignan n'est pas un « petit
candidat » et pourrait enlever des voix à la droite classique.
Le débat a fait bouger les lignes plus qu'on ne le
croyait et le débat à 11, sur BFMTV, le 4 avril, devrait encore
faire évoluer le rapport des forces. On peut se demander, en effet,
si les partis traditionnels ne sont pas en voie d'explosion. Le FN
lui-même pourrait, à son tour, régresser.
Finalement, cette élection, à un mois du vote
final, qui est de plus en plus « mobile », devient
un scénario politique à suspense. Et c'est sans compter avec
l'abstention politique, encore forte, et avec l'indécision,
massive. Pourtant, ce n'est pas un spectacle et notre vie, dans nos
cités, s'en trouvera nécessairement influencée. Participons aux
débats là où nous vivons.
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