Après
la fin des primaires. Voici venu un temps secondaire.
Le point au 8 février 2017
par
Jean-Pierre Dacheux
Nous
voulons, au cours des mois qui vont continuer de s'écouler,
analyser l'évolution de la situation politique pendant la campagne
électorale qui s'est ouverte depuis la fin 2016. Chaque texte
complémentaire, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux
précédents présentés sous le même titre («... Avec ou
sans primaires » puis « ... Après la fin des primaires »).
Il peut être contredit, sans doute, parfois, par les événements.
Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et même document,
toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer cette
activité politique chronologique.
En quelques
jours, le paysage politique a été bouleversé et rien n'est joué.
1 – François
Fillon et la droite parlementaire tout entière sont déstabilisés.
Le
grand vainqueur des primaires de la droite et du centre a perdu son
aura. Le candidat exemplaire, s'étant présenté comme le « monsieur
propre » de la politique, en donneur de leçons, chute sur des
révélations fracassantes relatives à l'emploi camouflé de
personnes de sa famille, grassement payées sans avoir réellement
travaillé, et ce, depuis longtemps.
Il
résiste à ceux qui le poussent vers la sortie et s'accroche en
usant de deux arguments principaux. « Il n'y a pas de « plan
B » et je suis donc le seul à pouvoir faire gagner la droite,
d'une part. La justice ne doit pas interférer avec la politique, si
près d'une élection majeure en France, elle n'a donc pas le pouvoir
de m'écarter, d'autre part. Est-ce là l'essentiel ? Les
Français sont écœurés et le feront savoir, dans les urnes ou dans
la rue...
François
Fillon peut, sans doute, se maintenir candidat, mais, alors que tout
semblait lui ouvrir les portes de l'Élysée, peut-il désormais
l'emporter ? Il est, à coup sûr, très affaibli. Et si les
informations désastreuses continuent de s'accumuler, si le doute
s'installe chez ses partisans, vont-ils courir le risque de l'échec ?
Rien n'est joué et, dans les prochains jours, des
rebondissements sont encore possibles.
2
- Marine le Pen sort du bois.
Les
sondages lui sont favorables après la mésaventure de celui qui
devait être son concurrent principal pour le second tour. À Lyon,
Marine le Pen a déroulé son programme qui affole les démocrates et
qui recoupe les projets nationalistes qui se développent dans toute
l'Europe et au-delà. Elle a fait silence, jusqu'ici, tout en
engrangeant les sujets de mécontentement qui se sont multipliés,
mais elle sait qu'elle n'accédera au second tour qu'en passant pour
incontournable. Il lui faut donc passer à l'offensive, en puisant
dans le vivier de la droite dure qui tend à se vider avec l'échec
de Sarkozy puis les déconvenues de François Fillon. Pour elle aussi
rien n'est joué et, surtout, si l'opinion s'éveille (une
forte participation lui serait défavorable).
3
- Benoît Hamon est adoubé par le PS qui n'a pu faire autrement.
La
primaire organisée par le PS a conforté le candidat sorti
vainqueur, au point de lui laisser plus de marge que prévu. Le PS
est si mal en point qu'il n'a pu que se rallier à celui dont l'image
grandit. Les sondages, d'un coup, l'ont porté au niveau des
candidats en vue, au-dessus des 15%. Parti de bas, dans la primaire,
il escompte, cette fois une montée progressive des intentions de
vote en sa faveur au cours de la campagne officielle mais, pour lui
aussi, rien n'est joué.
4
- Jean-Luc Mélenchon se dédouble. Va-t-il ainsi voir doubler le
nombre de ses soutiens ?
Présent,
à Lyon, en chair et en os, et, en même temps, sous la forme d'un
hologramme, à Paris, le candidat de la France insoumise a créé une
première médiatique. Ce coup, spectaculaire, a été une réussite
mais plus encore du fait du nombre des présents venus l'entendre et
l'approuver, car sa parole a un contenu. Orateur exceptionnel,
Jean-Luc Mélenchon est non seulement brillant, mais il a des
propositions à faire et qui ont été pensées. Il incarne une
gauche sans complexe, appuyée sur une vaste culture populaire, mais
cela va-t-il suffire à faire surgir une force suffisante pour
l'emporter dans un scrutin qui est fait pour éliminer et pas pour
rassembler ?
Car
tel est pourtant l'enjeu : se rassembler pour n'être pas
éliminé. Autrement dit, seule l'alliance de Hamon, Mélenchon et
Jadot pourrait éviter l'élimination de chacun d'eux. À ce jour,
rien n'indique qu'on se dirige vers cette entente où deux candidats
s'effaceraient pour laisser la place au troisième devenu, alors,
porteur des idées communes, sociales, écologiques et ouvertes sur
l'avenir. C'est intellectuellement concevable, c'est électoralement
désiré et demandé, mais bien des obstacles restent à surmonter à
commencer par la place et le rôle de ceux qui, au sein du PS, ont
fait échouer le quinquennat mais qui ne se résoudront pas à rester
sur la touche. Si la créativité politique n'est pas au rendez-vous,
la qualité des hommes et l'intérêt de leurs pensées ne leur
éviteront pas l'échec. Sauf à viser au-delà de la présidentielle,
(les législatives), voire 2022, l'objectif du succès, maintenant, à
court terme, sera très difficile à atteindre. Rien n'est joué,
là encore...
5
– Emmanuel Macron peut-il incarner durablement un changement
informel mais illusoire ?
En
toute logique, le jeune ambitieux, traître à son camp, écartelé
entre une fausse gauche et une vraie droite, devrait voir la bulle où
il s'enferme se dégonfler, voire exploser. Jusqu'ici, il n'en est
rien. Le temps qui passe lui est-il donc favorable ? Rien ne
l'indique et, cependant, Emmanuel Macron tient bon et reçoit même
des soutiens, contradictoires et ambigus, mais nombreux.
La
survenue très probable de François Bayrou peut modifier, une fois
de plus, le contexte électoral. Depuis le temps qu'il tient le
centre, il ne voudra pas s'en laisser écarter. S'opposent son :
« ni droite ni gauche » et le : « et la droite
et la gauche » de Macron. Un centre qui s'étendrait et sur la
droite et sur la gauche n'est pas la coalition d'élites de gauche et
de droite. Dépasser la gauche et la droite constitue une gageure à
laquelle tous les citoyens conscients et informés se trouvent, un
jour confrontés. Pour cela, Macron, tire la gauche vers la droite et
tente d'élargir ainsi son champ d'action. Je gage qu 'il n'y
parviendra pas. En dépit de son actuel succès d'estime, rien
n'est joué.
6
- François Bayrou a de nouvelles raisons d'être candidat pour la...
quatrième fois.
Le
maire de Pau, de façon quasi gaullienne, comme au lendemain de la
seconde guerre mondiale (quand communistes, socialistes et
démocrates-chrétiens gouvernaient ensemble) ne veut ni du
libéralisme économique pur jus, ni du « « collectivisme »,
fut-ce celui du modèle rose pâle des socialistes. Il s'oppose donc
à Fillon et Macron et s'opposera aussi à Hamon ou Mélenchon.
Gouverner le pays tout entier qui ne se coupe pas en tranches de
gauche ou de droite est un art politique qui ne s'est pas encore
beaucoup exprimé. En ce qui concerne cette contestation de la droite
et de la gauche tels qu'elles se sont imposées dans notre histoire,
depuis la Révolution française, presque tout reste à faire mais
François Bayrou en dépit de sa vaste culture et de sa ténacité,
en est-il capable ? Rien n'est moins sûr et, pour lui aussi,
rien n'est joué...
In
fine, cette campagne à trois temps, celle des primaires, puis, dans
un deuxième temps, celle des dupes et des doutes, enfin celle qui se
jouera, au cours du troisième temps, avec les candidats officiels, à
partir du 17 mars, aura fourni de multiples surprises et quelques
enseignements majeurs. La démonstration pratique que la Vème
République a fait son temps me semble essentielle mais il ne suffira
pas de changer le numéro de la République ! Un mouvement
commence à modifier, en profondeur, les attentes et les
comportements des citoyens-électeurs. Quel que soit le résultat
final, début mai, nous allons nous retrouver dans une France
nouvelle où des conflits nécessaires, heureux ou douloureux, ne
vont pas manquer. Nous en percevons déjà les signes avant-coureurs.
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