Toute
forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou
instaure le fascisme.
Albert
CAMUS
Il
est courant de qualifier « d'élite » ceux qui nous
gouvernent et la poignée de courtisans thuriféraires qui tournent
autour.
Le
sens commun et les dictionnaires en donnent cette définition :
au sein d'un groupe, l'élite
est l'ensemble des individus considérés comme les meilleurs,
les
plus dignes d'être choisis,
les
plus remarquables
par leur qualité.
Au
cours de l'histoire, l'élite est liée à la recherche de la
perfection esthétique, de l'exemplarité spirituelle (Grèce) ou
citoyenne (Rome). A partir du XVIIème
siècle, elle est composée des "honnêtes hommes" avant de
céder la place aux élites "économiques" à partir du
XIXème
siècle.
Même
si dans notre société contemporaine française, de nombreuses
femmes et hommes en responsabilité méritent cet épithète, il est
légitime de se demander si la définition du qualificatif d'élite
peut être encore appliquée à une majorité de responsables
politiques et de dirigeants. En effet, aujourd'hui, les risques
judiciaires sont moins importants en devenant responsables politiques
qu'en demeurant voyous.
De
plus, nommer « élite » la minorité de « ceux
d'en haut » oblige à
désigner la majorité restante de la population et le florilège des
qualificatifs pour nous nommer est garni, tous plus péjoratifs les
uns que les autres : les
gens
de peu, la France d’en bas1,
les
p'tites gens2,
les
veaux3,
les sans-dents4,
les invisibles5,
les gens qui ne sont rien6.
Cette
liste, qui n'est pas exhaustive, montre la profondeur du mépris pour
le reste du « peuple » de cette communauté qui
s'auto-proclame élite7.
Le
mépris est l'arme privilégié de cette caste qui croit détenir la
vérité en tout et qui, sûre de sa supériorité, pense que les
autres sont des crétins. Les élites véritables sont modestes et ne
cherchent pas les honneurs. L'élitisme est une plaie sociale.
Il
y a bien deux France, d'une part, celle qui ne compte pas et achète
tout ce dont elle a envie, qui veut que cette société hiérarchisée
persiste et, d'autre part, celle qui doit seulement se satisfaire de
fausses promesses et qui devrait accepter d'être méprisée et de
continuer à se serrer la ceinture pour que le pays grandisse.
Voilà
pourquoi, aux dernières élections, devant l'aveuglement d'une
minorité obstinée, le peuple qui a le sentiment d'être trahi,
manipulé, abusé, s'est abstenu et a rejeté les promesses et les
mensonges de politiciens compromis.
Ce
qui semble se profiler, c'est une dérive totalitaire du système,
qui acculé dans ses contradictions, n'aura d'autres solutions que de
restreindre les libertés et les droits pour une autocratie
sauvegardant les intérêts du capital.
Trop,
c'est trop, il faut mettre fin à ce système corrompu qui bafoue les
principes républicains. Mais, attention, le risque d'explosion est
considérable car, c'est dans la rue que se jouera tôt ou tard,
inévitablement, la bataille sociale.
Jean-Claude
VITRAN
1. Jean-Pierre
Raffarin
2. Manuel
Valls
3. Charles
de Gaulle, en 1940
4. François
Hollande
5. Marine
Le Pen
6. Emmanuel
Macron
7. « On
a dit souvent que les peuples valent ce que valent leurs élites.
C'est vrai. Encore
faut-il s'entendre sur le sens de ce mot.
Trop longtemps l'élite a été définie comme une classe pourvue
d'un droit. Elle le tint d'abord de la
naissance (…)
Elle le tint ensuite de la
richesse (…)
Ou enfin elle le tint de l'intelligence
(…) Si nous assistons aujourd'hui à la disparition de ces
anciennes élites, ce dont il est de bon ton de se désoler, c'est
parce qu'elles avaient cessé d'assumer le rôle qui doit être
celui d'une aristocratie véritable; de provoquer la marche en avant
de la société tout entière ».
Daniel-Rops,
Ce qui meurt et qui naît,
p. 28, éditions Plon. 1937.
Cet
écrivain et historien, académicien, catholique traditionnaliste,
avait bien vu que les élites du passé n'avaient été utiles, tel
celui qui fut maire de Bordeaux, Michel de Montaigne, que parce que,
dans l'aristocratie d'alors, on pouvait se donner pour mission de
servir le pays dans son ensemble. Ce temps, qui eut ses heures
sombres et ses lumières aussi, est totalement révolu.
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