1 - La 5ème République n'en finit pas de mourir. Pire, elle perdure.
C'est
l'avant-rentrée. Les gazettes s'agitent. Les moyens d'agir sont en
place. Le gouvernement est installé. La majorité parlementaire,
bien obéissante, a fait ses gammes, un peu dissonantes. Le
président, lui, a fait peu de gaffes. Mais...
Les
sondages ne sont pas bons. L'opinion s'inquiète. Les « réformes »
annoncées ne réjouissent que le MEDEF, et encore : il en
voudrait plus. Le mensonge explose : la politique « et à
droite et à gauche » a vite viré au « tout à droite ».
On n'attend plus rien que des déceptions. Le plus dur est à venir.
La
rentrée sociale, côté salariés, sera faite de résignation ou de
révolte et rien ne laisse prévoir de quel côté cela va pencher.
La gestion entreprenariale de la France passe mal. Le pays n'y croit
plus. Macron est confronté à des réticences venues de toutes
parts. Le pire lui est déjà arrivé : il est un président
comme les autres.
La
droite traditionnelle relève la tête et compte sur les élections
sénatoriales pour se refaire une toute petite santé. Le Front
national s'est mis lui-même hors jeu mais ne lâchera rien et attend
une nouvelle heure plus favorable.
Bref,
le temps des politiciens est revenu maintenant que les incertitudes
présidentielles et législatives du printemps dernier sont derrière
nous. Le peuple se tait. Les intellectuels « analysent »
... Que leurs voix s'élèvent.
La
France insoumise manque de députés et de soutiens populaires ;
elle incarne une opposition consistante mais, la loi électorale
aidant, elle ne pèse pas autant qu'elle pouvait l'espérer.
L'écologie
politique demeure la seule alternative réaliste, dans le monde
entier, mais, en France, l'un de ses meilleurs porte-parole, Nicolas
Hulot, en acceptant d'entrer au gouvernement s'est piégé. Il est
enfermé, ligoté, et il sera sacrifié ou « suicidé »
sur l'autel du profit, tôt ou tard. Il le sait.
Quant
à EELV, c'est la bérésina... Il n'est pas d'écologie qui puisse
s'exprimer au sein d'un parti. Parce qu'ils ont beaucoup à dire et à
faire, les écologistes doivent tout remettre en chantier.
2-
Nous sommes spectateurs alors qu'il nous faudrait être acteurs.
Nous
sommes, certes des spectateurs critiques, mais ça ne suffit pas.
Acteurs, nous voudrions l'être, mais nous sommes embarrassés et
paralysés faute de savoir où aller. Tout va dépendre de la
recherche d'un chemin qui fut celui qu'on appelait, hier, « la
gauche » mais que l'on a perdu.
Jaurès
et Blum sont morts et ils ne nous diraient pas : faites comme
nous. Ne nous exhorteraient-ils pas à trouvez la voie qui, de nos
jours, peut déboucher sur une cité d'équilibre, de partage, de
prise en compte de tout le vivant terrestre sans lequel c'en est fait
de notre propre espèce animale et consciente.
Nous
affrontons de rudes défis. Alors, repensons le travail sans lequel
la vie cesse mais qui ne peut rester enfermé dans l'emploi.
Redonnons sens à l'égalité qui n'est gage de démocratie que si
elle envahit la sphère économique. Dissocions liberté et propriété
car celle-ci, confondue avec l'appropriation, mène à l'exploitation
du plus grand nombre par une minorité de privilégiés (l'abolition
des privilèges lancée au cours de la nuit du 4 août 1789, est loin
encore d'être accomplie). Donnons un contenu politique et pas
seulement éthique, à la fraternité qui n'est rien sans
l'hospitalité et la solidarité mises en œuvres.
Utopies
que tout cela ? Certes ! L'histoire n'est d'ailleurs faite
que d'utopies. Dans des intervalles plus ou moins longs, on attend le
surgissement de ... l'utopie à venir. La fin de l'esclavage fut une
utopie. La suppression de la peine de mort en France et en Europe fut
une utopie. La fin du pouvoir absolu et l'avénement de la République
furent une utopie. Le droit du travail est une utopie qui pourrait
bien être renversée, mais tout n'est pas dit. Le programme du
Conseil National de la Résistance qui déboucha sur la loi de 1945
instaurant la sécurité sociale fut une utopie. Le vote des femmes
fut considéré comme une utopie. Bref, ce qui fait progresser la vie
en société et qui modifie l'ordre précédemment établi est
considéré comme utopique car dit-on, c'est infaisable ! La
suite prouve souvent que non.
L'utopie
est un réalisme contrairement à ce que l'on nous rabâche.
Pourquoi ? Parce que, sans utopies, les sociétés humaines
stagneraient, pire, s'enfermeraient dans un immobilisme mortel.
L'utopie est un projet neuf qui d'abord effraie et qui finit par être
adopté. Bien sûr il y eut des projets insensés, criminels,
approuvés avec enthousiasme, tels le fascisme et le communisme
soviétique. Ce n'était pas des utopies parce que la violence et le
meurtre ne peuvent entrer dans un projet qualifié d'utopique.
Relisons
André Gide : « Comme
si tout grand progrès de l'humanité n'était pas dû à de l'utopie
réalisée ! Comme si la réalité de demain ne devait pas être
faite de l'utopie d'hier et d'aujourd'hui (…)
Gide,
les Nouvelles Nourritures,
III, iii.
Participons
à l'utopie qui vient. L'humanité en a grand besoin.
Jean-Pierre
DACHEUX
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