1
- Le wahhabisme a été accusé d'être une source de terrorisme
mondial, ou tout au moins d'inspirer l'idéologie salafiste
djihadiste autant que celle d'Al-Qaïda ou de l'État islamique
(Daesh).
Selon
la doctrine wahhabite, il n'y a qu'une seule interprétation possible
des textes religieux et le pluralisme islamique n'existe pas.
La
première question qui se pose est donc celle de la totale
intolérance religieuse pouvant conduire jusqu'à la mise à mort.
2
- Le Wahhabisme est une idéologie et secte musulmane fondamentaliste
fondée vers 1745 par le négociant arabe Mohammed-Abd el-Wahhâb de
la ville d'Iyané dans l'Arabie centrale. Reprenant à son compte la
vieille doctrine hanbalite (du nom de Ibn Hanbal) remontant au IXe
siècle et renouvelé au XIIIe
siècle par Ibn Taymiya, l'inttention de Wahhab était de ramener
l'Islam (sunnite) à sa primitive pureté ; aussi déclara-t-il
rejeter toute tradition, aussi bien écrite qu'orale, pour s'en tenir
au Coran.
Tous les usages qui n'y étaient pas prescrits furent par lui
combattus, spécialement le culte
des saints ; tous les pèlerinages vers d'autres buts que la Kaaba de
La Mecque interdits. Il abolit également les cérémonies
funéraires, prêcha contre le luxe des mosquées, des tombeaux, de
l'habillement, l'usage du tabac, la tolérance des spiritueux, des
jeux de hasard, toutes les formes de la corruption, imposant la
stricte observance des jeûnes, des prières quotidiennes et même Ia
communauté des biens.
Passant
à l'acte, il entreprit de convertir par la force les réfractaires,
de profaner et de démolir les chapelles des saints musulmans.
Expulsé de La Mecque, il fut accueilli par le chef de Derayé Saoud,
qu'il avait converti et auquel il délégua l'autorité temporelle.
Elle fut efficace entre les mains d'Abd-el-Aziz (mort en 1803), fils
de Saoud, puis du fils de celui-ci, Abdallah Saoud II (mort en 1814).
Ils soumirent toute l'Arabie centrale, le Nedjd. Le chérif de La
Mecque fut complètement battu (1790), le pacha Soliman de Bagdad
repoussé. Les Wahhabites, forts de 120 000 hommes, mais presque sans
armes à feu, saccagèrent Kerbala (1801), occupèrent plusieurs fois
La Mecque. L'Empire ottoman, inquiet de savoir le chérif de La
Mecque contraint d'adhérer à la doctrine Wahhabite, fit appel à
Méhemet-Ali, vice-roi d'Égypte, dont le fils Tousoun reprit Médine
et La Mecque (1811). Puis Méhémet-Ali vint lui-même attaquer le
sultan Wahhabite Abdallah II, qu'il vainquit complètement à Taïf
(1815). Son fils Ibrahim
pénétra dans le Nedjd, tua 20 000 hommes aux Wahhabites devant
Derayé dont il s'empara (3 septembre 1818). La ville fut rasée ;
Abdallah Il fut conduit à Istambul et décapité (décembre 1818).
Les
Wahhabites survivants s'enfuirent dans le désert où ils vécurent
de brigandage, établirent une nouvelle capitale à Ryiadh, et
reprirent ascendant sur les tribus irritées par la tyrannie des
fonctionnaires égyptiens. Une nouvelle armée de Méhémet-Ali fut
égarée par ses guides et périt dans le désert. En 1863, les
Wahhabites s'étendaient de nouveau jusqu'au golfe Persique. Mais la
discorde des deux fils de Feyçal, Abdallah et Saoud, les affaiblit,
et les émirs de Haïl leur succédèrent dans la prépondérance sur
le Nedjd. La disparition de l'empire Ottoman (1923), associé à la
politique britannique au Moyen-Orient ont placé la dynastie
des Saoud au pouvoir dans le nouvel Etat d'Arabie Saoudite, et
partant favorisé le renouveau de cette idéologie, à laquelle les
pétrodollars ont donné une assise solide.
Le
wahhabisme, sous diverses formes et variantes (principalement les
djihadistes
ou khawarijs,
prônant la violence, et les cheikhistes,
qui sont des théologiens), et que ses adeptes préfèrent
aujourd'hui appeler salafisme
(de l'arabe salaf
= générations précédentes) a aussi connu des succès hors de la
péninsule Arabique, aussi bien au XIXe
siècle qu'au XXe
siècle.
Les
idées wahhabites furent d'abord propagées dans l'Inde (et au
Pakistan actuel, dans la région de Peshawar) par un pèlerin, Seijid
Ahmed, converti à La Mecque vers 1820.
Elles ont rayonné de Patna sur le Nord et le centre de l'Inde. Des
troubles éclatèrent en 1831. Ahmed y fut tué. Les Anglais
obtinrent des muftis de La Mecque une déclaration d'après laquelle
l'Inde était « pays de foi-»,
où le croyant ne doit pas troubler la paix.
Le
salafisme a également inspiré les mouvements des Senoussi en
Afrique, la révolte des musulmans de Chine (1855-74), ou bien celle
des Ghilzaï en Afghanistan, qui peuvent être vus comme les ancêtres
idéologiques des Talibans contemporains. En Égypte, le
wahhabisme (salafisme) a attendu les années 1950 pour s'implanter
par le biais du mouvement des Frères Musulmans ; il y fut initié
par les Saoudiens afin de contrer la laïcisation du pays entreprise
par Nasser. On rencontre encore l'idéologie
salafiste dans les Balkans (Bosnie) et
dans le Caucase (Tchétchénie), ou
encore en Palestine, dans les rangs du Hamas, etc.
La
seconde question qui s'impose est donc celle-ci : le salafisme
n'est-il pas intrinséquement violent ?
3
- Dans Les Egarés. Le wahhabisme est-il un contre islam ?,
(aux éditions Sigest,) Jean-Michel
Vernochet soutient que ce courant s’est affirmé comme le seul
islam authentique et a condamné comme hérétique l’islam
traditionnel, tel qu’il a existé durant les onze siècles
précédents. Son point de vue historique et théologal réfute donc
l’idée répandue,
depuis le subventionnement de l’expansion wahhabite par l’Arabie
saoudite, selon laquelle le wahhabisme serait une forme extrême de
l’islam traditionnel.
La
troisième question que cet avis suggère est alors celle-ci :
le salafisme est-il musulman ?
4
- « Depuis la mort d'Ibn Saoud en 1954, ses successeurs
ont toujours été choisis parmi ses fils. La puissante famille des
Al al-Cheikh, religieux descendants d'Ibn ‘Abd al-Wahhāb, est
étroitement liée aux Saoud dans la direction de l'État. Fort
de l'appui de cette monarchie théocratique enrichie par
l'exploitation pétrolière, le wahhabisme ne cesse d'inspirer les
courants du fondamentalisme sunnite au sein de la umma musulmane. »
Dominique Chevallier.
Voir
son article complet :
http://www.universalis.fr/encyclopedie/wahhabisme/
La
quatrième question contredit un peu la troisième et l'avis de J-M
Vernochet : n'y a-t-il pas un fondamentalisme sunnite, appuyé
sur l'Arabie saoudite, qui non seulement combat le chiisme mais aussi
toute approche de l'Islam non théocratique ?
5
– Ces repères interrogent sur le caractère, intolérant, violent,
conquérant, impitoyable de djihadistes convertis en guerriers
d'Allah. Le salafisme n'y est pas pour rien, mais s'en tenir là
serait ne voir qu'une face du terrorisme.
La
seconde guerre du golfe, qui fut un terrorisme géant, dont l'horreur
nous fut masquée, est à l'origine de la haine des peuples où se
recrutent les tueurs. Et cette haine de l'occident trouve encore de
quoi se nourrir !
Une
cinquième question nous est ainsi posée : l'occident est-il
sans responsabilité dans le déchaînement de violences aveugles qu
frappent des civils, non pas à cause de ce qu'ils ont fait mais à
cause de ce qu'ils sont : ceux qui sont membres des pays
exploiteurs du monde, surpuissants et inconscients.
6
- Lutter contre le terrorisme, par les armes, sans en rechercher
toutes les causes est vain. Ce débat sur les causes est complexe et
contradictoire. Il en a été tenté une fine analyse sur Wikipedia.
Elle est à connaître. Elle laisse le débat ouvert.
La
sixième question à laquelle nous ne pouvons échapper est la
suivante : puisqu'on ne peut terroriser le terrorisme (n'en
déplaise à feu Charles Pasqua), il faut rechercher les causes à
éradiquer du côté de l'économique et de la politique.
L'extrêmisme devient religieux mais ses sources ne sont pas d'abord
dans les religions. La difficulté à surmonter n'en est que plus
grande.
7
– La mauvaise réponse aux attentats est de fermer à quiconque
n'en est pas membre les portes de l'Europe. C'est pourtant ce que
préconise le ministre polonais de l’Intérieur, Mariusz Blaszczak.
Évoquant un « choc des civilisations », il a estimé que les
terribles événements de Barcelone n’auraient jamais pu avoir lieu
en Pologne !
«
Chez nous, a-t-il dit, nous n’avons pas de communautés musulmanes,
pas d’enclaves qui constituent une base naturelle pour le
développement des terroristes islamistes. Nous faisons tout notre
possible pour que notre pays soit en sécurité et ne voulons pas
accueillir de migrants », a déclaré le ministre, dans la soirée
du 17 août.
Les
manifestants qui crient « nous n'avons pas peur », à
Barcelone comme hier à Machester, et qui veulent que leur vie ne
soit pas arrêtée par des terroristes donnent une réponse plus
haute.
La
septième question est claire : allons nous vivre dans le repli
ou en faisant face, en état d'urgence permanent ou en liberté ?
Selon la réponse, nous aurons ou non contribué, en France à la
défaite de Daech et autres fondamentalistes.
8
– Et nous, que pensons-nous de cette mort donnée par un tueur, au
hasard, en y ajoutant, le plus souvent, la sienne ? Que signifie ce
sacrifice de kamikaze où l'on se tue en tuant ? Quelle motivation ou
quelles contraintes poussent à aller au-delà de soi-même, sans un
regard pour qui l'on massacre ? Conditionnement total ou
désespoir absolu ? Le suicide est moins effroyable que
l'assassinat de sang froid.
Les
sources d'information sérieuses sur ces sujets sont rares.
Les
« martyrs » qui font exploser une ceinture d'explosifs
sur eux sont-ils convaincus, conditionnés terrorisés, menacés,
déclenchés à distance ? Dans le document ci-dessous, le jeune
kamikaze sauvé in extremis est condamné... à mort. Ici l'odieux
ajoute à l'odieux...
La
huitième question est une interpellation : Ne peut-on, parfois
repérer des victimes parmi les criminels et les extraire de ces
courses à la mort qu'ils ne veulent pas tous faire ? Je pense,
en particulier, aux femmes, voire aux enfants qui tuent et se tuent
sur les marché africains ?
9
– Ceux, partis d'Europe et qui ont survécu à la défaite à
Mossoul ou Racca (ou ailleurs) et qui vont rentrer sont-ils,
d'avance, condamnés à la prison, à l'hôpital psychiatrique, à
l'abandon (au risque de toutes le récidives), à la perte de
nationalité, bref à l'impossibilité de n'être pas traité en
paria ? Les « revenants » ne seront pas les
bienvenus. Ils seront des suspects continuels.
Le
livre de David Thomson (Les revenants paru au Seuil, en
2017) mérite d'être lu même s'il fait peur. Puissent des ministres
concernés, le lire avant décisions hâtives.
La
neuvième question que posent ces revenants miraculés, ces
meurtriers juvéniles parfois, se prononce à peine :
voulez-vous encore de moi, sinon tuez moi ?
10
– Chaque attentat déverse ce flot de questions (et il en est bien
d'autres). Celles qui me poignent concernent le lien commercial et
militaire de la France avec l'Arabie saoudite, les ventes de Mirages
à des pays dictatoriaux (dont l'Égypte), la présence militaire
française en trop de pays africains où nous ne sommes déjà plus
les bienvenus, notre association avec les USA en Irak en Syrie, voire
en Lybie, là où des guerres cruelles nous ont fait haïr, nous et
d'autres États européens. Qui dira et prouvera que les attentats
sont liés à ces événements ?
Allons-nous
devoir nous protéger des «returnees» (anglicisme
formé des mots «return» et «refugees»). Comprenons
bien : on veut nous faire croire que les « revenants »
sont des réfugiés. Et bien non, ce sont des Européens beaucoup
nés, « éduqués », endoctrinés en France. Ils sont
actuellement entre 200 et 300 affirme l'actuel ministre de
l'Intérieur.
La
dixième question est fondamentale : pour que les revenus
(revenants est « fantomatique ») ne sombrent pas dans un
nouvel extrémisme et ne menacent plus personne allons-nous prendre
les moyens de les accueillir, pas de les cloîtrer ? Mais
savons-nous le faire ?
Jean-Pierre
DACHEUX
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