Le
texte de ce blog a pour origine une discussion à bâton rompu et une
impasse conceptuelle dont nous voulons sortir. Il a été écrit pour
susciter le débat sur le système économique et ses conséquences
sur les politiques publiques actuelles. Il est le point de départ d'une réflexion plus longue sur le sujet.
Il
y a quelques jours, lors d'une conversation sur les systèmes
économiques, une de nos interlocutrices a affirmé qu'il n'existait
pas d'alternatives au capitalisme.
En
quelque sorte, cette personne s'appropriait le fameux acronyme TINA1
couramment utilisé dans les années 1980 par Margaret Thatcher
lorsqu'elle était Premier ministre du Royaume-Uni. Ce slogan, issu
des théories économiques de Milton Friedmann et de ses prédateurs,
les fameux « Chicago boys », signifie que le marché et
le capitalisme sont des systèmes bénéfiques à l'essor de la
société contemporaine et que tout régime qui prendrait une autre
direction irait à l'échec.
Avec
détermination, nous lui avons opposé qu'il nous semblait que cette
conception rigide, contrainte et « pessimiste » du système
économique moderne était fausse, car il y a toujours des
alternatives. Penser le contraire c'est donner du crédit à Hegel et
surtout à Francis Fukuyama2
qui a philosophé sur la « fin de l'histoire ».
La
réponse de notre interlocutrice a été brève et méprisante :
Qu'elle est donc cette alternative ?
Nous
sommes attristés et vexés d'avouer que, n'ayant pas de réponse à
apporter, nous sommes restés tristement muet.
Ce
n'est pas la première fois que l'on nous oppose cette question et il
devient indispensable, vital, d'apporter une réponse, sinon plus
aucun débat n'est possible, il faut accepter le libéralisme sous
toutes ses formes, les plus féroces, les plus perverses, en
constatant que « circuler, il n'y a rien à voir ... ».
Non
! Il est impensable d'abdiquer, impossible de laisser le capitalisme
financier, ennemi de l'humanité, paupériser la planète à
l'exception d'une petite minorité oligarchique et faire œuvre de
destruction de toutes les démocraties.
Pour
y réfléchir depuis longtemps, il nous semble qu'il existe une
réponse, conceptualisée il y a plus de deux siècles par nos
ancêtres et que l'on retrouve depuis le 4 novembre 1848 dans
chacune des Constitutions de la République Française.
C'est
la devise de la République : Liberté - Egalité -
Fraternité.
En
effet, si cette magnifique devise, qui n'est aujourd'hui que la
fausse barbe de la République, de la démocratie française, était
appliquée, nous n'aurions pas à nous poser la question d'une
alternative au capitalisme puisqu'elle serait l'alternative.
Par
ailleurs, nous pensons qu'il ne faut pas accabler le capitalisme de
tous les maux ; sans le dédouaner de ses perversités, le
capitalisme est ce qu'en on fait et en font « ses pratiquants »
qui de manière pathologique et perverse repoussent ses limites dans
ses ultimes extrémités pour en tirer la quintessence pécuniaire.
Le marxisme a été détourné et perverti dans des conditions
presque semblables.
Alors,
reprenons chaque mot de la devise Républicaine :
Liberté :
Du
latin libertas
(« état de l’homme libre »), dérivé de liber
(« homme
libre »).
La
déclaration de 1789 dit : « La liberté consiste à
pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l’exercice
des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui
assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces
mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la
Loi. »
Parler
de loi nécessite d'introduire la notion d'Etat Nation qui est un
concept désignant la réunion d'une organisation politique, l'Etat,
et d'un ensemble d'individus qui sont liés et appartiennent à un
même groupe, la Nation.
Les
tenants de l'économie capitaliste ont forgé au début de 19ème
siècle le mot « libéralisme » de même étymologie que
liberté et dont le sens est chargé d’ambiguïté.
En
effet, si le libéralisme prône la liberté d'expression, il défend
aussi, dans le domaine économique, l'initiative privée, la libre
concurrence et son corollaire l'économie de marché, essence même
du capitalisme. De plus, le libéralisme actuel voudrait
aboutir à la disparition de l'Etat Nation.
En
ce qui concerne le cadre de l'Union européenne les libertés
garanties par le marché unique, sont :
la
libre circulation des biens,
la
libre circulation des capitaux,
la
libre circulation des services,
la
libre circulation des personnes.
Il
est à remarquer que les trois premiers points, priorités de l'UE,
sont d'ordre économique et que le quatrième concerne plus
particulièrement les travailleurs et ne fait nullement référence à
l'Homme « social ».
Depuis
le début du 21ème
siècle, les gouvernements occidentaux au prétexte d'assurer la
sécurité des citoyens, qui pour la majorité d'entre eux sont
demandeurs, ont tendance à restreindre les libertés. La célèbre
citation de Thomas Jefferson - « Si
tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en
sécurité, tu ne mérites ni l’une ni l’autre » - se
vérifie en permanence ; Nous y reviendrons dans un prochain texte.
Egalité :
L'égalité
est le principe qui fait que tous les Etres humains doivent être
traités de la même manière, avec la même dignité, qu'ils
disposent des mêmes droits et sont soumis aux mêmes devoirs.
En
1789, lors de la rédaction de la Déclaration des droits de l'Homme
et du citoyen, l'Assemblée Nationale a déclaré : « Les
hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »
et en 1948 les signataires de la Déclaration Universelle des Droits
de l'Homme (DUDH) ont complété : « Tous
les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en
droits. »
Pourtant,
les archives des débats tenus lors de la rédaction de ces
déclarations ne mentionnent pas que les rédacteurs aient pensé
égalité sociale ; ils ont débattu de l'égalité civique,
politique et morale sans vouloir égaliser les moyens et les
conditions d'existence.
Par
ailleurs, avant 1848, le voté n'était toujours pas égalitaire, il
a fallu attendre cette date pour que le vote au suffrage universel3
soit réellement effectif.
Après
la seconde guerre mondiale, dans le but de combattre toutes les
formes de discriminations, les rédacteurs de la DUDH ont ajouté les
mots « égalité en dignité ».
Fraternité :
C'est
le troisième terme de la devise Républicaine. Il désigne un lien
de solidarité, de partage ; celui qui fait cruellement défaut
au libéralisme moderne et qui rassemblant toutes les composantes de
la société, supprimerait le « moi » pour faire un
« nous ».
Même
si la fraternité est
citée à l'article premier de la déclaration universelle des droits
de l’homme : « Tous
les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en
droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir
les uns envers les autres dans un esprit de fraternité »
la principale critique que l’on peut adresser à l’Occident,
c’est d’avoir oublié cet idéal de fraternité, et la
Constitution française de 1958 mentionne seulement trois fois la
fraternité, dans le contexte de la devise républicaine, sans plus
En
effet, aujourd'hui, « tous » parlent parlent de justice,
de tolérance, de dignité, de solidarité, de fraternité, car il
est de bon ton d'en parler, mais cela reste seulement du domaine du
seul verbe, pas de l'action. La majorité des individus, même le
« peuple » n'entend que le langage de la consommation,
celui des banquiers, des marchands, de l'argent …
Ce
n'est pas nouveau, déjà Aristote, vers 350 avant notre ère,
dénonçait l’hybris (la démesure) et forge le mot chrématistique4
pour condamner l'accumulation des moyens d'acquisition plus
particulièrement celui qui accumule la monnaie pour elle-même.
Cela
peut paraître théorique et utopique de penser que la fraternité
pourrait être une alternative
au capitalisme pourtant l'idée de partage contenu dans le mot
devrait permettre d'établir une société plus harmonieuse car après
tout le capitalisme ne reflète que l’égoïsme général empêchant
une répartition équitable et fraternelle des richesses.
D'ailleurs,
nous reviendrons sur cette valeur humaine fondamentale, souvent
dévoyée, et dont on évite soigneusement de parler, parce qu'elle
est profondément Politique, qu'à ce titre elle fait peur et qu'elle
renferme en elle tous les « ingrédients » nécessaires
et suffisants pour lutter contre le capitalisme.
Jean-Claude
VITRAN et Jean-Pierre DACHEUX
1. TINA :
there is no alternative - il n'y pas d’alternative.
2. La
fin de l'histoire et le dernier homme – Editions Flammarion 1992
3. Seulement
pour les hommes, puisque les femmes n'ont le droit de voter que
depuis 1944
4 https://fr.wikipedia.org/wiki/Chrématistique
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