D'ou qu'elles viennent les atteintes à la liberté d'expression sont insupportables - Jean-Claude Vitran
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Madame,
Monsieur,
Nous
avons été alertés, notamment par un communiqué de la société de
distribution Les films des deux rives, ainsi que par la presse, des
menaces d’incendie à l’encontre du cinéma l’Utopie de
Sainte-Livrade (47) s’il maintenait la projection, programmée le
samedi 23 novembre, du film documentaire Résistantes
réalisé
par Fatima Sissani.
Le
directeur du cinéma a finalement décidé d’annuler la projection
qui devait être suivie d’un débat en présence de la réalisatrice
du film, privant les spectateurs de découvrir ce film et d’en
parler librement à l’issue de la projection.
La
manifestation était organisée dans le cadre des AOC de l’égalité,
en partenariat avec la revue Ancrage.
Le
directeur du cinéma l’Utopie a précisé pour expliquer la
démarche du film : « Par
la visite des camps de Bias, Sainte-Livrade et du Cafi, nous
souhaitions, avec Fatima Sissani, donner la parole à des femmes
d’hier à aujourd’hui. »
La
société de distribution Les films des deux rives ajoute :
« Les spectateurs de Sainte-Livrade ont été ainsi privés des
témoignages d’Eveline Safir Lavalette, Zoulikha Bekaddour, Alice
Cherki, résistantes engagées dans la lutte pour la libération de
l’Algérie. »
Plusieurs
associations* du département du Lot-et-Garonne, en région
Nouvelle-Aquitaine, se sont réunies contre cet état de fait. S’ils
tiennent « à
reconnaître la souffrance des Harkis, victimes comme l’ensemble du
peuple algérien de la politique coloniale de l’Etat français et
qui ont été les oubliés de l’histoire après 1962 »,
les signataires demandent «
que des poursuites soient engagées contre les individus ayant
censuré la projection du film et que la liberté d’expression soit
garantie dans les cinémas et les espaces culturels ».
Les
signataires expliquent : « Avec
clarté et pudeur, des femmes racontent l’Algérie coloniale, la
ségrégation, le racisme, l’antisémitisme, la prison, la torture,
les solidarités, la liberté… pour lancer un appel à la paix,
(…). À Sainte-Livrade, la diffusion n’a pas été possible à
cause d’une poignée d’individus se prétendant représentatifs
de la communauté harkie et dénonçant un film insultant et la
présence d’une supposée représentante du FLN. (…) Ces
individus ne connaissaient pas le contenu du film mais cela leur
importait peu. Même la cause harkie ne semblait pas les préoccuper
car pour eux les femmes témoignant dans le film n’étaient pas des
« résistantes
»
mais
des « terroristes » et ils ont piétiné le drapeau algérien
devant le cinéma.».
Au
témoignage de ceux qui ont pu le voir, le film documentaire
Résistantes
n’évoque à aucun moment les Harkis.
L’expression
de la violence devant les salles de cinéma pour y interdire les
projections de films est non seulement inexcusable, car elle prive le
public de débat, mais elle est réprimée par la loi.
L’Observatoire
de la liberté de création, avec l’ensemble de ses partenaires,
apporte son soutien au cinéma l’Utopie, à la réalisatrice Fatima
Sissani, à la société de distribution Les films des deux rives et,
en règle générale, aux cinéastes, aux sociétés de production et
distribution de films indépendants, ainsi qu’à toutes les femmes
qui ont témoigné dans ce documentaire, dans leur volonté à
exposer leurs idées, leur parole, leur liberté et la mémoire de
leurs actes.
Nous
demandons que la projection du film Résistantes,
au cinéma l’Utopie, soit reprogrammée.
Qu’un
débat soit organisé à l’issue de la séance afin que les
spectateurs présents, après avoir vu le film, puissent échanger
leurs points de vue, fussent-ils éloignés, dans un climat d’écoute
mutuelle et de discussion.
L’Observatoire
de la liberté de création se tient, dans la mesure de ses moyens
bénévoles, à la disposition des instances concernées et des
structures de diffusion pour que la loi soit respectée.
« Le
fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de
menaces, l’exercice de la liberté de création artistique ou de la
liberté de la diffusion de la création artistique est puni d’un
an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
II.-L’article 431-1 du Code pénal-LOI n° 2016-925 du 7 juillet
2016
Paris,
le 4 décembre 2019
|
*L’écran
livradais-Cinéma l’Utopie ; Les Montreurs d’Images ;
Les Porteurs d’ID ; Repères ; la revue Ancrage ;
Atel4 ; Solidarité Réseau d’éducation sans frontières 47 ;
La Maison des Femmes ; Attac Villeneuve-sur-Lot ; la Ligue des
droits de l’Homme de Villeneuve-sur-Lot ; le MRAP ; Palestine
47. Les AOC de l’égalité en Nouvelle-Aquitaine (collectifs
d’associations) ; La courte échelle.ed Transit ; Hendaia Film
Festival ; Syndicat des quartiers populaires de Marseille ; Approche
culture et territoire ; 24images ; Mémoire en marche ; 360° et même
plus (collectif de cinéastes) ; Les films des deux rives.
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