Le
14 mars 2012, quelques semaines avant l'élection présidentielle
nous avions fait paraître le blog que vous trouverez ci-dessous sous
le même titre « Le fichier de
trop ... celui des gens honnêtes ».
En
effet, ce fichier proposé par l'ancien gouvernement et partiellement
censuré par le Conseil constitutionnel, à
la suite de la saisine par les groupes socialistes de l’Assemblée
nationale et du Sénat, avait été
décrié avec force par l'opposition de l'époque, l'actuel garde des
Sceaux qualifiant le projet « de bombe à retardement ».
Le
gouvernement de François Hollande poursuivant son choix d'une
surveillance de masse et s'exemptant d'un débat au Parlement, s'est
contenté de faire paraître, en catimini, un décret pour créer ce
fichier unique d'une taille inégalée et malgré les nombreuses
réserves de la Cnil. Interrogés par un parlementaire, lors des
questions au gouvernement, le garde des
Sceaux et le ministre de l'intérieur louvoient entre oubli et
hypocrisie1.
Cela
ne devrait pas nous surprendre car François Hollande et son
gouvernement continuent de trahir leur électorat et n'ont plus de «
gauche » que le nom. Depuis cinq ans, la Constitution lui donnant
tous les pouvoirs, il en abuse et fait l’inverse
de ce pour quoi il fut élu se moquant du citoyen avec cynisme et
arrogance.
Il
est lamentable que le gouvernement reprenne à son compte un fichier
que ses membres ont combattu avec vigueur alors qu'ils étaient dans
l'opposition. Un fichier, particulièrement liberticide, puisqu'il
permettra de connaître, d'un simple clic, les données personnelles
de chaque Français.
Il
est lamentable que cela soit en catimini, un jour férié et par
décret, sans débat parlementaire que ce fichier voit le jour.
Ce
fichier sera une pépite pour ceux qui voudraient conduire une
politique autoritaire, voire totalitaire, et personne ne peut
affirmer aujourd'hui que leur venue au pouvoir ne soit pas possible.
Il
est légitime de s'interroger pour savoir si François Hollande ne
fait pas sienne la phrase de Louis XV : « Après moi le déluge ».
En
effet, les citoyens Français risquent, à l'avenir, de payer très
cher l'inconséquence, plutôt l'incompétence de ces hommes
politiques qui oublient leurs convictions au profit de leurs
ambitions et de leurs intérêts personnels.
JCVitran
- 03.11.16
Texte
du 14 mars 2012
Le
6 mars, l'Assemblée Nationale a adopté, en dernière lecture, une
loi destinée à mettre en place une nouvelle carte d'identité dite
Carte Nationale d'Identité Electronique (CNIE).
Cette
CNIE sera munie de deux puces RFID, l'une régalienne permettant
l'identification du possesseur de la carte, l'autre, commerciale,
destinée au commerce électronique. Pour la gestion du système, il
est prévu la création d'un fichier centralisé (TES) localisé au
ministère de l'intérieur et qualifié de fichier des « gens
honnêtes » par son promoteur Jean-René Lecerf.
Ce
fichier conservera les données d'identité des personnes - nom,
prénoms, adresse, signes particuliers, etc... deux photos numérisées
de face et de profil et les empreintes digitales sous forme
numérisées.
La
décision finale revenant, selon la Constitution à l'Assemblée
Nationale, cette adoption s'est faite contre l'avis du Sénat qui
voulait minimiser la portée liberticide de la loi. Aussi 120
parlementaires ont déposé un recours contre la loi au Conseil
Constitutionnel.
Les
débats ont duré près d'une année, le Sénat annulant le vote des
députés à quatre reprises, on peut, sans préjuger de la décision
des Sages du Conseil Constitutionnel, s'interroger sur la légitimité
d'une loi votée par une seule chambre du Parlement.
L'examen
de la loi a donné lieu à de nombreux retours sur une histoire
récente qui à laisser des traces dans la mémoire collectives des
Français.
Le
sénateur UMP François Pillet, rapporteur de la loi a affirmé qu'un
tel fichier central « est
susceptible de constituer, s’il n’est pas entouré des garanties
requises, une bombe à retardement pour les libertés publiques » et
il a ajouté :
« Démocrates soucieux des
droits protégeant les libertés publiques, nous ne pouvons pas
laisser derrière nous un fichier que, dans l’avenir, d’autres,
dans la configuration d’une Histoire dont nous ne serons pas les
écrivains, pourront transformer en outil dangereux et liberticide
(…) Que pourraient alors dire les victimes en nous visant ? (…)
Monsieur le Ministre, je ne veux pas qu’à ce fichier, ils puissent
alors donner un nom, le vôtre, le mien ou le nôtre.
»
En
effet, il n'est pas inutile de remettre en mémoire, le 27 octobre
1940, jour où le gouvernement de Vichy rendit obligatoire la «
carte d'identité de Français », même si aujourd'hui, la CNIE
n'est pas obligatoire, mais, seulement, comme le passeport,
nécessaire pour circuler en dehors du territoire national, à court
terme, l'ensemble des citoyens sera dans le fichier car qui
aujourd'hui ne sort pas du périmètre national ?
Cette
création de Vichy avait été préparée par plusieurs tentatives de
généralisation, notamment en 1921, par la préfecture de police et
en 1935 par le ministère de Laval. Dans les fichiers permettant de
délivrer la carte, figure, à partir de 1942, la mention
d'acquisition de la nationalité, la qualité de « juif » et le
numéro d'inscription au répertoire national d'identification des
personnes physiques (NIR). Comme de nombreuses autres lois, elle n'a
pas été abolie après-guerre. Elle est amendée et redevient non
obligatoire avec le décret n°55-1397 du 22 octobre 1955.
François
Pillet de rajouter : «
comment peut-on protéger un fichier comprenant les données
personnelles et biométriques de 60 millions de Français d’un
détournement de l’usage auquel il est destiné ? ».
L'histoire
des dernières années lui donne raison car le FNAEG, créé en 1997
pour ficher les empreintes génétiques des criminels sexuels, a
ainsi depuis été élargi aux simples suspects de la quasi-totalité
des crimes et délits. Aujourd’hui, près de 70% des gens qui y
sont fichés n’ont jamais été condamnés pour ce qui leur a valu
d’être fiché et rien n’empêchera d’élargir le fichier des «
gens honnêtes »
à de nombreux autres usages. On envisage de créer le permis de
conduire biométrique, la carte vitale biométrique, dont les données
pourraient être stockées dans le même fichier centralisé, un
nouveau SAFARI en quelque sorte, et le ministre de l'intérieur n'a
pas caché ses intentions d'utiliser le fichier pour des dispositifs
de reconnaissance faciale à partir des caméras de surveillance en
affirmant lors du débat à l'assemblée Nationale : «
La reconnaissance faciale, qui n’apporte pas, à l’heure
actuelle, toutes les garanties de fiabilité nécessaires, est une
technologie qui évolue très rapidement : on peut donc penser que,
très bientôt, elle sera aussi fiable que la reconnaissance digitale
».
Deux
raisons concomitantes concourent à l'adoption de cette loi :
1)
La détermination de l'État, affirmée par son représentant, de
vouloir tout savoir sur les citoyens qui sont considérés comme
potentiellement dangereux, tricheurs et fraudeurs. Le développement
du fichage et du traçage policiers – 36 fichiers en 2006, plus de
80 aujourd'hui, plus de 42 lois sécuritaires en 10 ans – et la
centralisation au « ministère de l'intérieur », ce que tous les
État démocratiques ont refusé, sont la preuve que nous sommes
entrés dans une société de surveillance généralisée et que la
France est en passe de devenir un État policier.
2)
La volonté du monde industrio-financier de faire du marché des
technologies biométriques la vitrine du savoir faire français, sans
se préoccuper des libertés et des droits fondamentaux. Sur les 31
personnes auditées dans le cadre du rapport sénatorial sur la CNIE,
14 d'entre elles représentaient le GIXEL (groupement professionnel
des industries de composants et de systèmes électroniques).
D'ailleurs le paragraphe 5 de ce rapport a pour titre : « Des
enjeux économiques, financiers et industriels à prendre en
considération » et
le rapporteur François Pillet d'écrire : « Les
représentants des industries œuvrant dans le domaine de la sécurité
numérique et biométrique, regroupées au sein du GIXEL (les
14 mentionnés ci-dessus) ont
insisté sur le fait que la carte nationale d'identité électronique
pourrait contribuer au développement économique de la France,
notamment par les effets positifs de la sécurisation de l'identité
dans les échanges commerciaux. Ils ont aussi fait valoir que
l'absence de projets en France, pays qui a inventé la carte à puce
et possède les champions du domaine, ne permet pas la promotion
internationale d'un modèle français de gestion de l'identité.
Leurs succès à l'international, face à une concurrence allemande
ou américaine seront plus nombreux, s'ils peuvent s'appuyer sur un
projet concret national ».
En
effet, les principales entreprises mondiales du secteur sont
françaises, dont 3 des 5 leaders mondiaux des technologies de la
carte à puce, et réalisent 90 % de leur chiffre d’affaires à
l’exportation.
Le
titre « Proposition de loi
relative à la protection de l'identité
» est lui aussi sujet à caution. Dans le rapport sénatorial, il
est affirmé que les usurpations d'identité, alibi de la loi,
seraient au nombre de 210 000 par an, mais aussitôt le rapporteur
met un bémol en affirmant : « un
chiffre ... qui appelle les plus grandes réserves
» en citant les chiffres officiels
fournis
par l'ONDRP
: « En
2009, près de 13 900 faits constatés de fraudes documentaires et à
l'identité ont été enregistrés par les services de police et les
unités de gendarmerie » soit
1,4 usurpations pour 6 500 personnes. Pour compliqués et pénibles
que soient les problèmes posés par les usurpations d'identité, ils
ne touchent qu'une petite minorité de personnes dont ils ne mettent
pas en cause l'intégrité et, à ce titre, ne peuvent, dans tous les
cas, aliéner les libertés et les droits fondamentaux de la
majorité. Le principe de proportionnalité, prévu par la loi, n'est
pas respecté par ces dispositions disproportionnées.
Il
faudrait aussi pour une vraie protection de l'identité que les puces
RFID soient sûres, inviolables, mais ce n'est pas le cas. Ces
composants électroniques sont assez facilement reproductibles avec
un matériel et une technicité ordinaires et n'offrent pas la
sécurité qui est vanté par les techniciens et l'administration.
Enfin,
la présence de deux puces, l'une régalienne pour l'identification
du possesseur de la carte, l'autre commerciale pour le commerce
électronique pose un problème de mélange de finalité qui n'est
pas conforme aux lois en vigueur.
Comme
on le voit, les problèmes sont multiples et importants et on ne peut
pas laisser un fichier aussi dangereux au regard de la législation
et du respect des libertés et des droits fondamentaux être installé
dans notre pays.
Ce
fichier est un brûlot qui mis dans de mauvaises mains, comme on l'a,
malheureusement, déjà vécu dans le passé, pourrait être utilisé
pour caractériser et discriminer des pans entiers de la population
et remettre profondément en question la démocratie dans notre pays.
Nous
ne devons pas accepter le développement de cette société policière
liberticide et mettre rapidement fin à ces dérives.
Jean-Claude
Vitran et Jean-Pierre Dacheux
1http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/11/03/pour-defendre-le-fichier-geant-des-francais-les-oublis-volontaires-de-mm-cazeneuve-et-urvoas_5024458_4355770.html
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