J'ai
choisi de reproduire le texte ci-dessous pour quatre raisons :
Parce
que je n'ai jamais accepté que la parole de la France, fut-elle
celle de François Mitterrand, soit bafouée par Jacques Chirac en
2004 et que Cesare Battisti soit obligé de s'exiler et d'errer en
Amérique du Sud.
Parce
que mon camarade Jean-Pierre Dacheux et Cesare Battisti avaient
partagé les mêmes bancs de l'Université Paris 8 et qu'ils étaient
devenus amis.
Parce
que le texte ci-dessous, auquel j'adhère totalement, a été publié sur le site de l'association
« Ici et Ailleurs »1
rassemblement cosmopolite de philosophes dont Jean-Pierre Dacheux fut
quelques années le Président.
Parce
que le néo fascisme dont Cesare Battisti est la victime est ignoble
et me donne envie de vomir.
Jean-Claude
VITRAN
___________________________________________
…
« Il
ne doit pas en sortir vivant ».
Une
Internationale noire et ouvertement fasciste, du Brésil à l’Italie,
se réjouit de l’arrestation de Cesare Battisti.
Mais
les démocrates, les pro-européens, sont tout aussi heureux. Oui, on
a enfin eu Battisti, il doit être en prison, même 40 ans après,
même s’il n’est plus dangereux, même si, même si, même si…
En
dépit de siècles de droit pénal, une histoire du droit bafoué,
des procès grotesques, des accusations sans vérifications…on veut
la prison, que la prison, même à vie. Vive la prison à vie !
Pourquoi ? Bon sang, parce que ce Battisti ne s’est jamais
repenti !
On
le voit bien. L’enjeu va au-delà de Battisti.
Battisti
est un plébéien comme tant d’autres qui ont choisi la politique
en prison dans des années de braise et de joie.
C’est
ça l’intolérable.
Un
anti-communisme fasciste ou démocrate pavoise, un anti-communisme,
sans le communisme, avec le « spectre » du communisme. Il
faut frapper le spectre, après avoir frappé les corps et les
esprits de tous ceux qui se sont révoltés en 68 et après.
Battisti, malgré lui probablement, est une des silhouettes encore
vivantes, encore libres, de ce spectre, surtout de tous ceux qui
n’ont pas baissé la tête. Dans un article immonde, d’un
important quotidien italien,
le journaliste, certainement laïc, démocrate et bien cultivé,
parlait moins de la mise au pilori, de l’exposition fasciste du
corps du prisonnier, que du « sourire malin » de
Battisti. Malgré tout, Battisti, sous la barbichette, ricane encore.
Ce prolétaire inculte nous défie toujours ! Au moins il
arrêtera de boire des verres de caïpirinha au Brésil, en profitant
des couchers de soleil sur la mer, dit le journaliste démocrate.
Quel infâme, résume Salvini.
Avec
Battisti, et la campagne anti-communiste en cours, on comprend que
les années 68 sont toujours là.
Avec
le retour de Battisti, reviennent en Italie quarante ans d’histoire
ensevelie, refoulée.
Pour
les anticommunistes, Battisti c’est le dernier scalp. La descente
de l’avion de Battisti signe leur triomphe définitif.
Ils
sont nombreux, mais ils ont peur.
A
la fin, la mise en scène fasciste de l’arrestation de Battisti est
un indice de quelques inquiétudes. Le « spectre » hante
toujours les sommeils des bourgeois. Battisti doit croupir en prison,
on doit jeter aux chiottes la clé de sa cellule. Soif de vengeance,
mais aussi extrême tentative d’empêcher que les spectres sortent
de leurs tombes.
Quand
ils reviendront, ils seront des millions. Ils ne ricaneront plus. Ils
souriront.
Un
sourire vous enterrera tous.
Philippe
Bruno
1. https://ici-et-ailleurs.org/
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