Je
suis souvent critique de l'attitude de la Ligue des Droits de l'Homme
française, dont je suis pourtant membre depuis une quinzaine
d'année, la trouvant trop timorée, et insuffisamment vindicative à l'égard de la politique du gouvernement Macron depuis
2017.
Le
dernier éditorial du Président de la LDH nous donne un bouffée
d'air pur. Il est dommage qu'il ne soit destiné qu'aux militants de
l'association.
Essayons
de lui donner un peu d'ouverture en le reprenant sur le blog
« Résistances et Changements ».
Jean-Claude
VITRAN
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Le
12 juin 2018, une vidéo diffusée par l'Elysée montrait le
président de la République Emmanuel Macron, en réunion de travail,
s’exprimer sans retenue sur la pauvreté en France.
La citation complète est utile pour apprécier la perception présidentielle du sujet :
La citation complète est utile pour apprécier la perception présidentielle du sujet :
«
On met trop de pognon, on déresponsabilise et on est dans le
curatif. C’est qu’on doit mieux prévenir, ça nous coûtera
moins, et on doit mieux responsabiliser tous les acteurs. On met un
pognon de dingue dans des minima sociaux, les gens sont quand même
pauvres. On n’en sort pas. Les gens qui naissent pauvres, ils
restent pauvres. Ceux qui tombent pauvres, ils restent pauvres. On
doit avoir un truc qui permette aux gens de s’en sortir, par
l’éducation. C’est comme ça qu’il faut faire, il faut
prévenir la pauvreté. Et responsabiliser les gens pour qu’ils
sortent de la pauvreté. »
L’intention
est volontairement de faire passer un message officiel après les
déclarations du 29 mai de Gérald Darmanin, ministre des Comptes
publics, qui distinguait deux types d’aides sociales, celles «
pour les gens qui sont cassés par la vie parlant des allocations
aux adultes handicapés et du minimum vieillesse, des autres
attribuées entre deux périodes d'activité, qui seraient des
trappes à inactivité.
Sont
ainsi mis en cause le RSA (revenu de solidarité active), qui pesait
en 2016 11,1 milliards d’euros, pour 1,8 million de foyers
bénéficiaires (selon la Cnaf), et l’allocation de solidarité
spécifique, accordée à près de 500 000 bénéficiaires, pour un
total de 2,7 milliards d’euros.
Cette
distinction faite parmi les bénéficiaires des minima sociaux
rappelle l’expression « salauds de pauvres ! », rendue célèbre
par Coluche dans les années 1980, reprenant la réplique de Jean
Gabin dans le film La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara, en
1956. Il y dénonçait la perception des bourgeois qui n’y voyaient
que des fainéants, des profiteurs du système.
Dans
les termes populaires choisis par le Président, il faudrait les «
responsabiliser», pour qu’ils s’en sortent.
Voilà
donc le retour de l’antienne des assistés, des pauvres
responsables de leur situation et qui s’y complaisent. Il reprend
le programme de Laurent Wauquiez à la tête des Républicains, qui
martèle à l’encan la nécessaire lutte contre l’assistanat,
comme le faisait avant lui Nicolas Sarkozy, alors président.
Or
ces minima sociaux sont un devoir de solidarité de la nation envers
ses membres les plus fragiles. Les aides versées par l’Etat
le sont pour assurer un revenu minimal à une personne, ou à sa
famille, vivant en situation de précarité, au nom d’une dignité
universelle. Il s’agit concrètement des chômeurs, de ceux en fin
de droit, des salariés précaires très mal payés ou à temps
partiel, avec, parmi eux, majoritairement des femmes seules avec
enfants. Ces aides sont au maximum, pour le RSA, de 550,93 euros par
mois pour une personne seule, 826,39 euros par mois pour une personne
seule avec un enfant, ou de 494,40 euros pour l'allocation
desolidarité spécifique. Comment considérer que ce serait trop,
pour vivre ? Que ce serait un luxe que la France ne pourrait plus
s’offrir ?
Le
gouvernement doit recevoir prochainement un rapport du Comité action
publique 2022 sur les pistes de réductions possibles de
l’intervention publique. Ces aides représentent 0,6 % du PIB.
D’autres choix budgétaires sont possibles. La priorité est-elle
là ? Peut-on ainsi précariser plus et sanctionner la misère ? En
posant au cœur du débat ces minima sociaux en termes de charges
financières, le gouvernement s’inscrit dans une approche purement
gestionnaire de la dépense sociale, comme cela a été fait avec la
coupe de cinq euros
des aides personnalisées au logement.
La
prévention de la pauvreté est cependant un enjeu majeur qui doit,
tous, nous mobiliser. Il y a en effet « un truc à faire »,
qui s’appelle une politique de progrès social. Non en
culpabilisant les victimes de la casse sociale et en précarisant
l’emploi, mais en responsabilisant tous les acteurs économiques,
pour que chacun puisse vivre des fruits de son travail avec un accès
à l’emploi sans discrimination, sociale, de sexe ou d’origine.
Il est aussi urgent de repenser la nécessaire redistribution des
richesses qui est loin d’être optimale, la vision ultralibérale
actuelle de l’économie laissant de trop nombreuses personnes au
bord de la route.
Cela
passe par l’écoute des partenaires sociaux et des associations
dans un dialogue social et civil fort, par l’affirmation des droits
fondamentaux sans les réduire à leurs coûts budgétaires, et par
une justice sociale qui assure à chacune et chacun une égalité de
traitement et une capacité effective de progrès.
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