La
bonne nouvelle est arrivée, en cette fin d'été : François de Rugy et Jean-Vincent
Placé ont quitté le parti qu'ils acceptaient de voir inféodé au
Parti socialiste, pour peu que des personnalités EELV aient leur
place au gouvernement.
C'est
une première dans l'histoire de la République française :
l'un et l'autre des présidents de groupes parlementaires, à
l'Assemblée Nationale et au Sénat, d'un même parti politique (en
l'occurrence EELV), s'en vont, ensemble, parce que leurs appétits
ministériels, comme l'observe Daniel Cohn-Bendit, n'ont pas été
satisfaits. Ils créent un nouveau parti qu'ils nomment :
« Écologistes ! »,
tout court, mais avec un point d'exclamation (on peut s'exclamer, en
effet1 ).
L'annonce précédente de la création de « l’Union des
démocrates et écologistes » a
fait long feu...
Les
écologistes vont-ils, enfin, pouvoir s'exprimer, sans ambiguïté,
et parler non pour rechercher où s'exerce le mieux le pouvoir, mais
pour entrainer l'opinion publique dans la voie d'une écologie sans
concessions ?
Enfin,
« des écolos enfin écolos », vont – espérons-le
–, pouvoir dire ce qu'ils veulent faire. Ils sont les seuls à
proposer d'agir, en urgence :
– pour
une économie
décarbonée2,
– pour
une agriculture vraiment biologique5,
– pour
un système économique
et écologiste,
débarrassé du culte de la croissance6,
– pour
la prise en compte des limites de la planète7,
– pour
une Europe qui ne soit ni sous l'empire des États ni celui des
banques10,
– pour
la protection de la biodiversité11,
etc...
– pour
une parité réelle12,
– pour
une Europe qui ne soit ni sous l'empire des États ni celui des
banques13,
– pour
la responsabilisation permanente des citoyens entre les élections14.
Ces
thèmes centraux ne sont pas les seuls à devoir être traités par
les écologistes. Tout n'est pas dit, en effet. L'écologie n'est pas
une partie de la politique. C'est, désormais, la politique tout
entière. Elle conduit à un changement de regard sur le monde et à
d'autres pratiques de l'action collective. Elle n'est plus l'apanage
d'un parti. Elle n'est d'ailleurs pas limitée à ce que prétendent
entreprendre les partis pour la protection de l'environnement. C'est
une approche globale et complète de la vie en société qui ne
consiste nullement à s'en tenir aux moyens de conquérir le pouvoir
et de l'exercer. Elle concerne tous les citoyens.
L'écologie
est politique par
essence ; inutile de la qualifier d' « écologie
politique ». C'est devenu un pléonasme ! Les tentatives
pour « faire de la politique autrement » ne pouvaient
qu'échouer et, de fait, en France, les Verts ou EELV ont fait de la
politique comme tout parti en fait et ils y ont perdu de leur
crédibilité. En Allemagne, les Grünen, n'ont pas fait beaucoup
mieux mais ont bénéficié d'un mode de scrutin, proportionnel, plus
acceptable que dans notre pays. Par contre, en Grande-Bretagne, où
l'écologie est tout aussi présente, le mode de scrutin, majoritaire
à un seul tour, est fait pour laminer les minorités et bloque
l'émergence de représentations nouvelles. Mais faut-il vraiment que
les représentants de l'écologie dépendent d'un mode de scrutin ?
Une élection ne crée pas une problématique majeure qui, de toute
façon, préexiste. On vient de le voir avec l'émergence, d'un seul
coup, de la question majeure de l'accueil des réfugiés.
Une
confusion commence à se dissiper : parce que René Dumont avait
affirmé que « l'écologie est à la gauche de la gauche »,
d'aucuns en avaient déduit que l'écologie était à l'extrême
gauche, « gauchiste » comme le prétendent encore les
dissidents d'EELV. En réalité, l'écologie est fort éloignée des
partis très centralisés et sectaires. Le choix n'est plus, pour les
écologistes, entre la droite et la gauche telles qu'elles se
définissaient par le passé. L'écologie n'est pas plus dans la
gauche de gouvernement que dans la gauche extrême, toutes deux
marquées par leur passé productiviste.
Elle
n'est pas davantage, évidemment, compatible avec la droite
autoritaire ou néo-libérale. Il n'y a pas de compatibilité entre
l'écologie et le capitalisme, un système du reste en fin de
parcours. Les questions qui se posent à tous les peuples de la Terre
ne sont plus, d'abord : comment produire plus et comment
profiter plus, mais comment produire mieux et partager mieux. Si,
désormais, les questions écologistes s'imposent au point de faire
partie des préoccupations des hommes politiques, on n'en est pas
encore à reconnaître que ces mêmes questions sont primordiales,
dominantes et décisives. La politique a changé de nature et les
citoyens, de plus en plus nombreux, s'en emparent non pour s'enrichir
mais pour seulement mieux vivre.
La
COP 21, prochainement, permettra une avancée dans la prise en
considération des problèmes dont dépend l'avenir de l'humanité,
mais tout donne à penser qu'elle échouera sur l'indispensable
remise en question du système économico-politique, lequel est la
cause même des perturbations sans équivalent qui sont survenues
dans les décennies passées.
Pour
avoir voulu se faire élire avant d'exister dans l'opinion publique,
les écologistes ont non seulement fait une lourde erreur mais ils
ont affadi leur message, voire lui ont fait perdre de sa pertinence.
Une chance nouvelle s'offre, aujourd'hui, à eux : leurs
analyses et leurs préconisations sont confortées par la réalité
de la situation économique, sociale, internationale, planétaire
qui déborde les cadres des États-nations. Les frontières,
physiques et plus encore idéologiques, ont commencé à révèler
leur caractère étroit et obsolète, mais alors que l'Europe renonce
à se construire comme structure politique, on est loin encore de
considérer que « la planète est un village » et que
« l'en-commun » est notre espace de vie.
Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran
1 http://www.slate.fr/story/106667/ecologistes-point-exclamation-nom-de-parti
2 350.org
& ATTAC France, Crimes,
climat. Stop. L'appel de la société civile. Le
Seuil. Septembre 2015.
3
Jean-Marie Pruvost Beaurain, Abolir le nucléaire civil
et militaire, Éditions Terre
d'Éspérance, mars 2012.
4
Paul Quilès, Jean-Marie Collin,
Bernard Norlain, Arrêtez la bombe,
éditions Le Cherche Midi, février 2013.
5 Marc
Dufumier, Famine au sud, malbouffe au nord : comment le bio
peut nous sauver, NiL éditions, mars 2012.
6 Richard
Heinberg, La fin de la croissance,
éditions Demi-Lune, collection Résistances, 2012.
7 Daniel
Cohen, Le monde est clos et le désir infini,
Paris, Albin Michel, septembre 2015.
8 Pascal
Canfin et Peter Staime, Climat,
30 questions pour comprendre la conférence de Paris, mai
2015
9
Noël Mamère et Patrick Farbiaz, Changeons le système, pas le
climat, Flammarion, septembre
2015.
10 Jean-Claude
Zarka, L'essentiel des Institutions de l'Union
européenne,librairie Eyrolles,
Juillet 2015.
11
Patrick de Wever & Bruno David, La biodiversité de crise en
crise, Albin Michel, janvier
2015.
12 Réjane
Sénac, "L'Egalité
sous conditions : Genre, Parité, Diversité"
,
Presses
de Sciences Po, mai 2015.
13 Jean-Claude
Zarka, L'essentiel des Institutions de l'Union
européenne,librairie Eyrolles,
Juillet 2015.
14 Pierre
Rosanvallon, Le bon gouvernement,
Le Seuil, août 2015.
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