Nous
ne l'avons pas voulue. Nous l'avons eue. L'Europe capitaliste,
« coulée dans le marbre » de la constitution
d'inspiration giscardienne, rejetée en France, après de longs
débats, puis en Irlande et aux Pays Bas, a fini par être adoptée
par des biais parlementaires reprenant, à peu près, ce que le
référendum avait nettement rejeté. La trahison de Sarkozy et de sa
majorité, mais aussi - déjà ! - de « socialistes »,
à peine masquée dans les brumes du « Traité de Lisbonne »,
a structuré une organisation de l'Union européenne des plus
libérales, sous la coupe des États-puissance ou se croyant tels.
Nous
payons, aujourd'hui, le prix de cet alignement et de ce refus de la
prise en considération de votes émis dans des conditions
indiscutablement démocratiques, c'est-à-dire respectueuses de
toutes les formes garantissant l'honnêteté et la clarté des
résultats.
Voici
dix ans, comme à présent, un vote n'était licite, pour les maîtres
de l'économie et de la finance, qu'à la condition de suivre les
lois des marchés et des banques.
En
2008, nous avons vu ce que veut dire « lois du marché » :
les banquiers n'ont jamais tort. Ils ont partie liée avec les
dirigeants d'États prêts à tout leur accorder, y compris le
renflouement de leurs immenses dettes.
En
2015, aura explosé le scandale et aura été révélé ce que veut
dire « Europe à plusieurs vitesses » : il y a les
États qui prospèrent et ceux qui paient.
La
rébellion grecque et son referendum net et sans ambiguïté n'ont
pas été acceptés par les créanciers d'un pays libre. L'Europe des
marchés a refusé qu'un gouvernement de gauche exécute la politique
pour laquelle il avait été élu.
Nous
en sommes là.
De
l'Écosse à la Catalogne, le peuple européen gronde mais il
est privé des moyens de se faire entendre.
Le
9 juillet 2015, à Santa Cruz, en Bolivie, le Pape François, qui
n'est ni notre maître à penser, ni notre inspirateur, mais qui est
l'une des personnalités les mieux informées de la planète, a osé
affirmer, déclenchant, alors, les protestations des puissants, que,
« quand le capital dirige les choix des êtres humains et
que l'avidité pour l'argent régit les systèmes socioéconomiques",
l'homme et la nature sont condamnés ».
Karl
Marx n'aurait pas mieux dit.
L'avertissement
est, en effet, à la hauteur de la menace. Cette nouvelle pensée
écologique et anticapitaliste ne s'exprime pas qu'au sein de
l'Église catholique ! Nombre d'auteurs, - font - enfin - , la
même analyse. L'année 2015 aura marqué un tournant dans
l'histoire politique de ce siècle. Le lien entre les perturbations
climatiques et les activités humaines déployées dans une logique
insensée de croissance illimitée est établi. Un changement des
structures économiques s'impose. Il y va de l'avenir de
l'humanité.
La
prise de conscience des citoyens d'Europe s'enfle. On ne fait pas le
bonheur des peuples contre eux-mêmes. On ne peut, dès lors, exclure
que des colères se manifestent.
La
Grêce, où sont nés les concepts d'Europe et de démocratie, a été
humiliée - et avec elle tous les démocrates d'Europe. Elle a
subi, de la part de ses créanciers, un coup d'État financier dont
les retentissements se répercuteront sur tout le micro-continent, et
durant longtemps.
Il
faut, à présent, choisir : ou laisser l'Europe des riches,
actuellement dominante, poursuivre son action prédatrice ou
s'appuyer sur cette expérience dont nous avons été les témoins,
qui a été aussi instructive que douloureuse pour donner des
contenus planétaires à la solidarité.
Avons-nous,
du reste, le choix ?
Jean-Pierre
Dacheux et Jean-Claude Vitran
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