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mardi 28 juillet 2015

François Hollande : ses incohérences et ses contradictions écologiques.


Le 21 juillet dernier, François Hollande, s'exprimant en ouverture du « Sommet des Consciences pour le Climat » a prononcé plusieurs phrases (ici en italique) qui sonnent comme une autocritique de sa propre action. L'une plaide vigoureusement pour les énergies renouvelables :

« Un accord sur le climat signifie renoncer à utiliser 80 % des ressources d’énergies fossiles facilement accessibles dont nous disposons encore. Nous pouvons le vivre comme une contrainte – cela en est une – mais aussi comme une opportunité pour bâtir un monde plus sûr et plus équitable et développer grâce aux progrès technologiques les énergies solaires, éoliennes, géothermiques, hydroliennes, c'est-à- dire les énergies renouvelables qui deviendront à terme la norme et non plus, comme aujourd'hui, l’exception. »

Pareille formulation signifie, – ou alors les mots n'ont plus aucun sens –, que la France va enfin s'engager dans une politique de développement des énergies renouvelables laquelle avait été envisagée et même annoncée, mais jamais lancée, dans notre pays. Rien ne le laisse pourtant présager...

Une autre assertion présidentielle dénonce le mode de vie, de production et de consommation dont nous sommes devenus dépendants :

« La cause profonde de la dégradation de l’environnement et du climat, c’est un mode de vie, un mode de production, un mode de consommation qui n’est plus compatible avec le développement humain. »

La formule est, cette fois, très surprenante : c'est une mise en cause non ambiguë du système économique capitaliste ! Et d'en rajouter au cas où nous aurions mal compris :

« Il est donc temps de proposer des voies nouvelles. La question posée à la grande famille humaine est celle de son destin commun. Nous aurons à revenir sur des modes de vie, des habitudes, mais ce qui est en jeu c’est la possibilité d’amener une population qui n’a jamais été aussi nombreuse à un niveau de vie jamais atteint. »

De quelles « voies nouvelles » est-il question ? « Revenir sur des modes de vie, des habitudes », suppose de sortir de la logique de la « croissance indéfinie », du toujours plus, et conduit à modifier notre rapport à la consommation de masse dans une économie qui, en dépit des avertissements clairs des philosophes et sociologues convivialistes1 reste ultra-productiviste. Mais ce n'est pas la voie empruntée par le gouvernement français si sensible aux arguments et aux revendications du MEDEF.

Et il ne suffit pas d'en appeler au Pape pour inverser cette tendance mondialiste et consumériste précisément prônée comme un dogme religieux :

« C’est dans cet état d’esprit aussi que j’ai lu l’Encyclique du Pape François, qui propose à tous les êtres humains d’entrer en dialogue avec tous, en ce qui concerne notre maison commune. »

La pensée du Pape est clairement plus radicale quand il s'écrie, le 9 juillet, à Santa Cruz, en Bolivie : « Disons-le sans peur : nous voulons un changement, un changement réel, un changement de structures. On ne peut plus supporter ce système, les paysans ne le supportent pas, les travailleurs ne le supportent pas, les communautés ne le supportent pas, les peuples ne le supportent pas... Et la Terre non plus ne le supporte pas, la sœur Mère Terre comme disait saint François. »

Sous le discours de François Hollande on reconnaît l'inspiration de Nicolas Hulot, souvent cité, mais il ne suffit plus de diagnostiquer « la crise de civilisation », pour y échapper.

Car François Hollande, une fois encore, et quoi qu’il dise, ne s’engage pas dans la voie qu’il prétend ouvrir : « Lorsque Nicolas HULOT m’a suggéré d’organiser un Sommet des consciences pour le climat, il m’avait dit qu’il s’agissait d’en faire un moment de pause, – nous y sommes – de réflexion, – je l’espère – en amont de la Conférence sur le climat de décembre prochain pour répondre à une crise de civilisation qui ne dit pas son nom.»

On n’échappera pas à la « crise de civilisation » sans changer de société, sans instaurer une solidarité planétaire, bref sans rompre avec un modèle économique qui ne sait qu'enrichir les riches et appauvrir les pauvres !

La loi de transition énergétique, adoptée par l’Assemblée Nationale dès le lendemain, le 22 juillet, a pour objectif de réorienter le mix énergétique français et notamment la production d’électricité. Pour accélérer le développement des énergies renouvelables les mesures envisagées semblent limitées au regard des objectifs fixés.
En matière d'écologie, ces incohérences présidentielles ne sont pas les premières. En effet, il suffit de relire le discours2 du Président du 14 septembre 2012, tenu lors de la première conférence environnementale au Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) pour se convaincre qu'il ne fait pas ce qu'il dit :
« Comment admettre la dégradation continue des ressources et du patrimoine naturel du monde, comment ne pas voir les effets du réchauffement climatique qui n'est pas une opinion ou une hypothèse, mais un fait scientifique ? Comment ne pas comprendre que le creusement des inégalités entre les plus riches et les plus pauvres constitue à l’échelle du monde un risque majeur ? Comment rester impassible face aux atteintes irréversibles à la biodiversité ? Comment laisser croître notre dette écologique envers les autres ? La question se résume finalement ainsi : serons-nous solidaires des générations à venir ou trop cupides, trop avides pour laisser à nos enfants un fardeau encore alourdi du poids de nos égoïsmes ? »
Les questions sont pertinentes mais les réponses sont trop évasives.

On ne changera pas de civilisation sans changer de société, sans instaurer une solidarité planétaire, bref sans rompre avec le modèle économique industriel et commercial responsable des erreurs majeures soulignées devant le CESE.
Il est grand temps de désigner les responsables de ces désordres planétaires :
- qui pille, sans états d'âme, les réserves fossiles, minérales et animales de la planète ?
- qui modifie le climat au point de remettre en question la présence de l'homme sur la Terre ?
- qui pratique des politiques néocoloniales et suscite des conflits armés pour empêcher le développement des pays émergents et afin de conserver le leadership occidental, notamment en Afrique ?
- qui met en place des politiques économiques qui profitent seulement à une fraction infime de la population mondiale ?
- qui a choisi de creuser les inégalités en acceptant d'appauvrir les pauvres, si c'est le moyen d'enrichir les riches et en appauvrissant les pauvres ?

La réponse est toujours la même : le système économico-libéral génère toutes les atteintes écologiques et sociales que déplore François Hollande. 

Les résistances à toute tentative de sortir de cette domination des marchés et des puissances financières sont si considérables que le gouvernement français objectivement solidaire des très grandes entreprises n'ose ni l'envisager sérieusement ni s'y engager. On vient de le voir aussi, en Grèce, impuissante devant ses créanciers.

Celui qui se disait « ennemi de la finance », en 2012, devenu l'ami des financiers en 2015, est en contradiction avec lui-même et manque totalement de crédibilité pour convaincre d’accomplir, à l'occasion de la COP21, ce qu'il a recommandé devant les participants au « Sommet des Consciences pour le Climat ».


Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

1   Voir le Manifeste convivialiste. Déclaration d’interdépendance, le Bord de l’eau, juin 2013.

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