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lundi 9 août 2010

Sécurité : ne nous laissons pas endormir !

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En écho aux intonations d’extrême droite du discours de Grenoble, un sondage de l’IFOP commandé par le Figaro et paru le vendredi 6 août semble prouver que les propositions de lois liberticides du pouvoir sarkozien recueillent l’avis favorable d’une majorité de nos contemporains.

Ce sondage suscite de multiples réactions des commentateurs et la colère de l’ensemble des partis, syndicats et associations attachés aux valeurs républicaines qui dénoncent sa pertinence, parlant de manipulation, voire de populisme.

Il en a éclipsé un autre, paru le même jour dans L'Humanité, réalisé par CSA et qui comprend deux questions comparables aux réponses bien différentes.

Sur son blog Serge Portelli (voir Blog précédent) souligne qu’ « Il n’est pas étonnant que, dans un premier temps, ces mesures, habilement présentées, recueillent l’assentiment d’une majorité de la population. Elles sont minutieusement étudiées pour, dans un premier temps, flatter ce qu’il y a de plus bas, de plus vil, de plus vulgaire en nous tous. Mais il suffit d’un peu de réflexion, d’un peu de temps pour que la raison reprenne ses droits. »

Sur la question de la vidéosurveillance qui recueille 67 % d’opinion favorable, essayons d’apporter des éléments complémentaires à la réflexion pour que la raison reprenne ces droits.

Sondage du Figaro :

L'adhésion à différentes mesures de lutte contre l'insécurité

La mise en place de 60 000 caméras de vidéosurveillance d'ici à 2012


TOTAL FAVORABLE

Très favorable

Plutôt favorable

TOTAL OPPOSE

Plutôt opposé

Très opposé *

67

33

34

33

22

11

* Il est curieux de noter que ce panel de personnes sondées ne comporte pas d’indécis.

En 2008, un sondage, réalisé à la demande de la CNIL, avait donné une valeur légèrement supérieure (71 %), néanmoins à la seconde question : « Et de façon générale, diriez-vous qu’actuellement en France il y a trop, suffisamment ou pas assez de caméras de vidéosurveillance dans les lieux publics ? »

48 % des sondés affirmaient qu’il y en avait suffisamment, 43 % pas assez et 9 % étaient dans l’indécision.

Ces réponses montrent qu’une importante proportion de la population aspire à vivre en sécurité, comme c’est légitime, mais pas au prix d’une surveillance généralisée.

Qu’en serait il aujourd’hui de ce pourcentage si les questions n’avaient pas été manipulées ?

Par ailleurs, dans un précédent blog, le 21 mai, nous avions dénoncé l’utilisation de la novlangue, chère à Georges Orwell, pour faire passer la pilule de la mise en place de la vidéosurveillance par les municipalités de droite, comme de gauche.

Nous avions insisté sur le caractère onéreux et inefficace des systèmes et sur leur aspect attentatoire aux droits fondamentaux.

Maintenant, pour apporter un nouvel éclairage au débat, posons-nous d’autres questions :

La vidéosurveillance serait-elle seulement destinée à masquer la baisse continue des effectifs de police ?

Un rapport rédigé début 2010 par Alain Bauer et Christophe Soullez souligne l’insuffisance des effectifs de police et de gendarmerie sur le terrain.

Dans le même temps, une projection du ministère de l’Intérieur remarque que les effectifs de la police et de la gendarmerie diminueraient d'ici à 2014 et que pour pallier à cette réduction, il sera fait appel aux polices municipales, à des sociétés de sécurité privée ainsi qu’à l’installation de caméras de vidéosurveillance, comme au Royaume-Uni.

Comme pour l’ensemble du service public, l’Etat se désengage financièrement et abandonne, en ce qui concerne la sureté de nos concitoyens, une partie de ses pouvoirs régaliens vers les collectivités territoriales.

Les coûts de ces transferts financiers seront supportés par les municipalités qui ne pourront assurer leurs charges de solidarité qu’au prix d’une augmentation importante des impôts locaux. Le réveil risque d’être difficile dans certaines municipalités.

La vidéosurveillance servirait-elle à muscler le PNB national en gagnant quelques points de croissance, et, par conséquent, à créer du profit pour quelques alliés gravitant autour du pouvoir ?

La question n’est aussi déplacée et politiquement incorrecte qu’il ne le parait.

Le marché de la sécurité, tous secteurs confondus, est en progression en moyenne de 10 % chaque année (473 M€ en 2000, 750 M€ en 2006) et un lobbying est présent en France sur le seul secteur de la vidéosurveillance.

Une association, l’AN2V (Association Nationale des Villes Vidéosurveillées) (1) et une publication Vidéosurveillance Info (2), fortes du soutien de nombreuses sociétés du secteur et de villes importantes forment un puissant groupe de pression auprès du gouvernement et des municipalités.

Dans la communication de son association D. Legrand, président fondateur de l’AN2V se fait le chantre d’une ville entièrement quadrillée de caméras, qui, selon lui, régleraient tous les menus problèmes du quotidien : « encombrements, pannes », « un sens interdit qui est tombé, une branche de platane qui a heurtée un enfant, une poubelle renversée qui a fait chuter un motard… ». « La vidéosurveillance est capable de “voir” au premier coup d’œil que cette branche allait tomber »

et de confirmer les objectifs de son association (professionnelle) :

Sur les 10 prochaines années, les travaux vont être de trouver les usages de gestion de la ville y compris les problèmes et les enjeux de sécurité et ce qui peut être utile dans la rue pour faciliter la vie du citoyen.”

Ces froids calculs financiers ne sont étayés par aucune éthique, tous ces propos sont assénés dans le plus grand cynisme, sans arrière pensée ni aucune réflexion sur les atteintes aux droits fondamentaux, seulement, le profit, le profit et encore le profit.

Peut-être peut-on s’attendre à entendre prochainement, dans les conseils municipaux, des élus décrétant que « la gestion de la voirie est la première des libertés ? ».

Voilà vous avez tous les paramètres pour vous forger une idée de la pertinence de la vidéosurveillance ; enfin pas tout à fait, il en manque encore un : « celui, pour les élus, de satisfaire le besoin de sécurité de leurs concitoyens dans un but électoraliste ? »

Le manque de courage politique de nos élus est trop souvent manifeste, mais nous laisserons ce point en suspens à votre réflexion.



1 - http://www.an2v.org/index/index.asp

2 - http://www.videosurveillance-infos.com/

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

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