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mercredi 19 février 2025

BASCULE IDEOLOGIQUE ?

 

Le texte ci-dessous ne sera certainement pas positivement partagé par tous les lecteurs, cependant, il représente ma conviction que nous sommes à une bascule idéologique de nos sociétés. 

Je tenais à faire partager mon appréciation de la vie politique actuelle.

Pour une fois, faites-moi part de vos commentaires, merci.

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Les sociétés humaines sont des systèmes vivants qui évoluent et mutent au cours du temps et il me semble que nous assistons, justement, dans cette période de notre histoire humaine à une mutation qui conduit à terme à la disparition, espérons-la momentanée, de certaines idéologies politiques.

Dans les démocraties occidentales, depuis la fin du XVIIIème siècle et le début du XXème, il est commun de catégoriser les idéologies politiques en une représentation GAUCHE / DROITE, même s'il existe des partis se définissant centristes ou à la marge de ces représentations.

Il me semble que depuis quelques dizaines d'années, ce clivage tend à s’affaiblir voire à disparaître au profit d'un capitalisme triomphant, plutôt même d'un post néolibéralisme.

En France, par exemple, à partir de 1983, les socialistes, conduit par François Mitterand, renient la lutte des classes et choisissent délibérément l'économie de marché ; dans le même temps le Parti communiste français (PCF) commence à perdre de son influence électorale. Les résultats aux élections législatives de 1981, où il a obtenu 16,13 % des voix, ont marqué le début d'une série de revers et aux élections législatives de 2022 il a obtenu seulement 2,7 % des suffrages.

En 2017, un jeune technocrate, quasiment inconnu du grand public, adopte pour slogan électoral « ni gauche, ni droite » qui semble plaire aux citoyens français puisqu'il est élu Président de la République alors que les partis dit de gauche et aussi de droite connaissent un affaiblissement spectaculaire.

Ailleurs dans le monde, dans la même décennie, la Chine « communiste » adopte, elle aussi, l'économie de marché et le « capitalisme d'Etat ». En 1989, on assiste à la chute du mur de Berlin et à l’effondrement des régimes communistes de l'Europe de l'Est et de l'URSS.

En 1992, un écrivain américain, Francis Fukuyamafait paraître un essai « la fin de l'histoire et le dernier homme » qui soutient que le terme de l’affrontement entre l'Est et l'Ouest marque la fin des guerres idéologiques et l’Avènement de la démocratie libérale. Il est contredit par Samuel Huntington qui envisage, au contraire, la possibilité d'un "clash des civilisations" générateur de conflits culturels et identitaires.

Il semble que Samuel Huntington avait raison car depuis le milieu de la décennie 70, après deux chocs pétroliers, les puissances d'argent ont pris le pouvoir, ont aboli les frontières économiques et ont mondialisé les échanges des marchandises et de la finance, mais ceux pas des individus.

Cet immense marché a ouvert les appétits financiers d'une faune d'opportunistes de tout poil qui sous couvert de convictions fallacieuses voire mafieuses, ne songeant qu'à leurs intérêts personnels battissent des fortunes considérables au détriment des populations de leurs pays.

Leur objectif final est de détruire les démocraties qui les empêchent de réaliser leurs projets : ce sont les séides du libertarianisme. Ils veulent supprimer l'Etat qu'ils considèrent comme une institution coercitive, voire inutile. Ils souhaitent mettre en place un libéralisme économique total dans le cadre d'un capitalisme dérégulé sans intervention de l'Etat.

Dans la décennie 1980, Ronald Reagan, qui avec Margaret Thatcher, a pris le virage du néolibéralisme de l'école de Milton Friedmann et des Chicago-boys disait déjà : « L’Etat n’est pas la solution à nos problèmes. Il est le problème lui-même. »

C'est la philosophie de la ploutocratie trumpiste qui gouverne aujourd'hui à Washington. 

Cette philosophie n'est pas vraiment nouvelle, John Locke, au 17ème siècle développait déjà la théorie de l’économie libérale, mais c'est en 1938 à Paris lors du congrès Walter Lippmann organisé par le philosophe français Louis Rougier qui réuni 26 économistes et intellectuels mondiaux pour redéfinir le libéralisme économique face au totalitarisme et à l'interventionnisme des Etats qu'elle trouve ses racines.

Friedrich Hayek et Ludwig von Mises qui participent, entre autres, à cette réunion seront les promoteurs du libertarianisme, continuation du libéralisme classique.

A partir de 1971, une coterie s'est constituée de ces thuriféraires du néolibéralisme - le forum de Davos - d'une simple réunion annuelle de chefs d'entreprises européens, elle réunit maintenant des grands patrons de multinationales, des banquiers, des responsables politiques et des intellectuels influents du monde entier ; cette année, trump est intervenu en visioconférence.

Donald est le symbole de la situation actuelle, il n'a pas d'amis, il n'a pas d'ennemis, il a, seulement, des entités qui lui rapportent et d'autres qui lui coutent. Son idée fixe est mercantile.

Un autre exemple est Javier Milei. le président argentin, qui à Davos rappelle son souhait de supprimer les réglementations et les excès de norme. Voilà ses propos : « Si vous pensez qu’il y a une défaillance du marché, allez vérifier si l’État n’est pas au milieu, et si vous le trouvez, ne refaites pas l’analyse – parce qu’elle est fausse. »

Le forum de Davos est devenu le club des puissants du monde. Comme pour Donald, leur projet est de conforter la mondialisation en créant un réseau international de la gouvernance mondiale dans lequel les entreprises pourraient - devraient - remplacer le rôle des Etats jugés défaillants et obsolètes.

Aujourd'hui, pour des raisons économiques et financières, l'ensemble des dirigeants mondiaux ravalent leurs convictions et engage le monde vers cette nouvelle féodalité.

Même Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, accepte cette réalité : « L’ordre mondial coopératif que nous imaginions il y a vingt-cinq ans n’est pas devenu réalité. Au contraire, nous sommes entrés dans une nouvelle ère de concurrence géostratégique acharnée. » et le comble est que l'ensemble des citoyens nourrit au confort du consumérisme déchaîné oublie aussi ses convictions, voire ses valeurs primaires et se vautre dans la consommation de masse jusqu’à l'indigestion en écoutant le chant des sirènes populistes.

D'aucuns, dans notre pays se plaisent à dire que les citoyens veulent être gouvernés à droite. Rien n'est plus faux, c'est ni à droite, ni à gauche et les séides de cette théorie, Bruno Retailleau et Gerald Darmanin, sous couvert d'un parti de droite, expriment des idées d’extrême droite.

Au niveau européen, Elon Musk, histrion de trump, et JD Vance, vice-président des USA s'ingèrent dans la politique allemande en soutenant ouvertement l'AFD, parti d’extrême droite. On peut légitimement se demander si les USA sont encore une démocratie.

Nourrit à l’exemple américain, les milliardaires français l'ont bien compris qui en sous main manœuvrent pour prendre le pouvoir en achetant l'ensemble des médias et en finançant les partis politiques d’extrême droite comme Vincent Bolloré ou Pierre-Edouard Sterin1 qui au travers de son projet Péricles fait la promotion du Rassemblement National et le finance.

Dans cette montée en puissance de ces malades de l'argent, la responsabilité des citoyens est énorme car depuis une vingtaine d'années, sans réelle réaction du peuple, l'Etat n'a jamais autant favorisé les grandes fortunes :

  • Les subventions versées aux entreprises du CAC 40 sont passées de 65 à 150 milliards depuis 2008, sans contreparties, tandis qu’elles ont payé des dividendes record à leurs actionnaires.

  • En 2008, les contribuables ont sauvé le système bancaire qui était à l’agonie sans retour vers les contributeurs.

  • En 2021 et 2022, baisse d'impôts des entreprises.

  • Etc …

L'ensemble des grandes fortunes mondiales veulent la fin des démocraties qui bloquent leur appétit financier2 et ils travaillent à leur remplacement par des Etats à l'autorité limitée à un régalien minimum où les entreprises et la finance seraient souveraines.

A mon avis, il ne nous reste peu de temps pour contrecarrer les projets fascistes de cette « internationale du fric », je crains même qu'il ne soit trop tard. 

Il reste que l'humanité étant un organisme vivant, un effet pendulaire viendra, à terme, remettre de l'ordre dans la « maison monde », à moins que ces milliardaires, tous plus ou moins climato-sceptiques par intérêt, ne soient rattrapés par l'effondrement de la civilisation.


Jean-Claude Vitran


1 Pierre-Edouard Sterin quitte la France en 2012 pour la Belgique, afin d'échapper aux impôts sur les plus-values, bel exemple de patriotisme.

2 Aristote 350 ans avant notre ère dénonçait déjà la chrématistique ou l'acquisition et l'accumulation de richesses pour elles-mêmes, sans considération de leur utilité.

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