Lundi
27 novembre 2017, dix-huit pays de l'Union Européenne ont voté en
faveur de la proposition de l'exécutif européen, neuf s'y sont
opposés et un pays s'est abstenu.
Pour
que la proposition soit validée il fallait que plus de 65 % de la
population soit représentée.
Voici
le détail du vote pays par pays :
- Pour (65,71%): Bulgarie, Allemagne (qui s'était abstenue lors du vote précédent), République tchèque, Danemark, Estonie, Irlande, Espagne, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Finlande, Suède, Royaume-Uni;
- Contre (32,26%): Belgique, Luxembourg, France, Croatie, Italie, Chypre, Grèce, Malte, Autriche;
- Abstention (2,02%) : Portugal.
C'est
l'Allemagne qui, pourtant, s'était abstenue lors du vote du 9
novembre 2017 et qui a pesé, cette fois, sur le résultat final. Le
fait que Monsanto, producteur du RoundUp, soit en cours de rachat1
par Bayer n'est pas, bien entendu, étranger à ce revirement.
Le
glyphosate est un herbicide puissant et polyvalent, breveté en 1974
sous le nom de Roundup, qui tue la plupart des plantes. Il est très
critiqué par les défenseurs de l’environnement et a été classé
comme « cancérogène probable » pour l’homme par le
Centre international
de recherche sur le cancer,
une agence de l’Organisation mondiale de la santé.
Depuis
le début des années 2000, le brevet de Monsanto est tombé dans le
domaine public et le glyphosate est utilisé partout dans le monde
pour l’agriculture comme pour les jardins publics et privés. Il
est fabriqué par plus de 90 sociétés dans une vingtaine de pays.
Le marché mondial du glyphosate devrait dépasser 6 milliards de
dollars en 2024. En France, il a été l'herbicide le plus vendu
entre 2008 et 2013. Selon une enquête de « Cash Investigation »
citée par France Info, 47 626 tonnes de glyphosate ont été
écoulées dans l’Hexagone pendant cette période.
Le
Roundup qui est utilisé dans les années 1990 permet aux
agriculteurs de produire plus pour répondre à la demande - entre
1960 et 2004, le volume de la production agricole totale a doublé.
En voulant interdire l'utilisation du glyphosate en France, Nicolas
Hulot et le gouvernement ont suscité une levée de boucliers parmi
les agriculteurs car beaucoup d'entre eux, notamment la FDSEA et la
FNSEA, invoquant que ce produit est indispensable pour éliminer les
mauvaises herbes, chardons et plantes vivaces, afin de préserver les
plantes cultivées, défendent l’herbicide inventé par Monsanto.
D’après ses utilisateurs, il n'y a pas d’équivalent aussi
efficace et bon marché.
Pourtant,
l'utilisation du Roundup par les particuliers et les agriculteurs
n'est pas sans incidence sur l'environnement. En 2014, l'Inra prouve
l'effet néfaste de ces produits sur les abeilles qui lorsqu'elles
sont exposées à l'herbicide perdent le sens de l'orientation et ne
retrouvent pas leur ruche. Les conséquences sont importantes sur la
production de miel qui a atteint à peine 15 000 tonnes en 2013,
contre 33 000 vingt ans auparavant. L'homme pourrait bien constituer
la prochaine victime du Roundup. « Nous
avons découvert que le glysophate changeait la régulation de la
division des cellules, et donc qu'il avait une incidence sur
l'induction de cancer »,
explique Robert Bellé2.
Des conclusions également révélées par le Centre international de
recherche sur le cancer (CIRC).
Monsanto
affirme sur son site que «
les preuves sont limitées »,
que « Plusieurs études ne
sont pas vraiment des études, mais plutôt des hypothèses »,
que « la corrélation entre
le Roundup et la hausse des cancers reste difficile à établir ».
Dans le même temps, de nombreux journaux internationaux affirment
que la firme américaine
a cherché à influencer les médias et la recherche scientifique
afin de minimiser ou nier la toxicité du Roundup.
Au
travers de ce vote des 28, il est impossible de ne pas voir la
victoire du lobbying industrio-financier et la défaite d’une
certaine idée de la Commission européenne, censée être garante de
l’intérêt général européen et non porte-parole des intérêts
des géants de la finance et de l’industrie.
C'est
ce point qui met en cause la démocratie.
En
effet, le mardi 24 octobre 2017, le Parlement européen a voté une
résolution non contraignante, il est vrai, demandant la disparition
du glyphosate dans l’Union européenne d’ici 2022 et son
interdiction d'utilisation dès le 15 décembre 2017 pour
l'utilisation à des fins non professionnelles.
La
résolution, a été adoptée par 355 voix pour, 204 contre et 111
abstentions.
Par
ailleurs, une pétition avait réuni 1,3 millions de signatures
d'Européens, et le vote du Parlement visait à mettre la pression
sur la Commission européenne.
Mais
les autocrates omniscients de Bruxelles sont restés sourds aux
demandes européennes et ont reconduit le « poison » pour cinq
années supplémentaires.
Alors,
le glyphosate a encore de beaux jours devant lui, les abeilles et les
futurs malades aussi, car les membres de la Commission Européenne
qui n'ont que faire des avis des citoyens européens en ont décidé
autrement malgré les avertissements de l’OMS, la pétition de
millions d’hommes et de femmes à travers l’Europe et le vote du
Parlement européen.
Comme
lors du vote de 2005 sur la Constitution européenne, la démocratie
est, une nouvelle fois, bafouée et le citoyen le dindon.
Ca
ne peut pas continuer ainsi !
Jean-Claude VITRAN
1 La
Commission européenne a annoncé jeudi la suspension temporaire de
sa procédure d'enquête sur le rachat de l'américain Monsanto par
l'allemand Bayer, afin de permettre aux deux sociétés de fournir
des informations jugées importantes par Bruxelles. Une fois ces
informations fournies, une nouvelle date butoir sera annoncée pour
que la Commission européenne arrête sa décision sur cette fusion,
a précisé un porte-parole de la Commission. Initialement, la
date-butoir était le 8 janvier 2018.
2. Biologiste
et professeur émérite à l'Université Pierre et Marie Curie.
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