Encore
récemment, le député Noël Mamère déclarait : «
Pourquoi tant de concessions à ceux d’en haut ? Pourquoi si
peu de considérations pour ceux d’en bas ? »
Aujourd'hui, notre propos n'est pas de faire l'analyse de la politique du gouvernement, mais de revenir sur l'expression « gens d'en bas » et de tenter de lui tordre définitivement le cou.
Nous
avons horreur de cette expression condescendante, méprisante et
arrogante, survivance de l'ancien régime et qui ne peut plus avoir
cours dans une démocratie au 21ème siècle.
Il
est bien difficile de définir avec exactitude le mot « gens »
qui, justement, ne définit rien, qui ne respecte aucune règle
grammaticale1
et se prononce souvent familièrement voir avec dédain. Le Petit
Robert définit les petites gens comme des gens à revenus modestes.
Pour
définir les catégories socio-professionnelles, l’Observatoire des
inégalités2
reprend le découpage suivant (identique à celui utilisé par le
Crédoc3).
- les 30% les plus démunis composent les catégories « modestes »,
- les 20% les plus riches composent les catégories « aisées »,
- les classes « moyennes » se situent entre les 30% les plus démunies et le 20% les mieux rémunérées, elles sont 50% de la population.
Si
l'on en croit, Jean-Pierre Raffarin, qui prétend être l'inventeur
de cette formule, un tiers de la population Française serait les
« gens d'en bas ». Des gens de rien qui ont l'impression
de n'exister pour personne. C'est vrai, que ces 20 millions de
Français peuvent se poser la question, tant les politiques ont une
vision idéologique de leur condition, en amalgamant la précarité
et la fraude, la fainéantise et le chômage, en comparant
l'assistanat au cancer de la société4,
en partant du postulat que si les pauvres sont dans cette situation
c'est de leur faute et en niant que la paupérisation d'une partie
toujours plus importante de la société française est d'ordre
conjoncturelle mais surtout structurelle.
Tout
d'abord, il n'y a pas de quoi être fier de ces propos, ils révèlent une prétention, une suffisance et une condescendance indigne d'un homme politique contemporain. Ils
laissent à penser que l'ancien premier ministre a des regrets de la
monarchie absolue ou qu'il a oublié que nos valeureux ancêtres ont,
la nuit du 4 août 1789, aboli les privilèges et ont défini les
droits des citoyens, le 24 juin 1793, dans l'article 2 de la
Constitution de la 1ère
république « Ces
droits sont l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété ».
Ensuite,
Jean-Pierre Raffarin, quoiqu'il prétende, n'a pas la propriété de
cette expression populiste qu'il a, comme récidiviste, reprise
avant l'élection présidentielle de 2012 : « DSK est quand
même le représentant de la France d'en haut et c'est difficile de
séduire la France d'en bas quand on est dans cette situation ».
C'est
Honoré de Balzac qui a imaginé cette « France d'en bas » dans la
Comédie Humaine : « … Ainsi, l'Houmeau, malgré son
active et croissante puissance, ne fut qu'une annexe d'Angoulême. En
haut, la noblesse et le pouvoir, en bas le commerce et l'argent. »
Après
J.P. Raffarin, Jacques Chirac, Dominique de Villepin,
Jean-Marie Le Pen, mais aussi Arlette Laguiller, Olivier Besancenot
et Noël Mamère ont repris à leur compte cette déplaisante
expression.
Il
serait beaucoup plus respectable et méritant, pour tous ces femmes
et hommes politiques, d'attacher leurs noms à des lois permettant le
recul de la misère et de la pauvreté dans notre pays plutôt que de
trier les Français comme on sépare le bon grain de l'ivraie.
Victor Hugo dans un discours resté célèbre et prononcé à l’Assemblée Nationale le 9 juillet 1849, disait :
«
… je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu'on peut
détruire la misère. Remarquez-le bien, Messieurs, je ne dis
pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis
détruire. La misère est une maladie du corps social comme la
lèpre était une maladie du corps humain ; la misère peut
disparaître comme la lèpre a disparu. Détruire la misère !
Oui, cela est possible ! Les législateurs et les gouvernants
doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant
que le possible n'est pas le fait, le devoir n'est pas
rempli. »
Depuis 164 ans et cette allocution, beaucoup de progrès ont été réalisés, pourtant la misère et la pauvreté n'ont pas été détruites comme le voulait Victor Hugo, pire, les crises inversent la tendance et toujours plus de personnes sombrent dans la précarité.
Il
ne s'agit, pourtant, que d'une affaire de partage, de solidarité, de
courage et de volonté politique.
1 Voir
à ce sujet : http://laplumedaliocha.wordpress.com/2009/08/27/ah-les-petites-gens/
3 Centre de Recherche pour l'Etude et l'Observation des Conditions de vie.
4
Laurent Wauquiez, ministre des Affaires européennes s'exprimant
en sa qualité de chef de la Droite sociale.
Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux