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dimanche 23 août 2009

Le sport : une forme qu'emprunte le capitalisme

Le sport est une activité humaine particulièrement euphorique, qui valorise le corps humain et qu'à son tour, bien entendu, comme toujours, l'appât du gain a dévoyé.


L'olympisme a été acheté.

Le professionnalisme qui nie la gratuité, la compétition qui ne considère que le vainqueur, le nationalisme qui accompagne obligatoirement les champions, les rémunérations énormes qui sont versés aux compétiteurs comme à leurs entraineurs, la politique chauvine des grandes puissances, tout concourt à détruire l'olympisme et à transformer en marchandises et en faire-valoir les athlètes eux-mêmes.

Le capitalisme s'est emparé du sport tout entier, a supprimé à peu près toute activité d'amateur et a porté le "toujours plus" à des niveaux impressionnants. Pour gagner, vaincre, l'emporter, monter sur le podium, être le champion des champions, la tentation du dopage est devenue permanente. L'art de masquer ces dépassements des capacités physiques est même devenu un savoir en renouvellement constant que les traqueurs de fraude ne parviennent plus à surprendre. Les athlètes y jouent leur santé et subissent, de toute façon, drogue ou pas, des entrainements qui lèsent l'organisme sur le long terme. Ne comptent que les résultats immédiats.

Quant aux nageurs, coureurs, sauteurs, lanceurs, cyclistes et autres joueurs des sports collectifs, ils disparaissent dans l'anonymat, même s'ils ont excellé, dès lors qu'ils ne sont pas classés parmi les tout premiers. Qui n'est pas une vedette n'a pas d'existence médiatique. Entre les grands noms de footballeurs, tennimen, et autres recordmen, surpayés, d'une part, et tous ceux et toutes celles, simples salariés, qui entourent ces personnages, sur les stades, qui les valorisent mais que le public regarde à peine, d'autre part, il y a un océan! L'entreprise sportive a désormais, comme l'entreprise artistique, ses cadres, ses tâcherons, ses millionnaires et ses prolétaires.

L'esprit olympique s'est dissous. Il n'y a plus que la gagne qui compte, à tous prix. La devise des Guillaume d'Orange : "Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer", si souvent citée, ne s'applique plus en rien, à présent, au domaine sportif. On ne s'engage dans la compétition que si l'on peut y triompher. Le sport comme simple moyen d'épanouissement du corps ne suffit pas. Le sport qui ne rapporte ni argent ni honneurs est devenu sans intérêt.

Il est particulièrement révélateur d'effectuer ce constat : la compétition est une guerre. L'adversaire est un ennemi. Pour le dé-faire, il faut l'affronter jusque dans ses ressorts psychologiques! Il n'est pas question de se contenter de le surpasser à un moment donné; il faut le détruire en tant que compétiteur, ruiner ses espoirs et, plutôt que le battre, l'abattre.

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En 2008, à Pékin, les Jeux ont permis à la Chine, d'effectuer un coup de force politique.

La philosophie du sport moderne est une philosophie de l'agression : la valeur ne se partage pas. On n'est que si l'on est le premier. La violence est toujours sous-jacente. Le baron Pierre de Coubertin, contrairement à ce que parfois l'on dit de lui, fut le promoteur du culte du héros sportif qui va "plus haut, plus vite, plus loin"... que les autres! Les Jeux Olympiques ont vite cessé d'être des jeux pour devenir des rivalités, des antagonismes et des conflits. Les gouvernements nationaux ont vite compris que ces J.O étaient l'occasion d'une survalorisation des États. Ceux qui l'emportent s'enveloppent d'un drapeau qu'ils font monter, ensuite, lors de cérémonies officielles, au-dessus des stades et au son des hymnes! La victoire se célèbre et ce n'est pas le sport qui est célébré mais l'État vainqueur dont l'athlète triomphant a été un bon soldat. En 1936, à Berlin, Hitler enragea qu'un Noir puisse être le meilleur. Durant des décennies, les "pays de l'Est" ont dopé moralement et physiquement nombre de leurs représentants aux compétitions sportives, notamment, toujours, en Allemagne, en RDA. Cette année 2009, à Berlin encore, les athlètes, entourés de staffs techniques et médicaux, percent les plafonds des records. Ce n'est ni le nazisme ni le communisme qui, cette fois, motivent les passions pour les courses à la gagne, c'est, avec l'intérêt économique, le développement de l'esprit de compétition qui contient un principe ravageur : il faut des vaincus. Non seulement l'on ne peut pas tous triompher mais il est bon que, sous les yeux des spectateurs et des téléspectateurs, des élites s'imposent aux dépens des plus petits... Passe que quelques Kényans courent en équipe et plus vite que d'autres, sur de longues distances, mais quand on comptera les médailles, les "grandes nations" feront toujours la démonstration de leur supériorité.

Le capitalisme sportif est dominant. Il dévore les sportifs en les triant, les sélectionnant, les surentrainant, les conditionnant, les enrichissant pour qu'au cours de quelques années d'exploits, ils prouvent que l'argent est bien le roi qui fait les princes de ce monde. Qu'un autre univers sportif soit possible ne vient plus à l'esprit de personne.

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La compétition, un risque mortel?

Eh bien, c'est dans cette gageure, ce challenge, cette compétition nouvelle qu'il faut s'engager : la compétition pour la compétition comme la croissance pour la croissance n'est pas un bonheur pour l'humanité et, au contraire, est une illusion éblouissante mais dangereuse. La seule compétition qui vaille, c'est celle qui lance le défi des défis : c'est en satisfaisant le plus grand nombre des humains qu'on remporte des succès durables.

Jean-Pierre Dacheux

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