vendredi 22 décembre 2023

HUMANITE, CAPITALISME ET CROISSANCE.

Le gouvernement d'Emmanuel Macron n'a pas mes faveurs, loin de là, et même s'il s'adonne à une politique particulièrement néolibérale, il faut lui rendre grâce qu'il n'est pas la cause de tous nos maux actuels.

Cette cause, il faut la chercher il y a une cinquantaine d'année durant les années 1970.

Mais, revenons à l'issue de la seconde guerre mondiale, où un plan économique mondial est préparé aux Etats Unis, il s'agit des accords de Bretton Woods, issus de la conférence qui s'est tenue à Bretton Woods aux Etats Unis du 1er au 22 juillet 1944 ; ce sont des accords économiques ayant dessiné les grandes lignes du système financier international mis en place après la seconde guerre mondiale. Les protagonistes principaux de cette conférence sont John Maynard Keynes et Harry Dexter White qui ont tous deux préparé un plan d'ensemble. 

Le plan Keynes est ébauché dès 1941 et préparait un système monétaire mondial fondé sur une unité de réserve non nationale. La partie américaine mettait en avant le rôle de pivot du dollar américain et proposait plutôt de créer un fonds de stabilisation construit sur les dépôts des États membres et une banque de reconstruction pour l'après-guerre. Finalement, c'est la proposition de White qui prévaut, organisant le système monétaire mondial autour du dollar américain, mais avec un rattachement nominal à l'or. 

L'objectif principal est de mettre en place une organisation monétaire mondiale et de favoriser la reconstruction et le développement économique des pays touchés par la guerre. Ils sont signés après trois semaines de débats entre 730 délégués représentant l’ensemble des 44 nations alliées. L'URSS participe à titre d'observateur.

Deux organismes voient le jour lors de cette conférence qui sont toujours en activité, la banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) aujourd’hui connue sous le nom de banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI)

Cependant, avant le second conflit mondial, quelques économistes voulaient transformer le système économique mondial et ils tiennent, à Paris le 26 août 1938, une réunion qui a, aujourd'hui, des conséquences importantes : le colloque Walter Lippmann où durant cinq jours de « brillants » économistes vont réinventer le libéralisme. Il y a dans cette réunion l'autrichien Fredrich Hayek, les Français Jacques Ruef et Raymond Aron, les Allemands Wilhelm Röpke et Alexander von Rüstow. Cette réunion débouche en 1947 sur la création de la société du Mont-Pellerin fondée par, entre autres, Friedrich Hayek, Karl Popper, Ludwig von Mises et Milton Friedman, qui revendique de défendre des valeurs libérales, telles que l'économie de marché, la société ouverte et la liberté d'expression. 

Cette organisation est la source de trois courants libéraux :

  • L'école autrichienne, suivant la tradition de Carl Menger et de Ludwig Von Mises, dont l'un des plus éminents représentants dans la Société du Mont-Pèlerin est Friedrich Hayek. 

  • L'école de Chicago, portée notamment par Milton Friedman et George Stigler.

  • L'ordolibéralisme, développé par Wilhelm Röpke et Walter Eucken.

En réaction au keynésianisme de l'après 1945, porté par les accords de Breetton Woods, les membres de la Société du Mont-Pèlerin souhaitent favoriser l'économie de marché et la « société ouverte » à l'échelle mondiale. En France, leurs ennemis déclarés sont les accords issus du programme économique et social du Conseil National de la Résistance.

Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à lire, dans la revue Challenges, l'article de 2007 de Denis Kessler, membre du MEDEF, : " Il s'agit de défaire méthodiquement le programme du CNR. "

Pour ces néolibéraux, il est grand temps de réformer le modèle social français qui est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Les gouvernements successifs, toutes couleurs confondues, vont s'y employer en sacrifiant à la sainte parole du PIB et de son corolaire la croissance.

Ce travail de déconstruction commence au moment du premier choc pétrolier de 1971/1973 à la suite du pic de production de pétrole des États-Unis, de la hausse démesurée du prix du pétrole et de l'abandon des accords de Bretton-Woods.

Au même moment que le choc pétrolier, en 1973 Augusto Pinochet, par un coup d'État militaire activement soutenu par les États-Unis, prend le pouvoir au Chili en renversant  Salvador Allende. 

Le pays, dirigé pendant 17 ans par Pinochet, devient le terrain de jeu d'un groupe d'économistes surnommés « les chicago boys » (l'école de Chicago) influencés par Milton Friedman. Le Chili, durant cette période devint le laboratoire d'expérience du néolibéralisme, le pouvoir dictatorial de Pinochet leur permetant de mettre en place d'importantes réformes économiques structurelles néolibérales. 

Dans le même temps, au Royaume Uni, Margaret Thatcher, première ministre du 1979 à 1990 et Ronald Reagan président des États-Unis de 1981 à 1989 pratiquent des politiques conservatrices et libérales que leurs successeurs pourtant issus d'autres courants n'ont pas remis en cause. Toni Blair, par exemple, au Royaume uni a suivi le modèle de la dame de fer et du « thatchérisme ». 

Pour s'en convaincre, il suffit de lire les propos de Ronald Reagan :

    - l'Etat n'est pas la solution à notre problème puisque l'Etat est le problème,

    - l'explosion de l'évasion fiscale est normale puisque l'impôt c'est le vol.

En France, en 1981 la gauche de François Mitterrand arrive au pouvoir laissant à penser à une politique social-démocrate, mais la relance keynésienne inspirée par le Programme commun menée par la France provoque une perte de confiance et une fuite importante de capitaux, ainsi qu'une détérioration des finances publiques et de nombreuses attaques contre le franc, et le 21 mars 1983, Jacques Delors, ministre de l'Économie, des Finances et du Budget met en place une politique de rigueur et à partir de 1984, la France adopte un fonctionnement d'économie sociale de marché dont elle n'est jamais sortie.

En effet, les gouvernements qui ont succédé au double septennat de François Mitterrand ont tous perpétué la politique libérale commencée en 1984, teintée pour certains de nuances sociales quand la rue se faisait entendre.

Les deux gouvernements Chirac - 1995 / 2007 - sont, malgré la cohabitation avec Lionel Jospin, d'inspiration clairement libérale. Privatisations massives d'entreprises publiques : Société Générale, Paribas, CGE, Suez, Saint-Gobain, Matra, TF1, Havas… Autorisation administrative de licenciement supprimée, de même que l'impôt sur les grandes fortunes.

La politique économique de Nicolas Sarkozy - 2007 / 2012 - est caractérisée par un patriotisme économique néolibéral, mélange de néolibéralisme et de dirigisme social. Il semble que Nicolas Sarkozy n'a pas une vision claire et cohérente des contraintes économiques. De plus, il est rattrapé par la crise des subprimes qui déstabilise l'économie mondiale.

Le quinquennat de François Hollande - 2012 / 2017 – aurait dû être moins libéral. Pendant sa campagne électorale, ses supporters furent aux anges lorsqu'il déclara dans son discours de Villepinte : « je vais vous confier une chose. Dans cette bataille qui s’engage, je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance … » Ce fut de courte durée, car à peine élu, il se renie et court à Berlin porter allégeance à Angela Merkel. Le Pacte budgétaire européen signé en 2012 n’est pas renégocié. La fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG et le droit de vote des étrangers aux élections locales sont enterrés et la loi sur les activités bancaires n’a concerné qu’à la marge la partie la plus spéculative de ces activités, emportant le satisfecit des lobbys financiers.

Quand à Emanuel Macron - 2017 / …. - encore Président à ce jour, énarque mais aussi banquier d'affaires chez Rothschild, il a pratiqué une politique sociale libérale durant son premier quinquennat marqué par la crise des gilets jaunes et de la Covid. Ayant perdu sa majorité parlementaire au début de son second quinquennat, sa politique économique tend à l'ultra libéralisme et est surtout marquée par une sorte de pensée unique très difficile à décrypter.

De plus la politique internationale est particulièrement tourmentée : conflit entre l'Ukraine et la Russie, guerre entre le Hamas et Israel, nombreuses élections de leaders populistes : Pays-Bas, Argentine, Italie, Hongrie, Slovaquie. Tension entre les USA et la Chine au sujet de Taiwan. Possible réélection de Trump, etc … ajoutée à une inflation internationale et à la menace climatique.

Les coïncidences sont quelquefois troublantes, en effet 1984 est le titre d'un roman de George Orwell, publié en 1949 mettant en scène une transformation fondamentale de la société anglaise avec la naissance de big brother et c'est en 1984 que la société française a pris le tournant du libéralisme économique et d'un capitalisme dominateur. 

Quarante ans se sont écoulés depuis cette date et malgré 19 ans de socialisme (Mitterrand / Hollande) et une cohabitation (Jospin) les inégalités n'ont fait que croitre au point d'avoir besoin de faire appel à la solidarité publique (Restos du coeur) pour permettre à une partie non négligeable de nos contemporains de vivre. Le nombre de Français sous le seuil de pauvreté en 2023 est estimé à près de 12 millions, soit 18.46% de la population française.1

Il est indéniable que le capitalisme a permis des progrès importants, mais il est légitime de se demander si ces progrès sont plus profitables au capitalisme ou à l'humanité ? 

Lorsque l'on constate le creusement de l'abime des inégalités, on est en droit de se questionner. 

Le capitalisme profite-t'il à lui-même, c'est à dire à sa minorité d'acteurs, ou à l'ensemble de l'humanité ? 

Le dérèglement climatique, conséquence d'un capitalisme débridé, semble donner une réponse, malheureusement positive, à cette question.

La course à la croissance, symbole du capitalisme, est-elle compatible avec le bien-être de l'humanité ?

Un seuil exemple : le vaccin à ARN messager élaboré de façon magistrale en un temps record pour soigner de la Covid est une avancée extraordinaire, mais il est aussi une source de profit pharaonique et il n'a profité qu'aux pays qui ont les moyens de financer son achat. Il s'agit, pourtant, de l'intégrité de l'ensemble de l'humanité. On aurait pu penser à un altruisme universel.

Les thuriféraires du système économique néolibéral dominant le monde (mondialisation) négligent les questions d'égalité et de redistribution, ils pensent que la croissance est synonyme de progrès social. 

Depuis l’avènement de l'ère industrielle et de son corolaire, le système capitalisme, les écosystèmes se dégradent pour des gains économiques et sociétaux de court terme.

Il est manifeste que la croissance n'est pas la solution à nos problèmes, et la conséquence de cette idéologie est que l'ensemble de l'humanité sera confrontée, à court terme maintenant, à une menace qui met sa survie en question. 

Les effets du dérèglement climatique seront tragiques pour tous nos contemporains, riches comme pauvres, et Il semble bien tard pour que nous y échappions. 

Ou bien, l'humanité réagit maintenant ou la majorité d'entre elle disparaîtra et laissera la place à une petite minorité qui recommencera un nouveau cycle comme il y a 900 000 ans2.

1https://www.francetransactions.com/le-saviez-vous/combien-de-pauvres-en-france.html

2https://www.notre-planete.info/actualites/5094-disparition-hominides-Pleistocene


Jean-Claude Vitran

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