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vendredi 27 décembre 2013

Traité transatlantique, encore un mauvais coup pour la démocratie !


La préparation de l'adoption du PTCI (Partenariat Transatlantique de Commerce et d'investissement), trop cachée, trop complexe, trop soumise aux intérêts des grandes entreprises, ne préoccupe guère l'opinion et les médias. Les opposants voient leurs protestations noyées dans un silence assourdissant. La campagne des élections européenne pourrait faire croître les refus de cette opération monstrueuse de domination capitaliste des échanges. On voudrait espérer que, comme en 2005, où l'on vit le projet de Constitution européenne rejeté par plusieurs pays, un immense débat soit lancé qui mobilise les citoyens et bouleverse les résultats de l'élection européenne. On peut l'espérer... Toutefois, le souci principal est ailleurs : aucune politique ne semble pouvoir freiner le processus de prise en main du commerce, sans restriction ni réserves, sans contrôle ni obstacles, par les banques et les entreprises privées ! Tout se passe comme si les activités de l'humanité tout entière pouvaient être mises en coupe réglée. Le monde se coupe, plus que jamais, en deux, une minorité qui domine et une majorité qui subit. C'est là un risque de conflit comme jamais on n'en vit. Pourquoi n'est-ce pas la pré-occupation des hommes de ce temps dont la vie quotidienne est, à l'échelle planétaire, mise en cause ? Nous voulons exprimer plus que notre inquiétude et notre protestation : notre refus absolu d'une organisation du monde dont le plus grand nombre des humains ne peut qu'être victime.



Nous aurions préféré vous rassurer et vous dire qu'enfin 2014 verrait le début du respect des valeurs démocratiques et des droits humains fondamentaux. Nous sommes désolés mais l'avenir ne nous semble pas particulièrement rose.

En effet, la commission européenne garde secrète les négociations sur un traité transatlantique permettant aux entreprises de s'affranchir de nos lois, de nos droits et de notre souveraineté nationale. C'est un sujet dont vous allez entendre de plus en plus parler en 2014 dans le cadre des élections européennes et qui aura de graves conséquences sur notre modèle social, nos réglementations écologiques, nos droits, s'il est ratifié. Bref, sur le fondement de notre République et notre capacité à faire des choix démocratiques.

C’est, depuis l'échec de l'AMI à la fin des années 1990, le plus important accord commercial jamais négocié entre l’Union européenne et les États-Unis. Il portera sur la moitié du PIB mondial et 40 % des échanges commerciaux mondiaux. L’objectif est de faire disparaître les différences réglementaires entre les USA et les nations européennes pour « stimuler la croissance et créer des emplois ! ».

Cet accord devrait apporter 120 milliards d’euro par an à l’économie européenne, 90 milliards aux États-Unis, et même 100 milliards au reste du monde. Ces chiffres, dont la Commission Européenne se gargarise, proviennent d’une étude1 « indépendante » diligentée par le système bancaire, ce qui n'est vraiment pas une preuve de neutralité. Grâce à cet accord, la Commission européenne prévoit - « royalement » - en 2030 ans une augmentation moyenne annuelle des revenus de 545 euros par ménage européen.

L’accord supprimera tous les droits de douanes pour toutes les activités économiques, et, ce qui est le véritable enjeu, toutes les réglementations superflues : différences de règlements techniques, normes, procédures d’approbation, etc.


Les négociations ont commencé en juillet 2013 et les partenaires espèrent un accord en 2015, mais les risques sont énormes et l’opacité est la règle. Le mandat des négociateurs a été classé en « diffusion restreinte ». Une décision qui n'est pas du goût des euro-députés et de la ministre française du Commerce extérieur, Nicole Bricq  qui a écrit à ce sujet : « Un tel accord ne peut se faire dans le dos des peuples et des sociétés civiles ». Mais comme à l'habitude dans ce genre de négociations plusieurs pays, dont l’Allemagne, s’opposent à la déclassification de ce document dont plusieurs versions circulent2.

En préambule aux négociations, un groupe de travail a été créé en 2011 mais, là aussi, le noir est de rigueur, car c'est sans connaître l’identité des personnes composant ce groupe. Corporate Europe Observatory3 (COE) qui a pu après de nombreuses démarches obtenir une liste résume la situation : « bureaucrates, pro-libre-échange notoires, non élus et n’ayant pas de compte à rendre »

Bien entendu, si la société civile est tenue à l’écart des négociations, ce n'est pas le cas des grands groupes privés, des organisations de patrons ( MEDEF par exemple ) et des lobbys des multinationales.

Les problèmes qui intéressent au premier chef les citoyens sont les mécanismes de protection des investissements qui permettraient aux investisseurs de porter plainte contre un Etat si la législation de celui-ci pénalise ses investissements : une nouvelle législation du travail contraignante ou une réglementation environnementale qui obèrent les résultats, par exemple. Tout à fait, comme l'Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) qui était sorti par la porte et qui rentre par la fenêtre.

Au Canada, par exemple, deux brevets possédés par la firme pharmaceutique américaine Eli Lilly ont été annulés par les Tribunaux pour manque de preuves sur les prétendus effets bénéfiques de médicaments. Eli Lilly utilise les règlements de conflits d’investissement intégrés dans le traité signé entre les USA et le Canada pour réclamer au gouvernement canadien 500 millions de dollars et le changement des lois sur les brevets.


Lori M. Wallach, responsable de l’ONG états-unienne Public Citizen affirme que «  S'il (le traité) devait entrer en vigueur, les privilèges des multinationales prendraient force de loi et lieraient pour de bon les mains des gouvernants. »
Grâce à des mécanismes similaires, des entreprises européennes ont déjà engagé des poursuites contre l’augmentation du salaire minimum en Égypte ou contre la limitation des émissions toxiques au Pérou.

Un collectif composé d'une cinquantaine d’associations, syndicats et partis politiques français affirme dans un communiqué commun4. «  Le Grand marché transatlantique serait une atteinte nouvelle et sans précédent aux principes démocratiques fondamentaux ».

La Commission européenne veut faire croire à une énième solution miracle qui permettrait de relancer la croissance, de résorber le chômage, etc … c'est une tromperie de plus de cette institution qui ne fait que travailler à satisfaire les entreprises et leurs actionnaires.

Il faut faire obstacle à la promotion du credo libéral de la libre concurrence qui ne fait que creuser les inégalités et paupériser une partie importante des européens et à cette tentative généralisée de démantèlement des protections sociales. 

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux 


1    http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2013/march/tradoc_150737.pdf
2    Une version : http://www.humanite.fr/sites/default/files/pdf/2013/huma_internet_2013-05-18_texte_commission1_0.pdf
3    COE est une ONG qui fait de la recherche et mène des campagnes sur les menaces que fait peser le pouvoir économique et politique des grandes entreprises et leurs lobbies sur la démocratie, l'équité, la justice sociale et l'environnement. https://fr.wikipedia.org/wiki/Corporate_Europe_Observatory
4    http://www.humanite.fr/sites/default/files/pdf/2013/stoptafta_0.pdf

Source image :  Le Parti de Gauche 29/Rainer Hachfeld    -    jarogruber.blogspot.fr

samedi 21 décembre 2013

La discrimination totale




La discrimination consiste, dit le dictionnaire Le Robert, dans le « fait de séparer un groupe social des autres en le traitant plus mal ». Il est donc de multiples formes de discriminations. Celle qui  nous apparait la plus effroyable, et pourtant pas encore la plus visible, c'est la discrimination écologique et économique tout à la fois, tant il est vrai que les deux qualificatifs (écologique et économique) se confondent, à présent, depuis que nous avons découvert que l'épuisement des ressources énergétiques essentielles va affecter des peuples entiers.

Notre planète Terre traite à peu près tous les hommes de la même manière. Elle ne choisit pas ! L'humanité, au contraire, ne se traite pas elle-même de façon équitable : les biens terrestres sont non seulement très mal partagés, ils sont répartis de sorte que ceux qui vivent à leur aise peuvent faire mourir ceux à qui l'essentiel est enlevé.

Ce n'est évidemment pas nouveau. Depuis des siècles et des siècles, les riches affament les pauvres. Voici deux millénaires déjà, des textes religieux évoquaient rudement cette discrimination inacceptable entre les puissants et les humbles. On a pu croire qu'une fois faite la révolution de 1789, l'exploitation des humains par la noblesse prendrait fin et, avec elle, la fin du pouvoir des Grands, dotés, par leur droit héréditaire, des richesses de la Terre. On a pu croire aussi qu'une fois la révolution sociale, engagée puis réengagée sans cesse, en France, en 1848, 1870, 1936, 1945, l'exploitation de l'homme par l'homme prendrait fin et, avec elle, la fin du pouvoir des détenteurs du capital ayant droit sur tout, y compris celui de transformer le travail humain, voire les êtres humains eux-mêmes, en marchandises.

Nous voici, au XXIe siècle, héritiers d'une histoire innommable au cours de laquelle on a déguisé la loi du plus fort sous mille apparences. On en est même venu à prendre prétexte de la justice et de la démocratie, bien sûr en les détournant, pour tenter de faire admettre le caractère prétendument inévitable, voire naturel, de la discrimination ! La résilience des faibles, cette capacité à vivre, à se développer, en surmontant les chocs traumatiques et l'adversité, a pourtant réussi à faire traverser les siècles sans s'abandonner au désespoir absolu. Mais nous voici à bout et..., au bout !
Aujourd'hui, il faut payer la note : l'humanité a commencé à se mettre en danger. La confusion entre la richesse et la croissance a conduit à ignorer les limites à ne pas franchir. À force de puiser dans le vivier, nous avons commencé à le vider. Et pourtant, nous continuons à vivre, ou du moins l'on continue à vouloir nous faire vivre, comme si tout devait continuer comme avant. La discrimination des discriminations, c'est celle qui ignore que jamais la Terre n'a été autant peuplée et qu'il faut en nourrir tous les enfants ; c'est celle qui ignore que la majorité des humains vit à présent dans les villes mais que c'est dans le monde rural qu'on produit de quoi alimenter tous les peuples ; c'est celle qui ignore que l'on a, en deux cents ans, largement épuisé des ressources fossiles qui avaient mis plusieurs centaines de millions d'années à se constituer ; c'est celle qui ne veut pas voir que la seule eau potable, c'est 2% de l'eau terrestre, conservée dans des banquises et des glaciers qui fondent  ; c'est celle qui ne veut rien entendre de cette parole de Gandhi qui, dès les années 1940, rappelait qu'il nous faut « vivre simplement pour que tous les hommes simplement vivent ».

Telle est la discrimination des discriminations, ou discrimination totale, celle qui tue davantage d'hommes et de femmes que les guerres les plus cruelles, celle qui affame, assoiffe, hâte le vieillissement, pollue, empoisonne, épuise la mer, vicie l'air que nous respirons, celle que les plus nantis des « décideurs » comme l'on dit, supportent d'autant mieux qu'eux en souffrent peu.

La discrimination commence quand ce qu'on appelait, il a peu de temps encore, l'égalité des chances est rendue impossible, quand le mot d'égalité, du reste, est devenu un vocable ringard, quand la devise républicaine (« Liberté, Égalité, Fraternité ») apparaît comme une vieille utopie qui ne fournit plus aucun objectif, quand le travail n'est plus pensé comme une activité de construction de l'en-commun mais est présenté comme ce qu'achètent les propriétaires à qui profitent le savoir, la force et le talent qu'ils emploient. La discrimination n'est donc pas une exception ; c'est le sort quotidien de la majorité des hommes, séparés (en latin, discriminatio signifie séparation) d'une minorité disposant à son gré, - on se demande au nom de quoi ? - du pouvoir d'agir sur autrui !


Tout ce que nous venons d'écrire a été dit, et redit ! C'est chose recuite! Au travers des œuvres des grands écrivains, de Montaigne à La Boétie, de Montesquieu à Rousseau, de Proudhon à Marx, de Sartre à Camus, entre autres, la même conviction traverse les philosophies : nul ne saurait faire d'autrui sa chose ; un homme vaut un homme ; c'est indûment qu'on a disposé, ou qu'on dispose encore, de l'ilote, de l'esclave, du serf, du valet, du laquais, du manoeuvre, de l'ouvrier, du prolétaire, de l'employé soit en le chargeant de tâches jusqu'à épuisement, soit, au contraire, en le privant d'emploi jusqu'au désespoir et à la misère.

L'histoire est tragique et l'espoir des désespérés qui, malgré tout, portait les peuples vers l'avant semble s'user à son tour. Les droits de l'homme sont des coquilles creuses : l'extérieur a toujours le même aspect, fait de phrases et de mots, mais l'intérieur est sans chair, sans goût et sans vie, sans réalité palpable.


La discrimination est la loi du monde où l'on apprend, dès l'école, que le meilleur, le plus fort, le plus rapide, le plus instruit, le plus intelligent, un jour le plus riche, mérite seul les louanges. La compétition est l'épreuve par laquelle se dégagent les ... « plus quelque chose ». Réussir, c'est dominer. Le pouvoir sur ses congénères, autant que sur les biens terrestres, semble réservé aux élites. Ainsi pense-t-on, toujours, en Occident. Le peuple, quels que soient son nombre, sa diversité, ses richesses culturelles, est masqué par « les people », c'est-à-dire les vedettes et les personnalités. N'existe que ce qui brille. La masse des obscurs, des sans grade, est faite pour remplir l'espace du travail et pour obéir à l'état de droit lequel, lui aussi, semble de plus en plus ... discriminant.

La boucle est-elle bouclée ? N'y aurait-il donc qu'à pleurer ou à mourir, une fois fait ce constat funeste et démobilisateur ?

Eh bien non ! D'abord parce que le vieil Hugo nous a laissé, dans Les Châtiments son exhortation ineffaçable, inoubliable, indémodable : « ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent », mais aussi parce que nous arrivent, d'un seul coup, de nouveaux motifs d'agir. La discrimination des discriminations a cessé, depuis peu, d'apparaître comme éternelle. L'argent n'est plus tout à fait roi. Les menaces sur l'humanité ne font plus toujours le tri entre riches et pauvres et, si l'on veut sauver les uns, il faudra bien sauver les autres. Le cauchemar climatique n'est pas réservé aux modestes : s'il vient, il frappera n'importe où. La solidarité, ce mot qu'on avait enfoui au fond des bibliothèques, va devenir une obligation de survie. Le partage, cette incongruité pour les nantis, va constituer, pour les destinées humaines, l'une des conditions mêmes de l'avenir. Le plus a cessé d'être l'alpha et l'omega de l'économie. Le mieux fait sa rentrée dans le monde. Comme souvent, la menace des catastrophes - et il n'en manque pas depuis quelques mois, liés ou non au dérèglement climatique ! - fait se serrer les coudes et ressurgir la nécessité de la fraternité. La Terre est ronde, et comme nous l'a appris Emmanuel Kant, nous voici condamnés à l'hospitalité sur cette planète que nous savons devenue trop petite pour être exploitée à l'infini.

Cette chance d'un rapprochement entre les humains ne passera peut-être pas deux fois. Une rupture majeure s'impose. Voici venu le temps de diverger, de s'écarter, de s'éloigner d'une idéologie mortifère qui porte un nom banal mais oublié, exhumé, ressorti après des années d'amnésie, donc de mensonge : « le capitalisme ». Ce n'est pas le même qu'au XIXe siècle mais il n'est pas davantage « moralisable » que ne l'ont été ses prédécesseurs. On ne moralise pas la volonté de profiter d'autrui ! Ce système adaptable et multiforme, vieux de plus de deux cents ans, a fait son temps. Il a produit. Trop ! Il a conquis. Trop ! Il a repoussé les limites. Trop ! Il est, tout à coup, devenu obsolète, comme en 1789, le pouvoir absolu du Roi, comme en 1989, le pseudo communisme soviétique. Quoi que nous fassions, il va s'effacer de notre histoire. Mais comment ? Serait-il venu le temps où l'initiative individuelle va pouvoir se marier à de nouvelles coopérations, de nouvelles coopératives, de nouvelles mutualités, le temps d'une longue, lente et radicale révolution non-violente ? Aucun retour en arrière, aucun modèle ne nous permettra d'effectuer cette mutation de civilisation qui mène vers une ère nouvelle. La discrimination totale, mondiale, si elle continuait longtemps encore, exacerbée par ce qu'on a appelé à tort : crise (et qui était une mutation de société), finirait par prendre le visage de la barbarie. Pour y échapper, il nous faudra faire oeuvre politique et non politicienne. Ainsi seulement pourrons-nous redonner du contenu aux Droits de l'Homme mieux appelés, modestement, les droits humains.

Un Droit qui n'est qu'un Droit n'est pas un Droit véritable. À quoi bon avoir raison si l'on ne peut rien changer à son sort ? Rien n'est plus urgent que de transformer ce qui est juste en réalité. Le plus grand défi que nous ayons à surmonter c'est celui de l'impuissance couplé au découragement !

Voici cinq ans, en 2007, trois événements ont été vécus quasi simultanément au cours des mois de novembre et décembre : le 20e anniversaire de la signature de la Convention des Droits de l'enfant, la réunion de la FAO à Rome consacrée au drame alimentaire mondial, et la rencontre des Chefs d'État, à Copenhague, devant aboutir à la réduction rapide et massive des causes génératrices d'un effet de serre mortel pour l'espèce humaine.

Les Droits de l'Enfant ? Ils sont non seulement bafoués ; ils sont - et c'est pire - oubliés. Il aura fallu un affreux scandale en Irlande pour qu'on avoue que des adultes, nombreux, de surcroit prêtres, étaient des violeurs et des exploiteurs de la misère d'enfants. Des catholiques ont été parmi les premiers à se révolter contre ces crimes et ce fut tout à leur honneur, mais l'essentiel est ailleurs : l'enfance n'est pas protégée par ses Droits. Partout, et pas seulement en Irlande, la transformation du petit d'homme en chose dont on use à son gré, est patente. Les enfants-soldats, les enfants prostitués, les enfants-travailleurs non payés sont là devant nous, mais nous ne pouvons les secourir. L'action (dangereuse) de ceux qui s'y consacrent est mal connue. En France, des enfants qui ont droit à l'école, que leurs parents veulent scolariser, qui vivent parmi nous, ne peuvent fréquenter les écoles parce que des maires interdisent leur inscription, ou parce que les familles sont chassées ce qui interdit la fréquentation régulière des classes. Vous l'avez deviné, il s'agit des enfants rroms. Cet abandon de gosses européens qui, depuis 2007, ne peuvent plus être définitivement rejetés hors de France, nous coûtera cher d'ici quelques années quand nous les retrouverons, adolescents et analphabètes promis à la délinquance. Une possibilité d'agir parmi mille autres est là, à notre portée...

La faim qui, de nouveau, étend ses ravages, avec plus d'un milliard de sous alimentés sur notre Terre va déclencher de nouvelles émeutes. Il ne s'agit plus de savoir si elles vont se produire, mais quand. Le droit à l'alimentation est le premier des Droits humains mais cela n'intéresse pas ceux qui remplacent les terres cultivables cultivées pour manger par des terres cultivables cultivées pour faire des « bio-carburants » ou élargir les surfaces de pâturage pour le bétail ! Là encore, cela nous concerne et nous pouvons agir. La Terre peut nourrir presque deux fois la population actuelle d'environ sept milliards d'humains mais pas en nourrissant tous les Terriens comme se nourrissent les Occidentaux. Si nous ne mangeons pas moins de viande, la famine s'étendra encore. La chose est sue et pas seulement des végétariens. Les scientifiques le démontrent. Notre propre santé est en cause. Il serait temps de s'en préoccuper ! Faisons-le !

Le Droit de nos enfants et petits enfants, des générations à venir, à continuer de vivre sur cette planète, enfin. Nos dirigeants, à Copenhague ne pouvaient que constater, parler haut et fort, nous révéler l'étendue des dangers, marquer une détermination, annoncer leurs bonnes intentions. Mais ils n'ont pu s'engager à changer le climat pour de nombreuses raisons. La première ..., parce que le mal est déjà fait ! Nous ne pouvons qu'empêcher qu'il s'aggrave. L'augmentation de la température moyenne sur le Globe d'au moins deux degrés Celcius est inévitable. La seconde, c'est que ceux qui disent vouloir changer l'activité humaine pour éviter le pire ne veulent, et donc ne peuvent, remettre en cause le système qui est cause de ces désordres dans nos activités industrielles, depuis deux siècles. La troisième, c'est qu'on ne change pas les mœurs en quelques années. La révolution à opérer a besoin de tous. La prise de conscience des peuples de la terre, lente mais décisive, est notre seule chance de salut. Elle prendra du temps, plus que n'en disposent les élus dont les mandats sont courts, tout au plus de cinq à six ans !

Par contraste notre pessimisme est générateur d'espoir : nous n'avons plus d'autre choix que de nous mobiliser jusqu'à la fin de nos vies. La rupture est à installer en chacun de nous. Il ne suffit plus d'être conscient et de décider ; il faut changer et se changer, se hâter lentement, comme la tortue de La Fontaine, ou l'escargot, qui arrivent au but mieux que celui qui, tel le lièvre, court et se perd en chemin en perdant de vue son objectif, tout occupé qu'il est par son profit ou son succès immédiats. Nous avons à opérer ce que Jean Malaurie appelle une « révolution philosophique », ce qui revient à entrer dans l'écosophie, la sagesse écologique, pas à pas, mais sans retour. C'est notre seule espérance politique. C'est peut-être la meilleure. 


Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran


jeudi 12 décembre 2013

Loi de programmation militaire : oui, cette loi liberticide est dangereuse pour la démocratie !


Par 164 voix contre 146, le Sénat vient d'adopter en seconde lecture la loi de programmation militaire pour la période 2014 / 2019. Cette loi a pour objet la mise en œuvre des orientations de la politique française de défense. Elle définit le cadre juridique de la politique du renseignement et de la cyberdéfense.


Cette loi, qui pose de nombreuses questions en matière de protection de la vie privée, survient après les révélations de Edward Snowden sur la surveillance généralisée des citoyens par l'agence de renseignement américaine NSA et ne favorise pas au rétablissement d'un climat de confiance entre la société civile et les autorités.

L'article 13 du projet de loi, devenu article 20 dans la loi1 définitive, soulève une levée de boucliers des acteurs de la société civile, économique et politique qui expriment les plus vives inquiétudes devant un texte qui étend les dérives du régime d'exception de 2006 sans garantir les protections des droits et libertés civils.

Cette loi prévue dans le cadre de la lutte contre le terrorisme mais élargie à la défense du potentiel scientifique et économique de la France, à la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées permettra d'accéder aux données de connexion, aux informations concernant les utilisateurs, sans que le pouvoir judiciaire puisse intervenir dans les décisions. Ces finalités sont suffisamment imprécises pour permettre des abus possibles par les services de l'Etat (ministère de l'économie, par exemple). Elle représente une atteinte grave aux principes fondamentaux de notre démocratie et au respect des libertés individuelles.

Que la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) soit saisie par le gouvernement avant la parution des décrets ne change rien à l'affaire, puisque depuis 2004, cette Autorité Administrative Indépendante n'a plus qu'une voie consultative et l'État s'en affranchit toujours.

Le délégué général de l'Association française des éditeurs de logiciels affirme : « On pourrait aboutir à un inquiétant paradoxe : que nos données soient davantage en sécurité hors de nos frontières … C'est regrettable. L'affaire Prism avait permis aux acteurs français de l'informatique de mettre en avant la sécurité des données pour attirer les clients. Cela ne sera plus vraiment possible… »

Les sénateurs rapporteurs du projet, Jean-Pierre Sueur (président de la commission des lois du Sénat) et Jean-Jacques Hyest2 (UMP) ont défendu âprement le projet du Gouvernement en affirmant que les autorisations seraient données par une personnalité qualifiée, placée auprès du Premier ministre, sous le contrôle - a posteriori - de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité3 (CNCIS) et que pour la géolocalisation en temps réel, les conditions seraient encore plus strictes puisqu’elle nécessitera une autorisation écrite et motivée des ministres concernés et une réponse écrite du Premier ministre après avis de la CNCIS.

Les sociétés humaines ne sont pas à l'abri de changement de régimes politiques qui peuvent être plus ou moins autoritaires, aussi la garantie d'un membre du Gouvernement, voire d'un Ministre et même, au delà, du Premier d'entre-eux n'est pas une garantie suffisante du respect des principes fondamentaux de la démocratie et des libertés individuelles.

En ce sens, par son article 20, la loi de programmation militaire qui vient d'être voter par le parlement n'est pas une loi démocratique. En effet, rien ne permet d'interdire à un homme politique qui en a les moyens, d'aller espionner un « opposant » et rien ne permet d'affirmer que le régime ne changera pas. Cette loi est dangereuse, car dans le droit fil de la Constitution de la Véme République, elle élargit encore les pouvoirs de l'exécutif.

La séparation des pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire, est un principe démocratique fondamental que la Constitution de 1958 confisque aussi bien au parlement qu'au peuple. Notre nation qui déjà malade d'un excès de domination de l'exécutif a, au contraire, besoin de rééquilibrer les pouvoirs de ses institutions. Les décisions de surveillance des citoyens, qui peuvent effectivement dans certain cas être légitimes, doivent être laissées à l'appréciation et sous le contrôle du pouvoir judiciaire.

Dans le cas contraire, notre pays glisse, sans s'en apercevoir, vers le totalitarisme où tous les pouvoirs sont concentrés en un seul lieu et dans une seule main.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

1    http://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2013-2014/196.html

2   Jean-Jacques HYEST n'est d'aiilleurs pas à un paradoxe près. il a affirmé en octobre 2013 : "Libertés publiques et sécurité vont de pair. Je ne souhaite pas que notre pays vote, un jour, un Patriot Act", (Le Patriot Act est une loi d'exception des USA votée à la suite des événement du 11 septembre 2001) pour se contredire il y a quelques jours : "Les associations n'ont rien compris, franchement" et en définitive voter contre la loi.

3   La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité est composée d'un Président, d'un Délégué général et seulement de deux membres : J.J. Hyest, sénateur UMP, et J.J. Urvoas, député PS.

   http://lannuaire.service-public.fr/services_nationaux/autorite-administrative-independante_172128.html

   

Post-scriptum : J.J Urvoas, député PS, défend la position du gouvernement dans un communiqué paru sur son blog1, il affirme : " Les craintes d’une atteinte aux libertés individuelles sont compréhensibles mais elles paraissent peu légitimes quand elles proviennent d’organismes, de personnalités ou de groupes d’influence qui ne servent que des intérêts privés. "
Non, M. Urvoas, il ne s'agit pas de la défense d'intérêts privés, mais de celle de la démocratie ; quand l'exécutif surveille l'exécutif, la démocratie n'existe plus.

     M.Urvoas est Président de la Commission des lois et membre de la CNCIS

 

 

 

 

 

 

 

mercredi 11 décembre 2013

Impasse en Centrafrique.



Deux jeunes soldats français ont été, aussitôt arrivés, aussitôt tués. La précipitation du Gouvernement français pour intervenir à Bangui n’a pas fait reculer la violence. Répondre à la violence par la violence ne fait pas nécessairement reculer la violence, en Afrique comme ailleurs.

Quels constats font les citoyens français avec les informations dont ils disposent (car tout ne leur est pas dit !) ? Quelles questions se posent-ils ?

1 – La France est isolée. Son action militaire n’est pas accompagnée. Ni par les autres États de l’Union européenne, ni par les USA, ni par d’autres grandes puissances. Pourquoi ?

2 – Le mandat de l’ONU est un blanc-seing, pas un engagement international aux côtés de la France, avec troupes, matériel et financements. La France peut-elle, dans la situation économique qu’elle connaît, supporter ce fardeau ?

3 – Voici une troisième action armée de la France en Afrique : après la Libye, le Mali, maintenant la République Centrafricaine. Il s’en est fallu de peu que la France ne soit engagée en Syrie. En à peine plus de deux ans, et quelle que soit la majorité présidentielle, les interventions armées extérieures des troupes françaises se sont multipliées en Afrique. Pourquoi ?

4 – L’argument humanitaire, constamment employé dans les quatre cas précités, pourrait être, hélas, sans difficulté, utilisé ailleurs. Faut-il que la France intervienne militairement partout où il y a violation brutale des droits de l’homme ?

5 – La « Françafrique », celle des territoires africains francophones, est-elle vraiment, à présent, en recul, voire disparue, comme le soutient le Gouvernement français, au profit des gouvernements locaux légitimes ayant sollicité le soutien de la France ?

6 – Nous restons, pour quelque temps encore, présents en Afghanistan. La France ne risque-t-elle pas d'être vue par les peuples du monde comme un auxiliaire des États-Unis, engagé, en divers lieux stratégiques, dans des conflits tendant, d'abord, à s’opposer au développement de l’influence islamiste ?

7- Les intérêts économiques de l’occident sont engagés (ceux du pétrole, des minéraux, de l'uranium notamment...). Les raisons principales ou concomitantes qui fondent les interventions françaises ne sont-elles pas très liées à la volonté de protéger, et d’élargir, des ressources auxquelles nos grandes entreprises ont, ou pourraient, avoir accès ?

8 – Les anthropologues informés font observer que les conflits en Afrique ne sont pas nécessairement religieux. En Centrafrique, chrétiens et musulmans cohabitaient. Pourquoi insiste-t-on autant aujourd’hui, sur une opposition religieuse au lieu d’aider les responsables catholiques et musulmans qui veulent, ensemble, apaiser les conflits ? N’exacerbe-t-on pas les haines entre populations entraînées dans l’engrenage des exactions suivies de vengeances ?

9 – L’argument « ethnique » qu’emploient aussi des commentateurs, influents mais peu compétents, s’applique-t-il, en l’occurrence à la Centrafrique ? Les luttes d’influence, pour le pouvoir ou l’enrichissement, existent partout. Ont-elles besoin d’explications pseudo ethnologiques (quand elles ne sont pas racistes !) ?

10 – La Centrafrique est plus vaste que la France et peu peuplée. La forêt y gagne sur la savane. Les routes n’y sont plus entretenues. Quel pays voulons nous accompagner vers la paix : un pays occidentalisé où les Blancs reprendraient la main, directement ou indirectement, dont le modèle politique serait une démocratie à notre goût, ou bien un pays dont la population, et donc son État, n’aurait que peu à voir avec nos références françaises, appuyé sur un mode de vie spécifique ?

Toutes ces questions, et d’autres encore, conduisent à douter de la pureté de nos intentions et de la seule motivation humanitaire de notre action militaire ! Voici des années et des années que des conflits autour de la Centrafrique s’y étalent et y diffusent. Une simple consultation de la carte régionale suffit à dresser la liste des États voisins où ont sévi des guerres atroces : du Tchad au Nord, jusqu’à la République démocratique du Congo au sud, en passant par le ou les Soudan à l’est. 

http://www.statistiques-mondiales.com/cartes/centrafrique.gif 

Le réveil français est tardif. Nos mains ne sont pas propres dans cet univers ayant gardé les traces profondes d’un passé colonial dont l’histoire ose encore à peine dire l’horreur, une horreur égale, où pire, que celle des exactions effectivement commises actuellement, mais « choisies et montrées » pour susciter notre légitime épouvante.

Il est contestable que la France, de sa seule initiative et de sa propre autorité, puisse s’autoriser à intervenir, seule, pour conforter  (au Mali) ou défaire (en Centrafrique) des chefs d’État ! Elle ne peut choisir parmi les assassins, bandits et autres tueurs qui encombrent la planète, qui elle va tenir à sa merci ? Quoi qu’on objecte à cet argument, la France est bel et bien entrée dans la peau et l’habit du gendarme de l’Afrique. Ce ne peut être notre rôle international !

Il est d’autres voies à explorer pour lutter en Centrafrique, et ailleurs, contre la violence extrême. Cela passe, (et tant pis si cette évidence est jugée - trop vite - simpliste !), par de nouveaux rapports entre les dominants et les dominés, par la limitation drastique du commerce des armes et par la fin d’un néo-colonialisme redéployé, qui ne dit pas son nom et qui reste générateurs d’appétits et de haines sans fin.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

lundi 9 décembre 2013

Pauvre Mandela, que d'hypocrisies autour de ta mort.


La mort de Nelson Mandela déchaîne partout dans le monde une avalanche d'hommages plus appuyés les uns que les autres. C'est n'est pas que Madiba ne mérite pas les éloges qui lui sont adressés au delà de la mort.

Au contraire.


Vivant, il avait déjà écrit sa légende, celle d'un Homme hors du commun, courageux, libre, digne, clairvoyant, d'une intelligence remarquable, et qui, après vingt-sept ans de privation de liberté, devenu premier Président noir d'Afrique du Sud a, par sa sagesse, su imposer à son peuple le pardon de toutes les exactions passées et réconcilier l'irréconciliable en évitant une guerre civile interraciale.



Nelson Mandela mérite l'admiration de tous.  C'est un exemple pour tous les militants défendant les droits humains, il est par ailleurs des coïncidences troublantes, alors que le monde lui rend hommage à Soweto, nous sommes aujourd'hui le 10 décembre, date anniversaire de la proclamation de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948.

Cependant, il nous semble que sa mort devrait être le moment de se retourner pour regarder objectivement le passé pour mieux affronter l'avenir car que restera-t-il de ces hommages « peoples » dans quelques semaines ? Les grandes envolées lyriques des communiqués seront rangées dans les mémoires d'ordinateurs pour resservir aux moments opportuns et faire l'éloge d'un autre grand « géant » qui sera oublié aussitôt que la terre sera retombée sur son tombeau.

Les hommages d'aujourd'hui pourraient laisser croire que le monde a toujours adoré Madiba, qu’il aurait seulement été victime du racisme de quelques extrémistes blancs.

La réalité est autre.

Nelson Mandela a été considéré longtemps comme un homme dangereux par le monde occidental. Ce n'est, par exemple qu'en 2008, après une proposition de loi signée par l'ancien président George W. Bush, que l'ANC ayant été retirée des organisations terroristes, il n'est plus considéré comme terroriste aux USA, et, en 1987, la dame de fer qualifiait l'ANC d'"organisation terroriste", un député de son parti affirmant que "Nelson Mandela devrait être fusillé". Des positions qui ne prennent seulement fin qu'en 1996.

Il est profondément triste de voir la classe politique mondiale s’approprier la mémoire de Nelson Mandela, même la tyrannique Corée du Nord y va de son communiqué. Beaucoup de ces responsables politiques qui pleurent sa disparition ont soutenu le régime de l’apartheid pour des raisons aussi bien économiques que politiques. Le monde occidental a été du côté du pouvoir d’apartheid sud-africain pendant plusieurs décennies, l’Afrique du Sud était alors considérée comme un élément essentiel de la surveillance maritime de la route des pétroliers de l’époque, et comme une source vitale de certains minerais indispensables à l’industrie militaire. Le gouvernement sud-africain avait installé une station d’écoute et de surveillance des mers du sud, en collaboration avec les services de renseignement occidentaux.

En 1964, lors du procès de Nelson Mandela pour haute trahison et actes de sabotage, personne ne s'était inquiété de son sort, seule Marie-Claude Vaillant-Couturier, députée communiste, résistante déportée à Auschwitz, s’était indignée du haut de la tribune de l’Assemblée  Nationale. Par la suite le parti communiste français est la seule formation politique avec les jeunes communistes et l'Humanité à mener campagne pour sa libération et contre l’apartheid. Des Manifestations devant l'ambassade sud-africaine sont durement réprimées.

Dans les années 70, la France qui collaborait étroitement avec le régime de l’apartheid, a vendu à l’Afrique du Sud sa première centrale nucléaire, contribuant à la prolifération nucléaire que Pretoria a officiellement abandonné à la fin de la domination blanche.

Au début des années 80, alors que la situation intérieure de l'Afrique du Sud évoluait, la droite française a aidé le gouvernement de Pretoria à chercher une voie médiane en la personne d'un Noir « présentable » : Buthelezi. Il a été reçu par Ronald Reagan, Margaret Thatcher, et, en France, par Jacques Chirac; alors maire de Paris.

 

Il faut attendre, l'élection de François Mitterrand en mai 1981, et surtout les bons offices joués par Danièle Mitterrand, pour voir le début d’une position plus tranchée vis-à-vis de l’Afrique du Sud. En 1985, la France adopte des sanctions économiques et l'ANC (Congrès National Africain), parti de Nelson Mandela, ouvre un bureau à Paris. En 1988, l'assassinat tragique à Paris de Dulcie September, militante de l'ANC, rassemble tous les hommes politiques autour de la cause anti-apartheid.


Néanmoins, en 2001, choisir « Mandela » pour nom d'une promotion de l'ENA pose encore de sérieux problèmes.

Mandela, lucide, disait, acceptant l'hypocrisie de certains de ceux qu'il visitait ou qui venaient lui rendre visite : « Il faut passer par là pour le bien de notre pays. ». Il avait, d'ailleurs, réservé son premier voyage de chef d'Etat à l’étranger à Cuba et Fidel Castro pour le remercier de l’aide fournie au peuple sud-africain, affirmant que « les internationalistes cubains ont apporté une contribution à l’indépendance, la liberté et la justice en Afrique sans précédent ».

Il est juste lorsque l'on parle de la réhabilitation de Nelson Mandela et de sa sortie de prison le 11 février 1990, de mentionner le rôle joué, même si c'est dans une moindre mesure, par Frederik de Klerk, président de l'Afrique du Sud de 1989 à 1994. C'est lui qui mena les réformes qui mirent fin à la politique d'apartheid en 1991 et négocia avec Nelson Mandela pour aboutir au premier gouvernement multiracial du pays dans lequel il a exercé les fonctions de vice-Président. En 1993, avec Nelson Mandela, il a reçu le prix Nobel de la paix.

Nelson Mandela était le ciment de la société multiraciale sud-africaine et il reste maintenant à espérer que sa disparition de ne va pas déstabiliser le pays qui est dans une situation particulièrement difficile sur le plan économique.

Il a réussi l'abolition de l’apartheid politique, mais pas celui de l’apartheid économique et social. Les inégalités sont très importantes, le taux de chômage est de près de 30%, il touche seulement 4% des blancs mais 42% de la population noire. On ne sait pas ce qui peut se passer dans ce pays encore vulnérable, les vieux démons, les vieilles rancunes, insuffisamment oubliés, peuvent resurgir et saper la cohésion fragile entre les blancs, les noirs des différentes ethnies et les métis. Les déséquilibres économiques et sociaux sont importants et menacent la stabilité du pays où 80% des richesses sont contrôlées par la minorité blanche, alors que 80% de la population est noire, dont près de 60% vit dans la misère.

Après 19 ans de gouvernement de l'ANC, un apartheid de fait se maintient et la situation est pire. Le chômage est endémique, la répartition des terres n'a pas eu lieu car seulement 3% appartient à la population noire dont une grande partie vit encore dans des bidonvilles par un manque cruel de logements décents. Les rivalités ethniques sont très prégnantes au sein des populations noires et métis et la situation pourrait malheureusement devenir explosive.

Face à ce contexte difficile, plutôt que de déverser des louanges de circonstance, est-ce utopique d'appeler à ce que la communauté mondiale unisse ses efforts pour aider l'Afrique du Sud à conserver le cap indiqué par Nelson Mandela ?

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux