La
préparation de l'adoption du PTCI (Partenariat Transatlantique de
Commerce et d'investissement), trop cachée, trop complexe, trop
soumise aux intérêts des grandes entreprises, ne préoccupe guère
l'opinion et les médias. Les opposants voient leurs protestations
noyées dans un silence assourdissant. La campagne des élections
européenne pourrait faire croître les refus de cette opération
monstrueuse de domination capitaliste des échanges. On voudrait
espérer que, comme en 2005, où l'on vit le projet de Constitution
européenne rejeté par plusieurs pays, un immense débat soit lancé
qui mobilise les citoyens et bouleverse les résultats de l'élection
européenne. On peut l'espérer... Toutefois, le souci principal est
ailleurs : aucune politique ne semble pouvoir freiner le
processus de prise en main du commerce, sans restriction ni réserves,
sans contrôle ni obstacles, par les banques et les entreprises
privées ! Tout se passe comme si les activités de l'humanité
tout entière pouvaient être mises en coupe réglée. Le monde se
coupe, plus que jamais, en deux, une minorité qui domine et une
majorité qui subit. C'est là un risque de conflit comme jamais on
n'en vit. Pourquoi n'est-ce pas la pré-occupation des hommes de ce
temps dont la vie quotidienne est, à l'échelle planétaire, mise en
cause ? Nous voulons exprimer plus que notre inquiétude et
notre protestation : notre refus absolu d'une organisation du
monde dont le plus grand nombre des humains ne peut qu'être victime.
Nous aurions préféré vous rassurer et vous dire qu'enfin 2014 verrait le début du respect des valeurs démocratiques et des droits humains fondamentaux. Nous sommes désolés mais l'avenir ne nous semble pas particulièrement rose.
En
effet, la commission européenne garde secrète les négociations sur
un traité transatlantique permettant aux
entreprises de s'affranchir de nos lois, de nos droits et de notre
souveraineté nationale. C'est un sujet dont vous allez entendre de
plus en plus parler en 2014 dans le cadre des élections européennes
et qui aura de graves
conséquences sur notre modèle social, nos réglementations
écologiques, nos droits, s'il est ratifié. Bref, sur le fondement
de notre République et notre capacité à faire des choix
démocratiques.
C’est, depuis l'échec de l'AMI à la fin des années 1990, le plus important accord commercial jamais négocié entre l’Union européenne et les États-Unis. Il portera sur la moitié du PIB mondial et 40 % des échanges commerciaux mondiaux. L’objectif est de faire disparaître les différences réglementaires entre les USA et les nations européennes pour « stimuler la croissance et créer des emplois ! ».
Cet accord devrait apporter 120 milliards d’euro par an à l’économie européenne, 90 milliards aux États-Unis, et même 100 milliards au reste du monde. Ces chiffres, dont la Commission Européenne se gargarise, proviennent d’une étude1 « indépendante » diligentée par le système bancaire, ce qui n'est vraiment pas une preuve de neutralité. Grâce à cet accord, la Commission européenne prévoit - « royalement » - en 2030 ans une augmentation moyenne annuelle des revenus de 545 euros par ménage européen.
L’accord supprimera tous les droits de douanes pour toutes les activités économiques, et, ce qui est le véritable enjeu, toutes les réglementations superflues : différences de règlements techniques, normes, procédures d’approbation, etc.
Les négociations ont commencé en juillet 2013 et les partenaires espèrent un accord en 2015, mais les risques sont énormes et l’opacité est la règle. Le mandat des négociateurs a été classé en « diffusion restreinte ». Une décision qui n'est pas du goût des euro-députés et de la ministre française du Commerce extérieur, Nicole Bricq qui a écrit à ce sujet : « Un tel accord ne peut se faire dans le dos des peuples et des sociétés civiles ». Mais comme à l'habitude dans ce genre de négociations plusieurs pays, dont l’Allemagne, s’opposent à la déclassification de ce document dont plusieurs versions circulent2.
En préambule aux négociations, un groupe de travail a été créé en 2011 mais, là aussi, le noir est de rigueur, car c'est sans connaître l’identité des personnes composant ce groupe. Corporate Europe Observatory3 (COE) qui a pu après de nombreuses démarches obtenir une liste résume la situation : « bureaucrates, pro-libre-échange notoires, non élus et n’ayant pas de compte à rendre »
Bien entendu, si la société civile est tenue à l’écart des négociations, ce n'est pas le cas des grands groupes privés, des organisations de patrons ( MEDEF par exemple ) et des lobbys des multinationales.
Les problèmes qui intéressent au premier chef les citoyens sont les mécanismes de protection des investissements qui permettraient aux investisseurs de porter plainte contre un Etat si la législation de celui-ci pénalise ses investissements : une nouvelle législation du travail contraignante ou une réglementation environnementale qui obèrent les résultats, par exemple. Tout à fait, comme l'Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) qui était sorti par la porte et qui rentre par la fenêtre.
Au Canada, par exemple, deux brevets possédés par la firme pharmaceutique américaine Eli Lilly ont été annulés par les Tribunaux pour manque de preuves sur les prétendus effets bénéfiques de médicaments. Eli Lilly utilise les règlements de conflits d’investissement intégrés dans le traité signé entre les USA et le Canada pour réclamer au gouvernement canadien 500 millions de dollars et le changement des lois sur les brevets.
Lori M. Wallach, responsable de l’ONG états-unienne Public Citizen affirme que « S'il (le traité) devait entrer en vigueur, les privilèges des multinationales prendraient force de loi et lieraient pour de bon les mains des gouvernants. »
Grâce à des mécanismes similaires,
des entreprises européennes ont déjà engagé des poursuites contre
l’augmentation du salaire minimum en Égypte ou contre la
limitation des émissions toxiques au Pérou.
Un collectif composé d'une cinquantaine d’associations, syndicats et partis politiques français affirme dans un communiqué commun4. « Le Grand marché transatlantique serait une atteinte nouvelle et sans précédent aux principes démocratiques fondamentaux ».
La Commission européenne veut faire croire à une énième solution miracle qui permettrait de relancer la croissance, de résorber le chômage, etc … c'est une tromperie de plus de cette institution qui ne fait que travailler à satisfaire les entreprises et leurs actionnaires.
Il faut faire obstacle à la promotion du credo libéral de la libre concurrence qui ne fait que creuser les inégalités et paupériser une partie importante des européens et à cette tentative généralisée de démantèlement des protections sociales.
Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux
1
http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2013/march/tradoc_150737.pdf
2
Une version :
http://www.humanite.fr/sites/default/files/pdf/2013/huma_internet_2013-05-18_texte_commission1_0.pdf
3
COE est une ONG qui fait de la recherche et mène des campagnes sur
les menaces que fait peser le pouvoir économique et politique
des grandes entreprises et leurs lobbies sur la démocratie,
l'équité, la justice sociale et l'environnement.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Corporate_Europe_Observatory
4
http://www.humanite.fr/sites/default/files/pdf/2013/stoptafta_0.pdf
Source image : Le Parti de Gauche 29/Rainer Hachfeld - jarogruber.blogspot.fr
Source image : Le Parti de Gauche 29/Rainer Hachfeld - jarogruber.blogspot.fr