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dimanche 11 novembre 2018

11 novembre 1918 - 11 novembre 2018


Nous sommes un jour exceptionnel.1

En effet, il y a juste 100 ans se terminait ce que d'aucuns appellent la « Grande Guerre » ce que je nomme une abominable boucherie.

Il faut, en effet, se rappeler :

Que la moitié des jeunes Français âgés de 20 ans en 1914 ont disparu à l'issue du conflit.

Il faut se rappeler :

Qu'il y a à déplorer 9,5 millions de morts ou disparus dont 1,4 million Français. A ces chiffres, selon les historiens, il manquerait 1 million de morts non comptabilisés par les différentes armées.


Il faut se rappeler :


Qu'il y a eu, chiffres effarants, 73 millions d'hommes mobilisés et 1 milliard d'obus tirés pendant les quatre années du conflit.


Il faut se rappeler :


Qu'en raison de la présence dans le sol d'obus, de balles, de cadavres humains ou d'animaux, 3 millions d'hectares sont déclarés toujours impropres à l'agriculture.


Il ne faut pas, bien entendu, passé sous silence les 639 fusillés pour exemple dont de nombreuses associations demandent, depuis longtemps, sans succès, la réhabilitation. A part un comportement ultra moraliste et conservateur ou peut être un patriotisme archaïque on ne comprend pas ce qui empêche à ces chefs d'Etats de prendre la décision que nous attendons tous

Mais je voudrais cette année, insister sur un point dont nous n'avons pas beaucoup entendu parler, pas d'inquiétude je ne parlerai pas des Maréchaux, non, je veux saluer le rôle exemplaire des femmes, de nos mères et grands mères, dans ce conflit.

Sans leur engagement, la victoire n’aurait pas été possible. Il faut en rappeler les circonstances mais en même temps il faut malheureusement modérer les jugements hâtifs sur leur émancipation après ces faits glorieux.

Elles ont connu une mobilisation sans précédent. La plupart d'entre elles ont remplacé les hommes enrôlés dans l'armée en occupant des emplois civils ou dans les usines de fabrication de munitions. Dans les campagnes les femmes ont assumé les travaux des champs à partir de l’été 1914. Des milliers ont servi dans l'armée dans des fonctions de soutien, par exemple en tant qu'infirmières.

Marie Curie en fût un brillant exemple.

Cette mobilisation féminine a atteint son apogée fin 1917.

Malgré la loi du 3 juin 1915 qui leur a transféré la puissance paternelle pour la durée du conflit, la sortie de guerre se traduit par un renvoi massif des femmes des secteurs de l'économie auxquels le conflit leur avait donné accès.

Au moment de l'armistice, ingrat, le gouvernement les incite à retourner à leurs activités antérieures. On a plus besoin de vous, retournez donc à vos casseroles ! C'est tout dire.

Le ministre Loucheur propose un mois de salaire aux ouvrières des usines d'armement si elles quittent leur travail avant le 5 décembre.

On considère souvent que la Grande Guerre a marqué un tournant dans l’émancipation féminine. C'est faux, car s’il est vrai qu’elles obtiennent un nouveau statut durant la guerre, au moment de l’armistice, beaucoup de choses retournent comme avant.

Dès qu’on n’a plus réellement besoin d’elles dans l’industrie, leur salaire baisse.
Les avantages acquis n’ont donc pas été très durables. Le changement est superficiel et provisoire.

Du point de vue de la politique, on ne peut pas parler d'émancipation, seules les femmes allemandes obtiennent le droit de vote en 1919.

En France, celui-ci avait été approuvé par l’Assemblée nationale mais il a été finalement rejeté par le sénat en 1922. Pour les sénateurs, de gauche, Oui, vous avez bien entendu, de gauche, les femmes, celles qui avaient concouru à la victoire, sont considérées comme d’éternelles mineures forcément influençables et soumises au bon vouloir et à la domination des hommes, incapables d’apporter « la modération de langage et la netteté des conceptions, qui sont indispensables dans les usages parlementaires ». Une autre vieille barbe s'exclame : « Séduire et être mère, c’est pour cela qu’est faite la femme » pas pour voter, etc ...

Il faudra attendre 1945 pour qu'elles obtiennent ce droit de vote et 1965 pour qu'enfin, elles puissent ouvrir un compte bancaire ou conclure un contrat de travail sans l'autorisation de leurs pères ou de leurs maris.

La seule avancée est dans la mode : abandon du corset, des vêtements longs et ajustés, des chapeaux encombrants, des chignons et, tout de même, d’une indéniable libération des moeurs qui se déploie cependant nuancé par la codification du deuil, par l’ordre moral et par la répression des pratiques contraceptives qui sont condamnées par la loi.

C'était il y a 100 ans. Avons nous vraiment évolué ?



 Jean-Claude VITRAN



1 Allocution prononcée le 11 novembre 2018 devant le monument de la Paix du cimetière de Pontoise